1. Les mentalités évoluent dans les entreprises, la transformation digitale a été accélérée avec la crise de la Covid. En particulier, le low code permet de développer des logiciels avec une interface utilisateur graphique et conviviale et réduit le travail et les coûts. Comment voyez-vous évoluer la cohabitation entre développements spécifiques via des programmeurs d’une part, solutions sur étagère d’autre part et enfin développement en low code au sein des entreprises ?
Ce que vous décrivez est la capacité des services IT et des Directions des Systèmes d’Information de se transformer comme l’ont fait avant eux le business et les services des entreprises en général avec la vague d’« agilisation » depuis les cinq dernières années. Ce mouvement de transformation qui pourrait être dans l’ADN d’une DSI n’est pas aussi naturel et simple qu’il n’y parait. En vérité le low code devrait s’imposer aujourd’hui comme une opportunité de rationalisation des organisations IT, de normalisation des développements et devrait comme le précise le cabinet Gartner devenir rapidement un passage obligé dans de nombreux groupes informatiques.
Mais comme tout changement et c’est le sens de votre question, le virage ne peut pas être brutal et imposé, il doit être accompagné d’un changement de mentalités et d’un accompagnement notamment par des évangélistes du low code.
Par son essence le low code permet de développer plus rapidement avec des équipes réduites tout en gardant les standards en terme de sécurité/architecture mais il rencontre encore assez de réticences au sein de l’IT qui y voit, souvent à tort, une intrusion dans son expertise.
Pour que la cohabitation de systèmes hétérogènes développement spécifiques / frameworks / low code / no code il faut de mon point de vue définir des règles et une gouvernance co-construite en IT et business pour aiguiller les protagonistes vers la meilleure solution.
Au sein d’Euler Hermes, nous avons pour le moment opté pour garder toute la partie cœur de l’IT en développement spécifiques alors que les autres initiatives digitales sont étudiées selon le prisme du low code en les considérant moins pérennes que les solutions dites en boîte. Je pense que c’est une première étape qui marque aussi le climat actuel de la crise sanitaire et de marché qui oscille entre méfiance et emballement.
Néanmoins cela présente le mérite d’imaginer une gouvernance qui va permettre à l’innovation de passer à l’échelle. Enfin nous avons rencontré durant différents évènements low code des entreprises dans le domaine de l’assurance par exemple qui ont fait un choix extrême mais payant au final d’une « Low Codification » totale de leur structure et le résultat est bluffant !
La question qui apparait derrière est aussi celle de la rareté des ressources. Le challenge reste à construire un plan de migration de sa force de développement vers des compétences low code, ce qui constitue le plus gros challenge actuel car comme tout innovation sur le marché nous manquons de ressource et dans ce cas précis, la méfiance des développeurs à l’égard du low code ne facilite pas la tâche.
2. Comment chez Euler Hermes sont effectués les développements en low code et pour quels types de besoin ? Que pensez-vous de la solution développée par Mendix par exemple ?
Chez Euler Hermès nous avons pris le parti de ne pas internaliser immédiatement les compétences de développements mais plutôt de former un groupe de plusieurs experts low code à l’IT et dans les régions afin de pouvoir effectuer le support, la fluidification et les points d’expertise sécurité/IT entre le business et les prestataires low code avec lesquels nous travaillons. Notre prestataire, que je définirai plus comme un partenaire TOCNDIX nous accompagne donc dans nos développements d’applications (plus de 40 en 3 ans) et nous expérimentons aussi des développements avec quelques acteurs d’Europe du Nord comme MANSYSTEMS et FINAPPS. Nous avions besoin d’un prestataire qui nous apprend à apprendre avec une souplesse et une capacité d’adaptation, qui puisse assurer la gestion de projet agile comme le développement, le design UX et les tests ce qui aujourd’hui n’est pas très répandu sur le marché du low code. Nous travaillons avec eux en régie comme au forfait.
Nous n’excluons pas d’internaliser certaines ressources de développement mais plutôt côté « Citizen Développer », ce qui nous semble une piste intéressante. Pour initier cela, nous avons commencé à créer un « Learning Path Low Code» pour nos collaborateurs.
Nous avons étudié les grands acteurs du marché du low code avant de choisir MENDIX, qui nous semblait le pure player qui correspondait le mieux en termes de choix technologiques, d’architecture et de sécurité à notre slack technique chez Euler Hermes.
Cette solution m’a très vite plu parce qu’en l’utilisant et quand on un passé avec une casquette développeur et une casquette agile on sent que les concepteurs ont voulu vraiment partir d’une feuille blanche en regroupant les bonnes pratiques agiles / développement continue.
La méthode de construction en poupées russes avec les couches usages / données / worfklow et Responsive Design sont impressionnantes ; la couche IA continuellement retravaillée dans les outils de modeler fournissent au final une expérience de construction tout à fait unique, qui fait qu’aujourd’hui que ce soit dans mon activité chez Euler Hermes et avec mes start-up je ne peux plus m’en passer. Je rajoute que l’interface No Code qui est proposée en option permet tout à fait d’assurer le cercle vertueux de la co-construction avec les métiers.
3. Le low code ne présente-il pas un risque shadow IT au sein des grands groupes ou les DSI doivent-elles s’adapter (et comment) à ce nouveau paradigme ? Enfin, quid d’un club des utilisateurs du low code en France ?
En fait c’est tout à fait le contraire, je dirai que la première raison de l’adoption du low code par l’IT est le combat contre le « shadow IT » dans les groupes. Cela a été chez Euler Hermes l’élément déclencheur dès 2017.
Avec le low code, finis les dizaines de projets hétérogènes en NODE / PHP / JAVA / DJANGO /… dont les ressources sont de plus en plus complexes à trouver et dont surtout les chefs de projets sont incapables de ne pas développer de dépendance forte et surtout sont incapables de comprendre le code qui leurs sont livrés.
J’entends dans votre question qu’on pourrait imaginer à tort que le low code permet à n’importe quel utilisateur de développer ses propres applications. Ca pourrait être le cas avec le « No Code » mais pas, de mon point de vue, avec le low code qui s’inscrit dans une architecture gouvernée par l’IT. Donc pas de shadow IT mais par contre une formidable possibilité pour le business de tester dans des phases d’idéation. En outre, contrairement aux outils de maquettage cela permet de jouer avec des modèles de données et d’actions réelles.
Vous avez définitivement raison, il manque un espace d’échange pour parler de nos expériences, réticences, projets en low code avec d’autres entreprises et organisations, parce qu’avec ce type de mouvement nous avancerons plus vite et plus loin si nous partageons et nous créons une communauté. Je vois par conséquent une belle opportunité que nous lancions cela ensemble, qu’en pensez-vous ?
25 octobre 2021
Vincent Bondoux est directeur de produits dans le groupe transformation digitale chez Euler Hermes et spécialiste du low code. Ingénieur ayant exercé également à l’étranger, il accompagne les entreprises de toute taille dans leur digitalisation de leurs activités et la performance de leurs outils et les indicateurs associés. Il est multi-entrepreneur, start-upeur et passionné des usages numériques qu’il partage dans son blog Ca bouge dans l’IT.
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