Twitter, quel chemin entre laisser-faire, modération et censure ?

Twitter, outil incontournable pour l’information en continu

Dans le monde des réseaux sociaux, Twitter est un fantastique outil pour faire de la veille et s’informer en temps réel. Il est bien plus puissant que Facebook même si le nombre de comptes est moins important. Avec les hashtags, on peut rechercher thématiquement plus facilement et on sait ce qui se passe épaulé par les trending topics, les sujets tendances à un moment donné avec, qui plus est, leur nombre d’occurrences dans les tweets. Ce réseau social est également un moteur de recherche d’information avec la recherche de tweets via https://twitter.com/search-advanced. La puissance de la plateforme est telle qu’elle a été rachetée à prix d’or par Elon Musk.

Nous avons plusieurs catégories d’utilisateurs : des comptes avec l’identité de la personne morale ou physique, des comptes avec des pseudonymes – parfois pour des soucis de protection notamment pour des lanceurs d’alerte – et enfin des bots qui interagissent avec d’autres comptes selon des règles de programmation (ils réalisent de manière autonome des actions comme tweeter, retweeter, aimer, suivre ou ne plus suivre des comptes, envoyer des messages directs à d’autres comptes).

La difficulté de s’y retrouver entre info et infox (fake news) et la question de modération

Les fake news peuvent émaner de n’importe qui, du troll en passant par le bot, l’utilisateur lambda ou même des entités officielles. Elles peuvent être délibérées ou résultées d’une erreur ou d’une méconnaissance. Certains pouvant relayer à tort une information qu’ils pensent exacte.

Il est possible de bloquer un utilisateur pour que les informations publiées ne soient pas visibles par celui-ci et ne plus interagir avec. Ou encore d’effectuer un signalement par rapport à un compte publiant des messages qui enfreignent les règles comme du contenu à caractère raciste ou terroriste.

Il est possible d’être banni de la plateforme en ayant son compte « déplateformisé » et donc rayé de la carte. Dans ce cas, seul le compte @nom_du_compte subsiste avec une mention indiquant que le compte a été suspendu. La déplateformisation du compte peut soit être faite manuellement par un humain (opérant par exemple sur le compte de Donald Trump) soit résulter d’une décision algorithmique. En moyenne, la désactivation est plus souvent algorithmique qu’humaine du fait de la masse de messages publiés chaque jour et du coût d’analyse et de traitement associé. La tâche à l’avenir devrait être plus ardue avec un nombre de salariés divisé de moitié par l’entreprise de San Francisco à l’oiseau bleu.

Alors que l’on souhaiterait modérer le contenu pour disposer d’une plus grande véracité des informations publiées et ne pas induire les internautes en erreur – chacun étant par ailleurs libre d’interpréter, de croiser et de recouper les informations allant même jusqu’à chercher l’origine d’une nouvelle ou d’une rumeur –, nous pourrions avoir par défaut une « présomption de non fake news » jusqu’à preuve du contraire calquée sur la présomption d’innocence. Signalons que le droit positif condamne déjà toute diffamation avec, il est vrai, des lenteurs de l’appareil judiciaire même si pour certaines affaires, comme celle ayant affecté un ancien Premier ministre la rapidité fut stupéfiante. Par ailleurs, il convient de garder l’adage en tête « fake news un jour n’est pas fake news toujours ». Beaucoup d’intérêts antagonistes se mêlent parfois pour des raisons d’influence, politique, économique et commerciale ou sociétale. Ainsi si on prend par exemple l’incendie de Notre Dame et l’origine de la covid. Dans le premier cas, d’emblée les autorités ont balayé la piste criminelle. Or, il n’est pas possible d’écarter cette hypothèse qui, comme la piste accidentelle, reste une probabilité. Des incendies criminels de la cathédrale de Nantes ou d’autres édifices religieux ont été constatés. Dans le second cas, l’hypothèse initiale était une origine animale (pangolin via la chauve-souris) alors que la fuite d’un laboratoire de Wuhan était qualifiée de complotiste. Désormais toutes les hypothèses sont plausibles ! Certains complotistes de naguère ont été blanchis alors que bon nombre d’Américains sont platistes – c’est-à-dire croient que la Terre est plate – sans être rappelés à l’ordre… Dans certains cas on peut prendre le risque d’avoir raison trop tôt.

