3 questions à … Jean-Marc Allouët

1. Pourriez-vous présenter GEO, start-up au sein de BM&A, les différentes couches de données pour la collecte, l’enregistrement, le calcul, la visualisation ? En quoi le service est différenciant et quelle est la promesse de valeur vis-à-vis des différents ERP et des sources hétérogènes avec les cibles visées ? Quelles sont les étapes de développement à venir ?

BM&A est un cabinet d’audit et de conseil financier né voici une quarantaine d’années, qui compte aujourd’hui plus de 200 collaborateurs et associés. Ce cabinet, sous l’impulsion d’Erwan Lirin et de ses associés, a décidé en 2018 de lancer un projet de conception d’une nouvelle solution d’investigation et de contrôle des flux comptables. Leur réflexion était, et est toujours, que désormais la seule expertise ne suffit plus, il faut aussi disposer des meilleurs outils et solutions techniques. Lorsqu’elles n’existent manifestement pas, il faut alors se poser la question de leur création, et si l’on en est capable, les créer. J’avais déjà travaillé depuis de nombreuses années sur ces concepts, et ai donc rejoint BM&A pour mener ce projet. Il a alors été constitué une équipe de data analysts compétents dans le domaine financier afin de donner vie à cette nouvelle solution, en mode start-up.

Interview de Jean-Marc Allouët, COO de GEO, start-up de BM&A

GEO (Global Enterprise Observer) permet de « passer aux rayons X » l’ensemble des flux et pratiques comptables, identifiant ainsi de nombreux points d’attention, tant dans l’organisation de la production comptable, que dans l’existence de situations à risques comme des erreurs, des pertes de trésorerie, des fraudes potentielles, des signaux de corruption éventuelle, etc.

Pour cela, GEO se nourrit de toute comptabilité, quels que soient les ERP sources, les pratiques comptables locales, les volumétries de données. Cette donnée est ensuite raffinée grâce à un jeu de règles, des paramètres permettant de comprendre l’environnement étudié, et bien sûr pas mal de maths et d’algorithmes.

Le résultat des analyses est rendu disponible et explorable au sein d’une interface que nous avons souhaité la plus intuitive, conviviale et adaptable possible.

Aujourd’hui, après seulement 2 années de mise à disposition des clients, GEO est déjà utilisé dans plus de 40 pays, par plusieurs centaines de sociétés, et par près d’un millier d’utilisateurs. Nous analysons désormais chaque année plusieurs milliards d’écritures comptables. Nos clients sont principalement des ETI ou grands groupes nationaux ou internationaux. Les utilisateurs finaux sont des directeurs financiers et/ou comptables, l’audit et le contrôle interne, les compliances officers, des directions fiscales, ou encore des responsables de la croissance externe. Nous avons aussi d’autres cabinets d’audit et de conseil, en France et à l’étranger, qui commencent à intégrer GEO dans leur offre.

Selon nos clients, les principaux atouts de GEO qui ressortent sont :

  • son adaptabilité à tout environnement applicatif comptable. Ceci permet aux utilisateurs de GEO de disposer d’une vue transversale, globale et comparable, pour l’ensemble des filiales de leurs groupes, y compris dans un contexte de grande hétérogénéité ;
  • Son caractère utile. GEO n’est pas perçu comme une énième contrainte opérationnelle supplémentaire, mais bien comme un outil qui simplifie la vie de ses utilisateurs. Notre plus grande satisfaction vient d’utilisateurs qui se sont vu « imposer » GEO, et qui après usage réclament son extension sur l’ensemble de leur périmètre.

Nous avons encore de nombreuses pistes d’évolutions, tant technologiques, fonctionnelles, qu’en termes de nature de données traitées. Comme dit précédemment, nous interagissons beaucoup avec nos clients, et ils sont donc parties prenantes dans la détermination de notre feuille de route. C’est clairement du gagnant-gagnant.

2. Et quelles sont les spécificités de la donnée comptable ? Comment pourrait-elle être mieux utilisée par les organisations ?

