Le Comité Colbert et Bain & Company ont présenté les résultats de leur étude Luxe et technologie, le début d’une nouvelle ère. Les données sont issues de 75 entreprises membres du Comité Colbert* et résultent d’entretiens.
L’intégration des nouvelles technologies dans l’industrie du luxe permet des bénéfices qui se manifestent à trois niveaux, d’une part en matière de fluidification de la relation client et de l’expérience associée. D’autre part au niveau de l’excellence opérationnelle. Enfin au niveau de la réduction de l’empreinte carbone même s’il conviendrait de raisonner plus largement en matière de ressources (eau, métaux, terres rares, etc.) pour ne pas être réducteur.
Les trois leviers essentiels qui sont soulignés sont une révolution culturelle et organisationnelle au sein des Maisons avec la conduite du changement, une mise en commun des forces et une ouverture aux avancées technologiques d’autres secteurs qui peuvent être sources d’inspiration. Voir à ce sujet le tableau 3.1 besoin en technologie selon les secteurs d’activité en moyenne (in livre La transformation digitale pour tous !).
Ainsi pour l’étude 16 technologies ont été sélectionnées (biotechnologies qui est un peu fourre-tout, recyclage moléculaire, impression 3D, intelligence artificielle et machine learning pour l’optimisation des processus, intelligence artificielle et machine learning pour l’engagement client, réalité augmentée et réalité virtuelle, inspection optique automatisée, scanner, imagerie 3D, holographie, analyse neuronale, gants et écrans haptiques, identification par fréquence radio, blockchain, métavers, NFT). 13 technologies sont relatives à l’expérience client, 1 autre (IA/Machine learning) à l’excellence opérationnelle et 2 au développement durable (recyclage moléculaire et biotechs).
Sur celles-ci, à date, les entreprises ont adopté en moyenne 2,3 technologies. Seules la RFID, l’impression et l’imagerie 3D ont un taux d’adoption de plus de 30 %. En moyenne, les Maisons testent aujourd’hui (ou projettent de déployer d’ici 2025) 3,2 technologies supplémentaires. Par ailleurs, les Maisons adossées à un groupe ont adopté en moyenne 1,8 fois plus de technologies que les Maisons indépendantes. Ce sont les technologies les plus récentes qui sont l’objet d’un écart-type fort selon les Maisons. En revanche, s’agissant des technologies les plus mûres, les Maisons indépendantes ont rattrapé leur retard et affichent des taux d’adoption proches de ceux des Maisons adossées à un groupe.
L’engagement client est le premier objectif visé par l’adoption d’une technologie pour le secteur du luxe.
Il s’agit d’enrichir l’expérience client, au-delà des points de contact physique, avec la personnalisation des produits, de la relation client.
Les facteurs d’accélération ont été le marché chinois fort consommateur du luxe lequel est beaucoup Made in France (même si l’Italie ou d’autres nations ne sont pas en reste) ainsi que la crise de la Covid. Ceci a permis de personnaliser les expériences de vente à distance avec aussi l’omnicanailité et la 3D avec les réalités augmentée et virtuelle. Pour le futur, NFT et métavers présentent un intérêt respectivement pour un nouveau modèle de CRM et pour un univers immersif. Ainsi 51 % des maisons du luxe auraient un projet NFT. Des PoC (proofs of concept) ont notamment été réalisés côté joaillerie et horlogerie qui sont bien avancées. Dans ces tests par essais et erreurs et acquisition d’expérience, chaque industrie du luxe est à la recherche de son modèle avec des cas d’application très variés.
On pourra noter la start-up Hapticmedia qui réalise un configurateur 3D pour le e-commerce et visualiser et tester un objet comme une bague ou une montre avant l’achat avec les paramètres physiques requis. Nous avons par ailleurs la possibilité de mettre un tag RFID sur une bague pour la traçabilité. Néanmoins selon les pays la législation diffère. En Chine, il est bien perçu d’avoir un client accueilli comme suit dans une boutique « Bonjour M. Untel », ce qui n’est pas possible en Europe du fait du RGPD.
Notons des barrières à l’adoption des technologies liées au Web3 outre une perception de pertinence limitée par rapport à des cas d’usage (49 % des réponses):
- Un manque de compétences limité par rapport à des technologies évolutives (37 % des réponses) ;
- Une non-adéquation avec l’ADN de la Maison (19 %) ;
- Des coûts trop élevés (15 %) même si des démocratisations vont s’opérer, on le voit par exemple sur l’Internet des objets ;
- Une 2 expérience client complexe du fait de l’achat de crypto-monnaie et des NFT ;
- Un modèle économique non encore défini ;
- Des difficultés ou un relatif flou juridique quant au droit d’auteur vis-à-vis des NFT ;
- Un manque de recul sur les enjeux sociaux/sociétaux (cas de l’énergie, avec des arbitrages à opérer).
Les technologies sont également perçues au service de l’excellence opérationnelle
notamment avec la RFID et la blockchain pour la traçabilité de bout en bout qui est l’objet de nombreuses expérimentations et enfin l’IA (pour le supply chain management où l’on a des leviers d’optimisation). Concrètement, les phases de conception, de fabrication du produit, de recyclage peuvent être optimisées avec une anticipation et un ajustement des stocks et des prévisions de production par rapport à la demande.
Le développement durable arrive en troisième objectif
avec l’utilisation des biotechs notamment dans l’utilisation de nouveaux matériaux écoresponsables et des procédés de fabrication plutôt que de recourir à des matières animales (on songe au cuir par exemple :). Il s’agit de raisonner sur l’ensemble du cycle de vie du produit depuis la conception jusqu’au recyclage. Les technologies peuvent arriver en support pour optimiser les stocks ou avec des jumeaux virtuels pour éviter surproduction et déchets.
A noter que la Chine devient un terrain d’expérimentation pour cibler les jeunes générations technophiles. Le luxe va ainsi à la rencontre des générations futures. Ainsi Cartier, outre son site cartier.cn en Chine s’appuie sur WeChat pour des essais virtuels de créations sélectionnées de visites virtuelles de boutiques, etc.
*Le Comité Colbert, créé en 1954 à l’initiative de Jean-Jacques Guerlain, est un collectif qui rassemble en son sein 92 Maisons de luxe françaises, 17 Institutions culturelles et 6 Maisons de luxe européennes. Il représente 14 métiers : Cristal, Cuir & Maroquinerie, Design & Décoration, Edition, Faïence & Porcelaine, Gastronomie, Haute couture & Mode, Joaillerie & Horlogerie, Musique, Orfèvrerie, Palaces, Parfums & Cosmétique, Patrimoine & Musées, Vins & Spiritueux.
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