Plus récemment, le candidat à la présidentielle française, Jean Lassalle, un brin populiste et non dénué de bon sens par ailleurs, a affirmé en octobre dans une vidéo sur la chaîne chinoise NTD jugée complotiste, que le président de la République et que bon nombre de ministres et de parlementaires n’étaient pas vaccinés contre la Covid. Ceci a eu pour effet d’une bombe et les vidéos publiées sur YouTube ont vite été effacées. Les dires de ce candidat, qui a réalisé près du double du score de la candidate du Parti Socialiste, ne devraient-ils pas plutôt être considérés ? Le fait de les effacer peut susciter a contrario la curiosité avec le risque de « l’effet Streisand ». En effet, s’il ment ou s’il diffame, il peut et doit être condamné. Réciproquement, dans l’hypothèse où il dit vrai, des preuves seront à apporter par l’intéressé. Pourquoi son interview du mois d’octobre a circulé sur Twitter et YouTube mais pourquoi Jean Lassalle ne l’a pas reprise sur son compte ? Etait-ce une provocation pour le buzz alors qu’il affirme que consécutivement à la vaccination il a rencontré des problèmes cardiaques de grande gravité ?

En tout état de cause, la suppression de contenu va à l’encontre de la liberté d’expression avec possiblement des pressions des autorités des différents pays. Là aussi, nous sommes dans une forme indéterminée qui est problématique dans un pays démocratique. En ce qui nous concerne, le classement de la France sur la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières, s’est dégradé par rapport à voici quelques années. Le pays des Lumières pointe désormais à la 26e place.

Elon Musk et les pleins pouvoirs sans devoir de réserve

Une autre réflexion est relative aux dires d’Elon Musk qui a déclaré soutenir le camp républicain pour les élections américaines des Midterms en 2022. Est-ce que la neutralité vis-à-vis des deux camps ne devrait pas plutôt être observée compte tenu de sa position même si « à titre personnel » il est possible d’avoir des préférences ? S’exprimer en tant que CEO de Twitter ou en tant que citoyen n’a pas la même portée.

Le 28 octobre dernier, Elon Musk twittait qu’il allait créer un Conseil de modération de Twitter et qu’aucun rétablissement de compte ne pourrait être pris avant la réunion de ce conseil. Or dans son egocratie coutumière, celui-ci a lancé un sondage sur Twitter le 19 novembre. Cette fonctionnalité de Twitter permet à tous de pouvoir voter si l’on voit le tweet (d’un simple compte au compte certifié en passant par les bots). Après 15 millions de votes du monde entier et un score de 51,8 % en faveur du rétablissement du compte de Donald Trump, le nouveau patron de Twitter a décidé de son propre chef de réactiver le compte de l’ancien président américain.

Elon Musk confond suffrage webitaire et démocratie

Plusieurs milliers de comptes ont été déplateformisés notamment pour des personnes qui ne pensent pas comme la doctrine officielle et pas forcément d’extrême gauche ou droite (dans une démocratie toutes les opinions doivent pouvoir s’exprimer dans le respect de la loi). Lorsque des informations vérifiées sont relayées mais contraires à la pensée dominante, il est difficile de les défendre. N’est-ce pas un danger pour la démocratie alors que nous avons plus que jamais dans un monde VUCA (Volatile, Incertain en français, Complexe, Ambigu) besoin de signaux faibles et de lanceurs d’alerte ?

A la recherche de la vérité, pas simple quand une minorité peut avoir raison et de l’importance des signaux faibles

Lorsqu’Internet n’était qu’à ses balbutiements, la double vie de Mitterrand n’était que pur fantasme. Ainsi Jean-Edern Hallier qui l’avait révélée avait été retrouvé mort après une chute de VTT alors qu’il avait mystérieusement retrouvé la vue auparavant. Plus tard, lors de la première vague du Web, début 1996 le livre interdit du Docteur Gubler dévoilant le cancer du président, Le Grand Secret, a pu être reproduit sous le manteau sur des sites Internet. Avec les réseaux sociaux et son corollaire la viralité, des scoops sont plus rapides avec des affaires plus facilement dévoilées (comme pour Benjamin Griveaux, les époux Balkany, etc.). Mais ceci réside dans les caractéristiques intrinsèques des algorithmes, des émotions suscitées qui vont se traduire par des réactions, des commentaires et des partages plus nombreux déclenchant un phénomène boule de neige rendant la publication visible dans les fils de nouvelles des internautes utilisateurs du réseau social considéré. Dans le même temps, le contenu plus consensuel, moins clivant, sera pour sa part moins visible. Ceci pousse les internautes à la recherche de formule chic et choc. « Le poids des mots, le choc des photos » de Paris Match est revisité à l’aune du Web 2.0. N’y aurait-il pas matière en complément des J’aime, commentaires et partages le moyen d’avoir un 4e attribut pour le contenu de qualité ou grandement informatif par exemple, lequel serait pris en compte dans le calcul de l’intérêt d’un post publié sur Twitter mais aussi sur Facebook, Instagram, TikTok et l’ensemble des plateformes ?

Modérer n’est pas simple. Aussi l’impartialité recherchée reste un idéal difficile à atteindre. Et beaucoup de tweets risquent de couler sur les ponts avec une utopie, un meilleur contenu où les intérêts partisans s’estomperaient au profil de l’intérêt général d’une qualité de l’information dans toutes ses dimensions : valeur, véracité, fraîcheur, pertinence.

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