3 questions à … Frédéric Canevet

1. Vous animez le blog www.conseilsmarketing.com depuis plus de 15 ans. Quels enseignements en tirez-vous sur les échanges noués avec votre communauté, l’organisation de votre veille, les articles qui ont eu le plus de succès, etc. ? Et quels conseils pourriez-vous donner sur le growth hacking et la présence sur Internet aujourd’hui ?

Le blogging est pour moi plus une passion qu’un business, car j’aime apprendre et transmettre des conseils, des idées… Mon blog est à la fois un “labo” pour tester mes idées, mais aussi un moyen de partager des bonnes pratiques.

En effet, à l’origine j’ai créé le blog car je voulais monter une start-up avec des amis, et comme je ne trouvais rien de suffisamment concret et pratique, j’ai commencé à écrire mon blog marketing sur un blog afin de pouvoir y accéder à tout moment.

Le projet de start-up ne s’est jamais finalisé, mais j’ai continué à animer le blog, jusqu’à en faire un side business (je dis toujours “Practise what you preach”, pour donner des conseils il faut déjà se les appliquer à soi-même !).

Interview de Frédéric Canevet, responsable du site ConseilsMarketing, auteur

Je pense que cette idée est fondamentale, car le succès d’un blog vient de la valeur que l’on apporte à son audience. Car comme la capacité d’attention des internautes se réduit, il faut apporter un maximum de valeur en un minimum de temps.

Le succès de TikTok le démontre : les gens veulent consommer un contenu qui ne nécessite aucun effort, un snack content facile à manger. À l’inverse, le blog est un restaurant 3 étoiles, où l’on s’attend à trouver des plats délicats et évolués.

Il n’y a plus de voie entre les deux, car un mauvais contenu ne séduit pas Google (concurrence forte des contenus…), et un internaute qui lit un article de blog de mauvaise qualité aura une mauvaise image de l’entreprise.

C’est pourquoi, je suis persuadé qu’il y a toujours de la place pour un blog, à condition de comprendre cette idée centrale : si les gens recherchent un contenu sur Google, c’est parce qu’ils recherchent un contenu d’expertise.

D’où l’importance de la qualité du contenu, et pour cela nous avons trois questions simples à nous poser avant de publier un article :

  • Est-ce que si vous aviez lu cet article il y a 5 ans, cela vous aurait aidé ?
  • Est-ce qu’au-delà du blabla, il y a vraiment quelque chose de concret avec des actions à mener pour le lecteur ?
  • Est-ce que pour vous, cet article contribue à améliorer soit votre visibilité sur votre cible, soit à générer du business (génération de leads, achat…).

Si vous répondez oui, c’est parfait. Sinon, retravaillez l’article !

Mes articles qui ont eu le plus de succès sont souvent de ce type, ce sont des articles “piliers”, c’est-à-dire des contenus où je vais vraiment au fond d’un sujet en partageant mon expérience personnelle (souvent plus de 2 500 mots, car pour vraiment apporter de la valeur ajoutée 500 mots ne suffisent pas).

C’est vraiment une des clés de la réussite car le temps des contenus “corporates” est révolu : il faut apporter sa touche personnelle via des exemples, des illustrations, de l’émotion, un point de vue, une histoire…

Au niveau des contenus en eux-mêmes, il faut aussi des contenus longs (minimum 1 500 mots dans des thématiques concurrentielles comme le marketing), sachant qu’un contenu long ne veut pas dire un bon positionnement si la thématique est trop éloignée (ou sans rapport avec la thématique du blog) ou qu’il est mal optimisé (par exemple choix des mots clés…).

Pour cela, je recommande plusieurs outils :
– SEMrush pour trouver des idées de mots clés
– Rank Math SEO pour optimiser l’article en lui-même

Pour la publication de mes articles, j’ai :
– 1/3 de contenus liés à un planning éditorial (que je centralise dans trello.com),
– 2/3 de publications liées à des interviews, résumés de webinaires, partenariats…

Le Growth Hacking pour sa part est une tendance née des start-up américaines : elles attaquent des secteurs souvent déjà concurrentiels, avec peu de moyens financiers et humains… Elles doivent donc sortir des sentiers battus et viser l’efficacité maximale.

