Taxer les GAFA : le frexit numérique assuré !

La difficulté de taxer, pour les profits réalisés, les GAFA et autres géants du numérique est réelle. Pour autant, la taxe GAFA relève plus d’un effet d’annonce sans réflexion en profondeur sur le sujet. Elle a aujourd’hui des conséquences qui pénalisent le client et demain elle sera encore plus néfaste sur l’économie numérique et plus largement sur l’économie française.

Pour mémoire elle consiste à taxer les géants du numérique à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires réalisé en France à compter du 1er janvier 2019. Il ne s’agit pas de taxer les bénéficies mais le chiffre d’affaires ! Sont éligibles les entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 25 millions d’euros en France et de 750 millions d’euros dans le monde. Cette taxe présente par ailleurs un effet rétroactif puisque voté en avril 2019. Ceci est contraire à l’un des principes de la Constitution américaine qui a les GAFA aux premières loges.

Taxation des GAFA et conséquences

J’avais exprimé mon désaccord avec cette mesure qui comme le dit Rafik Smati, président d’Objectif France, est une « fausse bonne idée ». Elle va concerner outre les GAFA qui ont un hyper pouvoir et sont une machine à cash d’autres entreprises. Sont impactées des entreprises numériques françaises tels que Leboncoin ou Criteo par exemple comme souligné par Pascal Samama reprenant une étude du cabinet juridique et fiscal Taj.

Le problème n’est pas pris dans le bon sens. En effet les GAFA sont en situation de quasi-monopole. Ils ont tout loisir de répercuter les taxations sur leur prix de vente afin de conserver leurs marges, ce qui pénalise in fine les PME françaises et les particuliers qui supportent le manque à gagner de l’Etat.

Les GAFA peuvent ainsi répercuter la taxation en une augmentation des prix, par exemple Google avec ses AdWords et AdSense pour l’achat aux enchères des mots clés car en situation de quasi-monopole. Ce qui est récupéré d’un côté est repris de l’autre, d’où la nécessité d’imaginer une autre solution pour que ce ne soit pas le consommateur et les entreprises françaises qui payent plus… comme indiqué dans ma tribune cosignée dans le JDD.

Cette décision unilatérale et faite sans concertation préalable avec nos partenaires européens est grave. Elle a de surcroît été prise quelques mois avant les élections européennes. Pour avoir un impact, il est nécessaire de pratiquer le lobbying, l’influence pour que la taxation soit globale au niveau d’un continent voire du monde même si cela demande plus de temps. Le combat numérique s’inscrit aussi dans la durée.

Les ripostes à la taxe GAFA vont s’effectuer en 3 actes.

Acte 1 : augmentation des prix des acteurs en quasi-monopole

Google avec AdWords et AdSense ainsi qu’Amazon pourront facilement augmenter leur prix. Ainsi Amazon a annoncé le 1er août qu’à compter du 1er octobre, ses commissions sur sa place de marché vont augmenter de 3 %. C’est aussi le cas d’Apple qui a une élasticité-prix favorable pour l’heure et de Facebook.

Les consommateurs qu’ils soient entreprises ou clients vont devoir supporter ces hausses des tarifs.

A contrario, d’autres acteurs numériques pas hégémoniques comme les GAFA et non monopolistiques auront des marges de manœuvre réduites. Les GAFA pourront relativement accroître leur avantage compétitif sur des Leboncoin & co.

Acte 2 : des importations de produits français pénalisés comme le vin

Les rétorsions économiques de la part des Etats-Unis arrivent. Les produits de luxe français sont souvent dans le viseur. En l’espèce il s’agit de la part de l’administration Trump de taxer les vins en provenance de France pouvant aller jusqu’à 100 % alors même que l’Amérique du Nord est un relai de croissance stratégique pour le vignoble français.

Nos viticulteurs qui exportent vers les Etats-Unis vont en faire les frais, d’autant plus qu’avec la sécheresse de 2019 le cru ne risque pas d’être massif.

A noter que l’Allemagne n’a pas suivi la France dans cette mesure de peur d’avoir les exportations de ses voitures taxées en retour par l’oncle Sam.

Acte 3 : vers une délocalisation des emplois de France vers d’autres pays européens

Amazon et Google pourront aussi riposter en délocalisant leurs centres de R&D, Hub, etc. vers d’autres pays européens plus attractifs fiscalement, en Irlande voire en Allemagne ou en Espagne par exemple et où les va-et-vient fiscaux sont moins la règle. Sachant aussi que le prix du m2 et d’autres facteurs rentrent en ligne de compte comme la qualité des ingénieurs et du personnel qui peut être employé.

En prolongement, d’autres solutions à imaginer qui ne s’improvisent pas mais se construisent

Il est plus que jamais nécessaire de construire un écosystème réglementaire et fiscal favorable aux entreprises françaises et européennes, de mener une action concertée au niveau numérique avec nos partenaires européens, Royaume-Uni et autres nations de l’AELE incluses. Oui les GAFA qui échappent à l’impôt relève d’une injustice par rapport à d’autres acteurs économiques. Pour autant la taxation ne peut être faite que de façon globale et concertée sachant qu’une réflexion sur les monopoles est également à mener tant côté GAFA que BATX pour la Chine (faut-il démanteler Facebook comme l’estime Gilles Babinet qui va trop loin à présent avec Libra ?), il est nécessaire d’avoir un terrain favorable aux acteurs numériques européens et aux emplois. Ne fabriquons pas des gilets jaunes numériques.

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