1. Quel bilan faites-vous de l’Association des Internautes Territoriaux que vous avez créée voici 10 ans ? Quel est le rôle des maires dans la lutte contre la fracture numérique, quel chemin reste-t-il à accomplir et de quels outils devraient-ils disposer ?
L’AIT a eu il y a une dizaine d’années un rôle de pionnier dans la promotion du net dans les territoires, quand il s’agissait encore de convaincre que l’internet n’était pas qu’un repère de nazis et de pédophiles, c’était alors l’image que l’opinion en avait. Ce qui est aujourd’hui la règle – un courriel et un site – était encore l’exception.
Nous sommes désormais passé du « Pourquoi Internet ? » au « Comment internet », l’AIT a fortement contribué à expliquer pourquoi, d’autres réseaux plus spécialisés se sont construit et travaillent sur le « comment ».
Les maires sont sur le front du développement numérique des territoires, une forte volonté politique de leur part est nécessaire mais tout ne dépend pas d’eux. Beaucoup de chemin a été accompli, des zones de désert numérique demeurent toutefois.
Nous en sommes au temps des opérateurs locaux pour le développement du haut débit en zone rurale, outre l’accès au réseau l’enjeu est de ne pas reproduire la fracture géographique dans l’aménagement numérique du territoire. En ce domaine, comme dans d’autres, il faut passer du déclaratif, du velléitaire, du saupoudrage, de la politique de la patate chaude à une réelle et ambitieuse politique nationale de développement numérique des territoires associant État et élus locaux.
2. Quels sont les objectifs de l’ISOC France et du Sommet Mondial pour la Société de l’Information dans la gouvernance d’Internet et pour que nous ayons un Internet par tous et non l’omnipotence des Etats-Unis ?
L’objectif de l’ISOC est la promotion de l’internet, l’internet pour tous et par tous. Les acteurs en sont venus à une maturité qui permet une gouvernance partagée de l’internet.
Le SMSI a permis une prise de conscience au niveau mondial des enjeux politiques, économiques, sociaux de ce que l’on appelle encore parfois la société de l’information. On retrouve dans les suites du SMSI, avec le Forum sur la Gouvernance de l’Internet, ce passage du « pourquoi ? » au « comment ? » et « par qui ? ».
L’enjeu n’est pas tant l’omnipotence des Etats-Unis, cette situation étant condamnée à disparaître, que le passage d’une gestion (inter-)gouvernementale à une gouvernance multi-partenariale avec un partage des rôles respectifs entre États, entreprises et société civile. Les enjeux sont de taille : solidarité numérique, pluri- ou multi-linguisme sur le net, unicité du réseau, partage équilibrées des ressources numériques (IP, noms de domaine, …), …
La gouvernance de l’internet qui apparaît encore lointaine à certains va prendre une importance croissante et plus visible avec le développement de l’internet des objets.
3. Pouvez-vous nous expliquer ‘l’altermédiation’ néologisme qui vous est propre ?
L’altermédiation c’est cette nouvelle forme d’intermédiation que permet le réseau. L’individu devient son propre média, il s’approprie l’intervalle, l’espace de communication. Il ne prend pas le pouvoir, il le garde. Le blog est par nature l’objet altermédiaire de l’ère réticulaire, du temps des réseaux.
L’altermédiation c’est construire et non plus subir ses relations vers le bien informationnel, savoir, connaissance, dans les deux sens. Elle se construit à côté des formes d’intermédiation traditionnelles qui l’adoptent à leur tour.
9 février 2007
Philippe Batreau, Fondateur de l’AIT, d’Epistrophe et d’AdmiNet France. Il a créé en 1997 l’Association des Internautes Territoriaux, qui a contribué à vulgariser Internet dans les collectivités locales. En 1999, il fonde la société Epistrophe, qui propose des services de type hébergement, noms de domaine, référencement. En 2000, il met en place AdmiNet France, branche française du site pionnier de l’administration en ligne, adminet.com.
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