Le terme Growth Hacking comporte deux philosophies complémentaires, l’une sur le court terme (hacking), et l’autre sur l’optimisation continue (growth).

Le growth hacking selon Frédéric Canevet

Pour cela, il faut utiliser 2 leviers :
– Le hacking, c’est-à-dire détourner le système, que cela soit via des outils d’automatisation, en exploitant des astuces technologiques, en utilisant des ressources off shore… (voir cette liste d’outils de growth hacking) C’est simplement être astucieux !
– Le growth, c’est-à-dire une méthode structurée pour agir là où l’impact sera le meilleur pour son business (on boarding, conversion, effet WoW…) comme l’illustre la figure qui suit :
Processus du growth hacking avec le tunnel de transformation

Avec le Growth Hacking, une petite entreprise (voire une personne en freelance), peut concurrencer les plus grandes entreprises, car l’agilité prime désormais sur la puissance… ce ne sont plus les plus gros qui écrasent les plus petits, mais les plus agiles qui dépassent les plus lents.

C’est ce que j’essaie d’expliquer dans mon livre et ma formation growth hacking.

Cependant, ne pensez pas qu’il faille devenir développeur pour être growth hacker… il suffit d’avoir du bon sens et oser !

Comme le disait Tim Ferris, auteur de La semaine de 4 heures, il vaut mieux demander pardon que la permission ! En revanche, il ne faut pas penser que le growth hacking est comme une baguette magique qui va résoudre vos problèmes d’un coup : les techniques à mettre en oeuvre et les moyens… sont de plus en plus importants, et c’est pour cela qu’il faut en permanence se former au marketing.

Je dis toujours que si j’avais connu il y a 10 ans tout ce que je sais maintenant, alors je serai devenu le Roi du Pétrole…

Car le web évolue sans cesse, et la concurrence est de plus en plus rude.

En revanche, ce qui ne change pas, c’est que les personnes qui sont curieuses, qui sont proches de leur marché… feront toujours la différence. Aussi il est essentiel de ne pas s’endormir sur ses lauriers.

2. Vous vous intéressez aux bots. Quels nouveaux usages vont émerger ? Et quels sont les liens avec les assistants personnels de type Amazon Echo et Google Home ?

Cela fait 3 ans que je m’occupe de l’offre Bots d’Eloquant, et je vois que l’offre en matière de chatbot reste mature, avec des usages qui sont bien déterminés, des limites qui ont été identifiées…

Les chatbots sont là pour offrir un premier niveau pour répondre à des demandes simples, mais surtout apporter des réponses personnalisées. Un chatbot n’est pas là pour remplacer une FAQ, mais pour répondre à des demandes précises, en proposant de passer systématiquement la main à un humain lorsqu’il ne sait pas répondre (sinon c’est l’effet déceptif).

C’est ce que montre l’étude “Elu Service Client de l’année”.

Les chatbots sont le canal qui offre le moins de satisfaction… tout simplement car les clients sont déçus par leurs réponses (avec souvent l’impossibilité de parler à un conseiller !).

D’où l’importance de travailler la promesse du bot et expliquer quel est son périmètre, et laisser les agents du centre de contacts prendre la main.

C’est ce que j’explique dans ce webinaire dédié à l’optimisation des canaux de communication :

Au niveau des tendances, c’est le Callbot (robot au téléphone) qui est la tendance actuelle, car il s’agit d’améliorer la productivité au centre de contacts tout en offrant des réponses 24h/24.
chatbot, voicebot, callbot

Les technologies sont désormais matures (reconnaissance de la parole, réactivité…), et l’on peut désormais répondre aux demandes les plus simples, faire un routage d’appels efficace…

C’est un vrai pas en avant, et une technologie qui se démocratise de plus en plus. Voici un webinaire que j’ai animé sur le sujet.

Concernant les assistants personnels de type Google Home, Amazon Echo avec Alexa… force est de constater que les enceintes mobiles à la maison sont des échecs : très peu d’usage (à part écouter la musique, la météo…).

En revanche, les assistants vocaux depuis les smartphones (Siri, OK Google…), sont eux en augmentation, car il est bien plus facile de parler à son téléphone qu’écrire une longue phrase.

Le vocal est une des tendances à venir, nous sommes tous plus enclins à utiliser l’oral plutôt que de passer par l’écrit.