La donnée comptable constitue un quasi-tronc commun des entreprises. Bien sûr, on note de nombreuses spécificités ou différences à prendre en compte comme la structure des tables de l’ERP source, les plans de comptes, les devises, l’organisation des journaux comptables, les natures d’utilisateurs, les périodes normales de travail, les taux de TVA locaux, etc.

L’une des raisons d’être de GEO est de pouvoir homogénéiser l’ensemble des données au sein d’un groupe international, permettant ainsi à ses utilisateurs de disposer d’une vue globale et comparable. Cette matière première « comptable » devient donc beaucoup exploitable et de façon beaucoup plus intuitive.

Or la comptabilité recèle de nombreuses informations et indices sur le bon fonctionnement, ou non, d’une entreprise. L’un de mes clients, dans le transport maritime, me disait « En regardant le sillage, on peut déjà en savoir beaucoup sur le bon fonctionnement du navire… ».

Nous utilisons aussi de plus en plus GEO dans le cadre d’opérations de croissance externe. En effet, en quelques heures nous avons la capacité de fournir à nos clients de nombreuses analyses très pointues sur la cible envisagée lors d’un projet d’acquisition. C’est non seulement un gain de temps appréciable, dans ces opérations à délais très restreints, mais aussi une sécurité importante car la cible est véritablement passée au scanner, et des questions pertinentes sont régulièrement issues de cette analyse. Pour reprendre une réaction de l’un de mes clients dans le monde du sport professionnel, « Dans mes projets de croissance externe, GEO joue le même rôle que la visite médicale avant signature définitive du contrat d’un nouveau joueur. ».

Bien sûr, nous ne sommes finalement qu’au début de ce nouveau cycle de valeur, et bien que nous rendons déjà aujourd’hui de nombreux services, de nouvelles pistes s’ouvrent en permanence, mais nous avons décidé de rester assez confidentiels sur celles-ci, car elles constituent de futurs facteurs différenciants pour les services que nous proposons, et nous avons pu constater que nous faisions l’objet d’une veille très active. C’est flatteur, mais cela nous impose une certaine retenue.

3. Vous avez déclaré que « la donnée consomme moins de CO2 à faire voyager que les personnes ». Quelle est votre vision sur le développement des datacenters ?

Enfin, avec la crise de la Covid, quelles sont selon vous les failles qui ont été le plus pointées dans les organisations et pourquoi ? Risques d’attaques de cybersécurité, malveillance interne, erreurs, retard dans la transformation digitale, autre ?

Effectivement, et cette remarque est directement issue d’échanges avec plusieurs de mes clients en charge de l’audit et du contrôle interne de leurs groupes. Nous avons réalisé les premiers déploiements de GEO durant la première période de confinement en 2020. Pour les auditeurs internes, les déplacements n’étaient alors bien évidemment plus possibles. La mise en œuvre rapide de GEO leur a permis de poursuivre, à distance, une partie de leurs investigations. Et l’expérience a montré qu’une pré-analyse à distance, des pratiques et flux comptables en l’occurrence, était non seulement possible, mais surtout très efficace. Cette « data-analyse » permet donc de limiter la durée d’intervention sur site, voire dans certain cas de se rendre compte qu’elle n’est pas indispensable compte tenu des résultats des premières analyses, et des réponses qui ont pu être apportées par la filiale concernée. Par conséquent, il y a clairement un effet positif en termes d’efficacité, de budget, mais aussi en matière d’impact CO2. Même s’il y a un impact CO2 au traitement et à la transmission de données, il est sans aucune mesure avec celui du déplacement et d’un accroissement de la durée de séjour de personnes physiques.

Quant à ma vision sur le développement des datacenters, je vais rester modeste et m’en tenir à un simple sentiment, plus qu’une « vision », au regard de ce que nous vivons avec notre solution. L’utilisation de datacenters, notamment pour des solutions en mode SaaS, a un intérêt indéniable, celui de la mutualisation de ressources et de compétences, a fortiori si l’on est dans un environnement scalable. En effet, cela permet de ne pas dédier une infrastructure dont la dimension serait fixée en fonction du pic de la demande en capacité. GEO, par exemple, nécessite ponctuellement une très grande force de calcul lorsque nous avons à analyser dans un délai court les comptabilités en fin d’exercice d’un grand nombre de nos clients. Dimensionner notre infrastructure en fonction de ce pic n’est pas optimal. La scalabilité est donc un objectif que nous devons poursuivre.

