1. Quels innovations et projets majeurs voyez-vous se développer sur le Web 2.0 ?
Aujourd’hui, quand on parle d’innovation, il faut clairement séparer le monde du grand public et celui de l’entreprise. L’un des phénomènes les plus intéressants de ces 5 dernières années a été le fait que l’innovation technologique, en termes de solutions et d’usages, se concentre dans le grand public. Il n’y a pas eu, à mon avis, une seule innovation technologique importante dans le monde professionnel depuis 5 ans.
Que va-t-il se passer en 2007 et 2008 dans le Web 2.0 professionnel ? Pour les entreprises, ainsi que je l’ai écrit il y a quelques semaines, il suffit d’observer ce qui se passe dans le grand public et imaginer quelles sont ces innovations qui vont pénétrer dans les entreprises.
Le basculement, progressif, des entreprises vers des solutions Bureautique 2.0 sera le grand chantier des 2 prochaines années. L’annonce récente, le 22 février, des solutions Google Apps Premier édition va être le catalyseur de ce mouvement de fond. Pour 38 euros par an, les entreprises vont pouvoir proposer à chaque collaborateur une solution de grande qualité, hébergée sur les serveurs de Google, et qui regroupe les fonctions bureautiques essentielles telles que messagerie, agenda, traitement de texte et tableur. Ces solutions vont aussi nous aider à changer nos modes de travail (Change The Way We Work), en permettant un véritable travail collaboratif. En clair, les entreprises vont pouvoir abandonner les solutions traditionnelles (d’autres diraient archaïques) telles qu’Office de Microsoft, Exchange ou Lotus Notes, diviser leurs budgets bureautiques par 10 ou plus et… permettre à leurs collaborateurs de travailler mieux.
Une belle révolution en perspective, qui démarrera en 2007 et 2008 et s’accélérera ensuite très vite !
2. Après l’explosion de la bulle Internet en mars 2000, quels conseils donneriez-vous pour la création de start-up aujourd’hui ?
Je commence à entendre parler de la nouvelle bulle Internet 2.0 dans la blogosphère ; je n’y crois pas du tout. Le nombre de start-up qui se lancent en ce moment, et qui réussissent, est très encourageant. Il y a aussi, et c’est normal, beaucoup d’échecs. Personne n’a la recette miracle pour réussir. Il est sans doute plus facile de donner les “recettes de l’échec” :
– Faire du “me too” et copier une entreprise qui a déjà réussi. Dans le Web 2.0, la prime au premier, qui est capable de créer une communauté de millions d’utilisateurs, est très forte. Même Google a dû renoncer à battre Yahoo Answers, qui était en tête.
– Ne pas s’appuyer sur la dimension collaborative ; la “nous” génération exige de participer, d’avoir son mot à dire et ne supporte plus qu’on lui impose “la” solution qui a été imaginée par les créateurs de la Start-up.
– Avoir un “business plan”, un “business model” clairement établi avant de démarrer ! Contrairement à ce que disent les entreprises de financement classiques, les plus grandes réussites récentes, YouTube par exemple, ont été réalisées par des personnes qui ont démarré sur une idée et ont adapté, très vite, leur entreprise aux évolutions de la demande de leurs clients.
– Ne pas démarrer petit, mais vite, sans attendre que le produit ou le service soient parfaits ; la démarche Beta, voire Alpha permet de réduire les risques initiaux et de consacrer l’essentiel de son temps et de ses ressources à l’adaptation de l’idée initiale aux attentes des clients.
3. Que proposez-vous pour l’alphanétisation des pays émergents et pour la réduction de la fracture numérique entre le Nord et le Sud ?
Comme vous le savez, je suis à l’origine du néologisme AlphaNétisation, créé il y a environ une année. Le Web 2.0 représente une opportunité extraordinaire pour les pays en émergence, pour les raisons suivantes :
– L’essentiel des connaissances est disponible, gratuitement ou à très faible coût : Wikipédia, les Wikibooks et autres “Creative Communs” permettent, pour la première fois, un accès à la connaissance la plus moderne, la plus à jour, pour tous, quel que soit le pays où l’on se trouve.
– Les infrastructures lourdes en serveurs sont faites dans les pays développés et mises à la disposition des entreprises, des écoles des pays émergents à des coûts très bas. J’en donnerai deux exemples :
* Google Apps for education permet d’équiper, gratuitement, toutes les écoles, les universités avec des outils bureautiques de très haut niveau. Il serait dommage, ridicule, suicidaire que les ministres de l’Éducation de ces pays ne profitent pas de cette opportunité et continuent à investir sur des infrastructures locales, moins performantes et beaucoup plus chères.
* Amazon propose S3, Simple Secure Storage, un service qui permet de faire héberger ses données à des prix très bas (nous l’utilisons chez Microcost).
– Des postes de travail, fixes et mobiles, à bas coût sont maintenant disponibles. Un PC de bonne qualité, fonctionnant sous Linux, a une durée de vie utile de 5 à 7 années et un prix de revient mensuel de 3 à 5 euros.
Les Seuls Investissements urgents et essentiels que doivent faire les pays émergents doivent se concentrer sur les… tuyaux ! Des solutions mobiles telles que le WiMax sont très bien adaptées à ces pays où les infrastructures fixes sont très insuffisantes. Selon la surface du pays, avec 10 à 40 antennes WiMax, il peut proposer un accès internet à débit raisonnable, de l’ordre de 200 Ko à 500 Ko, à plus de 90 % de la population en âge scolaire.
En suivant ces recommandations de bon sens, les pays émergents peuvent, en moins de 10 ans, donner à leur jeunesse les moyens de rattraper le niveau de connaissance des pays développés. Je travaille beaucoup dans ce sens et suis prêt à accompagner tous les pays qui souhaitent se faire aider pour ne pas rater cette extraordinaire opportunité.
25 février 2007
Louis Naugès est Président de Microcost, entreprise qui donne des conseils technologiques aux entreprises pour le développement de solutions Web 2.0. On lui doit le terme bureautique, employé pour la première fois en 1976. Il anime un blog.
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[…] paru en 1999 que je découvris Louis Naugès. Plus tard, début 2007 Louis avait répondu à mon interview via 3 questions à … Il était la 4e personnalité à s’être livrée au jeu et était alors président de Microcost […]