Il faut donc anticiper l’émergence du vocal au sens large dans nos usages quotidiens :
– rechercher des informations sur Google sur smartphone
– les enregistrements vocaux (par exemple groupes WhatsApp, Telegram…)
– les podcasts
– …

Cet engouement du vocal va être boosté par les nouvelles générations qui sont nées avec un téléphone à la main.

3. Enfin, comment conciliez-vous votre passion du numérique avec votre fonction chez Eloquant ? Et est-ce un enrichissement mutuel tant pour votre activité chez votre employeur que pour le partage que vous livrez à vos lecteurs et votre communauté ?

La première chose à dire, c’est qu’il est de plus en plus difficile de réussir seul sur le web.

C’est comme dans l’industrie musicale, il y a une starification et une concentration auprès de peu d’acteurs de référence dans un domaine du fait des monopoles des canaux de diffusion.

Lorsque vous pensez “Rock”, vous avez une liste déterminée d’artiste, et souvent des “stars internationales” car vous les voyez à la TV, sur YouTube… Il n’y a plus beaucoup de place pour les chanteurs locaux (sauf à être sur un créneau bien spécifique ou être recommandé par un proche ou jouer sur la proximité locale).

Sur Internet, c’est la même chose, votre visibilité fait que vous êtes une référence dans le domaine, et que tout le monde veut travailler avec ces “stars”.

La conséquence, c’est qu’une personne seule ne pourra pas lutter contre des équipes de 5, 10, 20 personnes…

C’est ce que je constate dans le marketing, et que j’ai mis en application en recrutant une assistante à distance à temps partiel depuis 4 ans.

En même temps, il faut se spécialiser pour avoir un positionnement crédible (d’où mon recentrage sur le marketing B2B).

La seconde chose à savoir, c’est que justement du fait de la “starification” des métiers, il est indispensable de travailler son “personal branding” (c’est-à-dire son marketing personnel), pour apparaître comme une personne qui compte (un micro “influenceur”).

Cela permet d’être une référence dans son secteur, et donc d’améliorer son employabilité. Un salarié a donc tout intérêt à être visible pour sortir du lot. Mais c’est aussi bénéfique pour l’entreprise, car souvent le service marketing interne d’une entreprise n’a pas l’agilité que peut avoir une personne (circuit de valorisation des contenus…).

Un collaborateur actif sur les réseaux sociaux (par exemple LinkedIn, un blog, un podcast…), va ainsi compléter l’action de l’entreprise et améliorer sa visibilité.

Ainsi, à titre personnel, j’apporte mon lot de prospects à l’entreprise, que cela soit directement via mon blog ou LinkedIn, mais aussi indirectement via mon image. Il m’arrive régulièrement d’avoir des personnes qui me contactent moi (et non pas Eloquant) pour avoir des informations.

C’est le principe de “Présuasion” présenté par Robert Cialdini dans son livre.

A l’inverse, cet investissement personnel doit être en phase avec les équipes marketing et commerciales.

Par exemple, dans une des entreprises précédentes pour lesquelles j’avais travaillé avant Eloquant, c’était une activité totalement indépendante (et parfois même jugée un peu “concurrente”).

Pour éviter cela, il est nécessaire de travailler la main dans la main avec les acteurs de l’entreprise. Cela s’embarque dans une stratégie large “d’employee advocacy” où l’ensemble des collaborateurs sont les ambassadeurs de la marque.

Sachant qu’avant toutes choses d’être au rendez-vous dans votre activité principale, une activité connexe n’est que la cerise sur le gâteau. En effet, c’est bien d’avoir une visibilité, mais avant toutes choses vous devez faire le travail pour lequel vous êtes payés !

Et c’est le cas chez Eloquant : je travaille main dans la main avec notre responsable communication, tout en ayant une autonomie plus forte (par exemple interviewer des concurrents, aborder des sujets connexes…).

C’est ainsi bénéfique à la fois pour l’entreprise (image, génération de leads…), mais aussi pour le collaborateur (visibilité sur le marché…).

Frédéric Canevet est product manager chez Eloquant (éditeur de logiciels de centre de contacts & enquêtes de satisfaction). Il anime en parallèle depuis plus de 15 ans le blog ConseilsMarketing.com. Il est aussi auteur de plusieurs livres dont Le Growth Hacking, Réussir son projet Chabot…

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