3 questions à … Nicolas Ciccione

1. Comment percevez-vous la transformation du e-commerce ces 3 dernières années tant au niveau des usages des consommateurs qu’en interne pour les enseignes (marketing et vente, relation client, logistique et back office) ? Est-ce que la Covid a été un facteur d’accélération de certaines enseignes et pourquoi ?

Sur les trois dernières années on a pu observer plusieurs forts changements comportementaux, notamment l’usage du mobile aujourd’hui qui tire la croissance et fortement majoritaire vs les PC et les tablettes. Ceci est toutefois à nuancer. Pour les seniors et les enfants ou pour certains usages, ils conservent un intérêt. De surcroît les marchés des PC et des tablettes qui fléchissaient ont connu un rebond avec la Covid et le confinement.

Ce boom du mobile a induit de nombreux impacts : besoin de sites ou d’applis très performants, priorisation des politiques UI et UX, modification des politiques d’acquisition liée à la disparition des grands carrefours d’audience habituels avec un déplacement rapide vers les réseaux sociaux. Et à l’intérieur même des réseaux sociaux, on constate des déplacements de l’audience, par exemple d’Instagram vers TikTok pour certaines enseignes et certaines clientèles.

Interview de Nicolas Ciccione, Kaporal

On a aussi une utilisation plus impactante de la géolocalisation… De manière concomitante, l’utilisation des réseaux sociaux comme autant de points de contacts avec la Marque a explosé, ce qui, là aussi, provoque des ajustements en termes d’organisation et d’outils. Non seulement on a des déplacements vers d’autres supports mais chacun ne fonctionne pas de la même façon. Chaque outil possède ses propres algorithmes, ce qui nécessite d’apprivoiser la façon dont les outils se comportent pour plus d’efficacité.

Les politiques de commerce unifié – lequel amène à faire sauter les derniers freins entre commerce physique et commerce sur Internet – se sont également imposées lors de ces trois dernières années pour les marques et enseignes ayant des réseaux physiques, avec une nécessité vitale rendue encore plus flagrante avec la crise sanitaire. Quel que soit le point de contact choisi par le client, il accède à la même offre, aux mêmes conditions et avec une expérience client homogène.

La Covid a été un facteur de très forte accélération de la transformation digitale pour l’ensemble des parties prenantes. Sur notre secteur en particulier (fashion) on a pu constater un bond technologique effectué par les Marques sur les sujets BtoB notamment, avec la nécessité de présenter les collections sur des showrooms virtualisés en l’absence même de collections physiques complètes à présenter. Pour la partie retail le fait d’être en retard sur des sujets omnicanaux a aussi accéléré les chutes auxquelles on a pu assister dans le secteur. Le constat est que toute une partie de la clientèle boutique a découvert de manière subie le e-commerce, pour s’apercevoir que le service et l’expérience leur convenait. A notre échelle nous avons presque doublé le nombre de clients « mixtes » (ayant acheté à la fois en boutique et en ligne sur l’année) depuis cette période de confinement. L’ancien plafond communément évoqué entre 20 % et 25 % maximum d’un marché couvert par le en ligne doit être nettement revu à la hausse pour les années à venir de mon point de vue.

2. Comment un dirigeant comme vous effectue-t-il sa veille technologique sur Internet et les réseaux sociaux ? Et comment avec Laurence Paganini impulsez-vous la culture numérique au sein de vos équipes pour le développement de Kaporal ?

La veille technologique est une discipline quotidienne. Personnellement je mixe des suivis de comptes influents sur les réseaux avec des newsletters de médias sectoriels spécialisés. Par ailleurs, j’ai des contacts directs réguliers avec plusieurs incubateurs ou accélérateurs qui foisonnent de nouvelles solutions, et notre propre écosystème de sociétés innovantes ou de formation sur l’IA avec lesquelles nous travaillons m’apporte aussi souvent de nouveaux contacts pour de nouvelles idées de résolution de nos problématiques. Enfin, les salons comme le OneToOne ou grands événements business digitaux comme LesBigBoss sont aussi des occasions de découvrir ou redécouvrir les applications concrètes business
disponibles.

Pour ce qui est de la diffusion de la culture numérique au sein de nos équipes chez Kaporal, nous avons un avantage, notre CEO Laurence Paganini ayant porté et soutenu la transformation digitale dès son arrivée. Que le dirigeant porte cette vision et cette ambition est clé pour toute entreprise. Ensuite on s’est attachés à transformer plutôt que de révolutionner, en s’appuyant systématiquement sur les remontées opérationnelles et terrain : en associant on convainc plus qu’en imposant. Enfin nous communiquons en interne de façon régulière lors de rendez-vous collaborateurs physiques ou virtuels via Teams selon (actualités du groupe, points d’avancement et partage de bonnes pratiques) et en s’appuyant sur des ambassadeurs internes (avec des pilotes de projets pour diffuser la culture de transformation digitale et durable que nous insufflons).

3. Dans la transformation digitale de Kaporal qui est menée au quotidien, avez-vous repéré des concepts pertinents – dans le cadre de benchmarks ou de veille – chez des enseignes à l’étranger (par exemple Corée du Sud, Etats-Unis, Chine, Japon, autres nations) pour le développement du e-commerce voire même en France ?

Cela a déjà été le cas voici quelques années, quand nous avons décidé d’être la première marque fashion française à déployer le ship-from-store sur la base d’un stock unifié pour l’ensemble de nos 120 succursales, nous avions identifié la solution – pourtant française – (OneStock) en Angleterre chez une enseigne nommée PhaseEight. Aujourd’hui, nous continuons d’observer attentivement le Royaume-Uni qui est le marché le plus mature dans la zone européenne pour le fashion retail notamment pour l’expérience client dans un contexte de commerce unifié. Et effectivement les Etats-Unis, la Corée du Sud et la Chine pour notamment les concepts de live shopping et de marketplaces directement liées à des réseaux sociaux qui sont les nouveaux grands carrefours d’audience. Le live shopping constitue en effet une nouvelle façon de vendre. Pendant qu’une personne présente le produit – celui-ci peut être un influenceur ou un vendeur de la marque sur le lieu physique -, la commande peut s’effectuer en direct par les internautes. C’est un peu du téléachat transposé à la plateforme sociale avec une composante culturelle qui est importante. C’est l’une des tendances à suivre et il faut s’y préparer pour les futures générations.

A noter que pour certains de nos projets digitaux plus proches de l’intermédiation que du e-commerce nous gardons aussi un œil intéressé sur les pays scandinaves et du nord de l’Europe qui continuent à avoir une petite avance sur ces sujets.

En ce qui concerne par ailleurs nos développements, nous avons équipé notre site d’un moteur de recherche interne et avons choisi la start-up Algolia, potentiel licorne française.

20 octobre 2020

Directeur e-Business & Relation Client du Groupe Kaporal. Nicolas Ciccione, après avoir débuté chez Ernst&Young a travaillé dans le digital dès 2000. Depuis 2013, au sein du Comité de direction du Groupe Kaporal, il assure la transformation digitale omnicanale de l’entreprise et plus particulièrement pour la relation et le marketing client, les données et l’innovation.

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