Je livrai déjà un exemple de transformation digitale ratée à la mairie de Paris avec la verbalisation à tort du stationnement et je dis en introduction « La transformation digitale ne consiste pas en saupoudrer une couche de numérique sur des processus archaïques, une organisation en silos avec des entités cloisonnées qui ne se parlent pas. Elle est au contraire l’occasion de s’interroger sur la simplification des processus, de remettre en question son business model, de voir comment être davantage au service de ses clients, usagers, administrés, abonnés, etc. selon le type d’organisation. »
Il n’existe plus qu’une seule façon de prendre un rendez-vous pour demander un titre d’identité pour les Parisiens. Celui-ci n’est ni par téléphone ni en se rendant à la mairie d’arrondissement proche de son domicile. Il est uniquement via le site Internet paris.fr. Au lieu d’être dans l’omnicanalité nous avons basculé dans la monocanalité, le guichet unique en ligne et il convient de faire la queue sans connaître le nombre de personnes devant vous mais le nombre de créneaux disponibles et dans des mairies d’arrondissements dispersées. En outre, si on appelle le numéro de téléphone pour l’état-civil ou que l’on se rend en mairie, on est vite réaiguillé vers ce site pour la prise de rendez-vous, ce qui constitue une difficulté supplémentaire pour les citoyens frappés d’illectronisme. Tous les chemins mènent à Paris.fr !
6 000 rendez-vous sont fièrement annoncés par semaine alors que les Parisiens sont 2 millions avec potentiellement un passeport valable selon les cas 5 ans (enfants) ou 10 ans (adultes) et une carte d’identité 10 ans. Du retard a été accumulé par la Covid qui a bon dos alors qu’en même temps la durée de validité d’une carte d’identité a été prolongée de 5 ans passant de 10 à 15 ans (pour les adultes). Le retard est en fin de compte structurel. Les avis sont unanimes pointant un cruel dysfonctionnement.
Il est compliqué d’obtenir un rendez-vous, les rares créneaux disponibles étant vite pourvus. Parfois en semaine on a un créneau qui se libère le jour même du fait d’une annulation mais le potentiel rendez-vous se situe dans une mairie d’arrondissement lointaine et souvent quelques heures plus tard annihilant toute marge de manœuvre. Un citoyen qui plus est qui travaille ne peut pas être à la merci d’un garde à vous express pour accomplir cette formalité administrative surtout si le rendez-vous n’est pas pour lui mais pour un enfant scolarisé.
Aussi, il est nécessaire de prévoir le renouvellement de son titre d’identité plusieurs mois avant la date d’expiration par sécurité tout en intégrant les 2 à 3 semaines de temps de confection du titre.
Le grand rendez-vous des Parisiens face à leur destin civil est celui du vendredi où il faut veiller, rester à l’affût et se connecter plusieurs fois pour que les créneaux de la semaine à venir affichés soient réservables. Notons que si par chance et persévérance, vous avez obtenu un rendez-vous lié à un compte ouvert via une adresse mél, il n’est pas possible d’en avoir d’autres, ce qui n’est pas commode pour une famille dite nombreuse qui a plusieurs titres à renouveler ou à demander (par exemple des passeports pour se rendre dans un pays hors Union européenne).
Ayant fait l’expérience, après plusieurs tentatives infructueuses, j’obtins force de ténacité et de persévérance un rendez-vous à la mairie du XIXe située à 8 km de mon domicile, ce qui est à des années-lumières de la « ville du quart d’heure », « apaisée » de surcroît selon les éléments de langage officiels. Je présentais un dossier complet. Cependant l’agent de l’administration, très procédurier, me fit plusieurs remarques :
- Outrage à formulaire CERFA… J’avais omis l’utilisation du stylo bille noir et avait opté pour un bleu foncé. Ceci avait une signification lorsque les photocopies étaient de piètre qualité. Désormais les formulaires sont scannés et cet archaïsme n’a plus lieu d’être ;
- Photo d’identité pourtant agréée officielle chez un photographe de ma fille jugée trop sombre avec un risque fort de rejet et de devoir tout reprendre à zéro et donc de trouver un nouveau rendez-vous. L’agent me demande de signer une décharge de responsabilité en cas de refus puis, dans un second temps voyant mon insatisfaction pointée, m’aiguille alors vers un photomaton de la mairie ! Je laisse passer une personne qui était derrière moi, m’exécute et obtient une photo certes un peu plus claire mais de moins bonne qualité pour rentrer dans ses cases de la CERFA nation.
