Un retour d’expérience d’un administré qui en dit long
Un ami m’a fait part de son expérience par rapport à une transformation digitale partielle et mal menée.
Il avait entrepris de demander ses droits à la retraite en ligne sur le site de la Caisse de retraite en question (www.lassuranceretraite.fr/portail-info/accueil) et ce, après avoir auparavant payé un service pour l’analyse de sa carrière étant donné son caractère complexe : plus de 20 employeurs dans sa vie, des missions en freelance, etc. Ceci sera davantage le cas à l’avenir avec des carrières moins rectilignes et avec plus d’employeurs différents, marquées par des périodes d’interruption et/ou de chômage.
Sur le site, il m’a dit être « confronté comme jamais à autant de bogues et d’impasses ergonomiques ». Finalement, il s’est résolu à convenir d’un rendez-vous à Pôle Emploi pour obtenir un chiffre pour une année de travail demandé par le site de la Caisse mais non délivré en ligne sur aucun des sites…
= Une transformation digitale réussie passe entre autres changements par la numérisation de l’ensemble du process et par l’interopérabilité entre les sites/services partenaires.
Une autre mésaventure lui est arrivée. Il a perdu 2 heures à rechercher l’emplacement d’un Pôle Emploi toujours annoncé sur le site en question à une adresse physique où il n’est plus, sans indiquer où il a déménagé… D’où une perte de temps, d’énergie et de la pollution sans compter l’agacement de l’administré.
= La mise à jour des données présentes sur les sites en temps réel (ou quasi-temps réel) est une nécessité ainsi que la concordance des données entre les différents supports en ligne et hors ligne.
Quand il a demandé à la conseillère pourquoi il ne pouvait obtenir des données personnelles pour l’année 2012, la réponse de son interlocutrice en dit long sur le manque de maturité des webmestres et du personnel : « Parce que la donnée est trop ancienne » (2012 !).
= L’ensemble des données d’un agent devraient être accessibles sans bridage informatique… A moins que ce ne soit l’agent en question qui ne voulait pas s’embêter à chercher ou ne savait que partiellement utiliser l’outil. La transformation digitale doit également impliquer l’ensemble du personnel concerné.
De retour sur le site de la Caisse, la saisie n’était plus possible car il avait été inactif depuis trop longtemps, ce qui peut s’expliquer pour des raisons de sécurité. Il lui a fallu recommencer 4 ou 5 fois le remplissage du questionnaire en ligne, avec une page dite de « modifications des coordonnées » bloquante (impossible de poursuivre la procédure) alors que lesdites données avaient été prises en compte (mais elles n’apparaissaient pas).
= La mise à jour des données pourraient être faite en temps réel pour le confort de l’utilisateur sans rogner sur la sécurité avec techniquement l’utilisation d’un client léger.
= Il devrait être possible de sauvegarder l’état de sa saisie puis de se déconnecter et de recommencer la suite de la saisie ultérieurement pour ne pas perdre le travail précédemment réalisé.
A la pénultième page, le site lui demande d’entrer un code qui va lui être envoyé à son adresse mél. Il attend alors qu’il est un peu plus de 18 h… Finalement le code lui parvient à 0 h 53. Et bien sûr, la saisie n’était plus possible car il est resté inactif depuis trop longtemps ! Il a dû tout recommencer les saisies… Mais par chance, une fois arrivé à l’avant-dernière page, le code reçu à 0 h 53 a été accepté…
= Une cohérence entre les canaux et une complémentarité est à rechercher dans une logique omnicanale avec l’exhaustivité et la cohérence des informations. Il aurait peut-être été préférable d’adresser ce code par SMS.
Par ailleurs, il a déboursé des sommes rondelettes avec les hotlines surfacturées qui sont parfois plus des centres de profit que de vrais supports pour les clients.
= Des possibilités de chat en ligne pourraient être proposées avec les agents
Après échange avec l’intéressé, il m’a indiqué que l’historique est bien numérisé ce qui est un impératif puisqu’en quelques secondes, l’agent de Pôle Emploi a retrouvé la date recherchée. Cependant la sottise du dispositif est d’interdire à l’intéressé l’accès à cette donnée. On ne comprend pas pourquoi il n’aurait pas accès à ses données personnelles (le droit d’accès et de rectification est prévu par la CNIL pour tout traitement automatisé d’information nominative). Il insiste sur la mauvaise ergonomie des procédures, la mauvaise formulation des demandes et des bogues diverses et variées qui nuisent grandement à l’efficacité.
= Numériser l’ensemble des données est une nécessité pour garantir tout historique. La sécurité de celles-ci est à assurer et le principe du besoin d’en connaître est à mettre en œuvre, tout en respectant les dispositions de la CNIL. En pratique l’administration doit s’attaquer à la fois au flux (prioritaire) et au stock (archives) à numériser – et si possible rendre dynamique les données numérisées pour avoir des bases de données intelligentes
Par ailleurs, au cours de la procédure, la Caisse de retraite propose à l’utilisateur de répondre à un sondage de satisfaction, comme s’il s’agissait d’une priorité. Il a répondu à ce questionnaire en attribuant les plus mauvais points au dispositif, avec explication de ses choix. Tout ce qu’il a obtenu en retour était la présentation des résultats dithyrambiques du sondage, avec des taux de satisfaction dignes d’une élection de dictateur (sans que l’on sache sur combien de réponses est calculé un tel pourcentage)… Ceci lui paraît hautement improbable dans la mesure où il n’a sans doute pas été le seul à se heurter à de telles impasses.
La cerise sur le gâteau est l’obtention du code indispensable à la clôture de sa demande… qui lui fut envoyé des heures après. Commencée vers 10 heures du matin, sa démarche n’a été bouclée qu’à 1 h 15 le lendemain (en tenant compte de la démarche en ville pour la recherche d’une date inaccessible en ligne).
= le fait de s’assurer de la validité d’une adresse mél ou de certaines données ne doit pas être une étape bloquante dans le processus quitte à imaginer des moyens de preuve ergonomiques.
Des pistes pour la transformation digitale des administrations
Il semblerait que la transformation digitale de certaines administrations soit un chantier assez lourd à opérer. Pour cela des ateliers de créativité pour brainstormer sur la conduite à opérer impliquant les acteurs de l’administration et ses partenaires, des administrés, quelques consultants ou internautes volontaires alliés à l’utilisation d’un modèle de maturité numérique pourrait être salutaire tout en benchmarkant ce qui se fait de meilleur dans les autres administrations en France et à l’étranger.
La transformation digitale doit porter sur les 5 leviers et le Personnel est à associer impérativement dans la démarche étant donné la complexité des procédures et des strates administratives. Un choc de simplification est à ce prix… pour le plus grand confort de l’administré.
La promesse affichée sur le site est savoureuse. Peut-être le site a-t-il réellement évolué depuis la « mésaventure » de l’administré survenue en novembre 2015
Commentaires récents