Maintenant, il existe aussi d’autres pistes. On pourrait tout à fait envisager que ces calculs, ces pics ponctuels de besoins de ressources, puissent être planifiés de préférence à un moment ou une énergie dite renouvelable serait le plus disponible. Bien évidemment, on n’attendra pas nécessairement ou systématiquement qu’il y ait du soleil ou du vent pour réaliser les analyses GEO, mais des pistes d’optimisation énergétiques sont probablement possibles, et je ne doute pas que des acteurs des datacenters se penchent actuellement sur ce sujet pour des opérations pouvant être planifiées, c’est-à-dire ne demandant pas une réponse instantanée. Le calcul de nos analyses peut être planifié, la consultation et l’exploitation des résultats doivent quant à eux être disponibles sans délais. Il s’agit donc de deux natures de traitement différents, pouvant énergétiquement être envisagés différemment. Bien évidemment, à l’avenir, le fait d’offrir ce type de possibilités énergétiques par un datacenter sera un critère important dans le choix d’un partenaire, au même titre que le sont déjà la localisation des données, ou le niveau de sécurité.

La crise est au sens premier une phase grave dans l’évolution des choses, des événements, une forme de rupture entraînant des perturbations importantes non anticipées. Nous vivons le passage d’un état « stable » passé, à nous l’espérons un autre futur état « stable », mais en passant par une période nécessairement instable. Cette période est logiquement inconfortable, mais elle peut être passionnante seulement et seulement si l’on décide d’agir et non pas seulement de la subir.

Un vieux proverbe Zen dit que lorsque l’on monte sur un tigre, il vaut mieux réussir à tenir dessus. Cette accélération de la transformation digitale est clairement un tigre. Beaucoup de puissance, et pas mal de dangers. On ne fera pas disparaitre ce tigre, donc il faut l’apprivoiser.

Du point de vue de notre activité avec GEO, nous avons clairement ressenti cette crise comme un accélérateur de décision pour le passage à l’utilisation de moyens digitaux, ou encore pour la mise en œuvre d’audits à distance. Ce qui était une « bonne idée à étudier » est devenu « une priorité à déployer ».

Maintenant, d’un point de vue plus global, il est clair que l’on renforce encore notre dépendance vis-à-vis du digital, on en renforce aussi les risques. Par exemple, des habitudes sont aujourd’hui prises pour le télétravail et les réunions à distance. Par conséquent, supprimer du jour au lendemain le lien numérique aura un impact sur les organisations encore plus grand qu’il ne l’aurait eu avant cette crise.

Trois points me paraissent donc essentiels :

  • Identifier et surtout choisir les opportunités offertes par ces bouleversements ;
  • Identifier et surtout anticiper les risques qui accompagnement ces transformations ;
  • Avoir une stratégie globale. En effet, comme le disait Pierre Dac, qui n’était pourtant pas un spécialiste de l’accélération de la transformation numérique, les personnes qui ne savent pas où elles vont seront toujours surprises de se retrouver… ailleurs…

Tout cela relève donc d’une bonne conduite de changement, et dans « conduite de changement », il n’y a pas que « changement » ; il y a surtout « conduite ». Je pense donc que le principal risque actuel est de se laisser emporter par le « changement », sans la « conduite ». Cela devrait nous permettre de rester le plus « Zen » possible.

Jean-Marc Allouët est COO de GEO, start-up de BM&A. Après un parcours dans l’audit et le conseil, il imagine très tôt les premières solutions d’investigation comptable qui combinent des expertises mathématiques, informatiques et financières au service des métiers du chiffre et du contrôle. Après avoir rejoint le cabinet de conseil et d’audit BM&A, Jean-Marc Allouët coordonne les professionnels du chiffre, les data analysts, data scientists et les experts de l’exploitation sécurisée de données sensibles, pour concevoir, développer et perfectionner une solution innovante d’analyse et contrôle comptable pour BM&A et ses clients, GEO.

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