Je lui demande si en 2023 on peut retirer le passeport, une fois la notification reçue par SMS ultérieurement, à la mairie de mon domicile en l’indiquant dès à présent. Il me rétorque que ce n’est pas possible et qu’il convient que je revienne avec ma fille à cette même mairie du XIXe. Perte de temps, de CO2, etc. Dans un autre registre, Décathlon prévoit le choix de son lieu de livraison et ou de retrait dans une très forte orientation client. L’entreprise constitue a contrario un exemple de transformation digitale réussie.
Ayant pu deux semaines plus tard avec le même combat acharné et en apprenant tel ChatGPT le fonctionnement algorithmique de l’affichage des rendez-vous qui ressemble fort à une gestion de la pénurie, j’ai pu – ô miracle – décrocher un rendez-vous pour ma fille cadette dans mon propre arrondissement. Quel luxe appréciable !
Je m’étais rendu préalablement chez le photographe agréé en lui indiquant de tenter de faire des photos les plus claires possibles. A la mairie, l’agent me dit que sur la planche de 6 photos, 2 d’entre elles n’étaient pas valables car très légèrement pliées dans la poche de mon manteau (visible qu’au verso de la photo). Il me signale par ailleurs que pour le justificatif de domicile qui était le même que celui du rendez-vous précédent à la mairie du XIXe (ils sont valables 3 mois) que « celui-ci résulte d’une impression ». Je lui réponds que oui, ayant imprimé mon justificatif EDF en ligne du fait de la dématérialisation et du non envoi par courrier. Il me demande alors de marquer dessus « Internet ». Ces petites précautions oratoires étant faites, le dossier déposé a pu l’être en 5 minutes.
Il restera à se rendre dans les 2 mairies à 2 moments différents pour retirer les passeports. Espérons que dans 5 ans, nous aurons eu des améliorations pour garantir la prise de rendez-vous dans un délai raisonnable et que l’on puisse retirer son titre dans la mairie de son arrondissement ou à l’endroit souhaité et qu’enfin une omnicanalité permette d’être inclusif. La transformation digitale avec des processus repensés, simplifiés et orientés vers les administrés, est à ce prix.
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L’idée de digitaliser des services est excellente, mais cela doit être fait avec pragmatisme et empathie pour les citoyens. La monocanalité, dans un monde où l’omnicanalité est la norme, semble un choix surprenant et peut effectivement créer des complications pour les usagers, notamment ceux qui ne sont pas à l’aise avec les outils numériques. L’inclusivité doit être au cœur de toute transformation, et l’article le démontre bien avec le cas de la mairie de Paris.
Par ailleurs, je tiens à souligner que la transformation digitale ne se limite pas à l’adoption de technologies, mais nécessite une refonte des processus et une culture centrée sur l’utilisateur. Chez Xstartups.org, nous aidons les entreprises et les organisations à comprendre et à naviguer dans ce processus complexe. La mairie de Paris, comme bien d’autres entités, pourrait bénéficier d’un accompagnement spécialisé pour s’assurer que sa digitalisation est non seulement efficace mais également inclusive et orientée vers le citoyen.
Merci pour ce partage éclairant.
[…] des services en ligne, notamment pour les démarches d’administration électronique comme la prise de rendez-vous pour un titre d’identité. Le paradigme est différent. Les seniors, en zone rurale, moins diplômés sont les plus […]
[…] La solution est de penser un parcours client simplifié avec peu d’étapes avant l’action souhaitée (par exemple visualiser, contacter éventuellement, commander pour les sites e-commerce tout en permettant au site de glaner des informations sur la connaissance du client, le tout dans le respect du RGPD et de la législation en vigueur). Les sites sont responsives et ne s’affichent pas différemment selon les supports et sont d’emblée pensés « mobile first ». L’omnicanalité pour contacter l’organisation ou la marque va de soi, non le guichet unique sur Internet uniquement avec une pénurie des rendez-vous pour les passeports et les cartes d’identité comme à la mairie de Paris. […]