Vivatech de retour après l’impasse forcée en 2020
Vivatech a ouvert ses portes ce mercredi 16 juin et pour 4 jours dans une formule hybride, à distance et sur place, Porte de Versailles avec une jauge de 5 000 personnes simultanées, exposants compris. Il convenait de montrer patte blanche avec certificat de vaccination ou test antigénique en plus de son Pass et de sa pièce d’identité nonobstant port du masque et gestes barrières. Les aspects environnementaux étaient à l’honneur et j’ai mis en exergue quelques start-up pertinentes soit dans cette dimension soit reposant sur des solutions matérielles et pas uniquement sur les données. Les interventions peuvent également être suivies en vidéo de rattrapage et une chaîne d’info en continue dédiée à VivaTech est de la partie.
Même si par rapport à 2019 ou à 2018 – l’édition 2020 ayant été annulée pour cause de pandémie – les stands d’Orange avec la 5G et des régions (Ile-de-France, Occitanie, Nouvelle Aquitaine, etc.) étaient en force, il était intéressant de voir que le robot chien de Boston Dynamics capte toujours l’attention ainsi qu’une forte présence de drones pour des usages en tous genres.
Ainsi Ehang est une société chinoise qui développe des drones électriques qui utilisent la 4G ou 5G et permettent des photos aériennes, d’embarquer 220 kg de charge utile avec une portée de 35 km chargé et une vitesse maximum de 130 km/h. Aeraccess, développée par des ingénieurs du CNES et des universitaires et des brevets à la clé, propose un petit drone qui permet de circuler dans des environnements hostiles (de – 30° C à 50 ° C) avec plusieurs cas d’usage allant de la surveillance d’endroits sensibles avec caméra embarquée pour remonter des alertes (par exemple zone militaire ou vérification de détection d’intrusion ou de vol sur des sites, datacenter), de l’agriculture de précision ou même le transport de petits colis en vue des JO de 2024. Cette société prometteuse si elle passe à l’échelle présentait son modèle, le Q800X.
La vidéo et les expériences immersives et augmentées pour commencer
Au gré des stands parcourus, mon attention s’est portée sur Fosfor qui propose des expériences phygitales, des hologrammes et d’autres interactions avec de nombreux capteurs pour augmenter le monde physique. Du côté de la vidéo, la société VideowindoW à Delft aux Pays-Bas transforme des fenêtres (de bureaux par exemple) en écrans. Potentiellement, toute surface vitrée sur un bâtiment peut être utilisée en tant qu’affichage transparent avec une couche multimédia et des applications associées. Pour l’occasion, la démonstration embarquait l’ancêtre des jeux vidéo Pong avec deux membres de l’entreprise qui jouaient via leur smartphone. Concrètement, ce peut être une utilisation intelligente des fenêtres d’un aéroport avant l’embarquement pour afficher messages et vidéos et apporter des services aux passagers. PlayPlay pour sa part permet la réalisation de vidéos très simplement pour des usages plutôt côté communication, RH et marketing. On peut ainsi créer du contenu vidéo et ensuite le diffuser sur les réseaux sociaux rapidement.
La montée en force de start-up pour l’environnement avec des promesses de valeur intelligentes
L’ombre du Covid plane sur le salon et la société avec aussi la prise en compte grandissante de l’environnement mais dans un contexte de création de valeur (recyclage et valorisation des déchets, utilisation d’autres matériaux moins rares ou coûteux, disruption) avec les start-up et non punitif (taxe, interdiction) comme le font certains politiques. Ainsi Waystowork est une jeune start-up qui permet, avec un système de crédit, de réserver son endroit optimal pour travailler (bureau, open space, salle de réunion), lequel peut varier selon les jours, ses valeurs, ses préférences de mode de transport. L’objectif est d’optimiser l’empreinte carbone des salariés et l’utilité est là dans un contexte hybride post-pandémie. On peut imaginer un bouquet de services autour de la solution comme l’avait fait Voyages-Sncf qui, outre la dématérialisation du titre de transport, proposait de réserver un hôtel, une location de voiture, etc. La start-up Evercleanhand, près de Grenoble et créée en 2016, a grandi. Elle a développé peu avant la pandémie de la Covid une solution sans contact pour éliminer 99,9 % des bactéries et levures sur les mains et sans utiliser d’alcool et sans provoquer d’irritation. Son coût de location (99 € par mois) permet de la proposer au sein d’entreprises qui ont la taille critique (grande agence de Free, entrée des EHPAD, restauration d’entreprise, siège social d’une grande entreprise par exemple). Son CTO, Guillaume Belle, rappelle que 80 % des infections avant la Covid avaient pour transmission les mains.
Bin.e, start-up polonaise sur le stand Intel, est un appareil basé sur l’Internet des objets qui trie et compresse les matières recyclables. Elle s’appuie sur l’IA pour la reconnaissance des objets.
Grapheal (pour graphene et heal) développe à partir d’un capteur utilisant les propriétés du graphène une solution basée sur un circuit de traitement de données avec un micro-contrôleur et un module NFC. Utilisée à l’origine pour accélérer la cicatrisation et pour le suivi biochimique des patients, ce spin-off du CNRS a également, avec le contexte, développé des tests embarqués qui permettent de livrer un diagnostic Covid en 3 minutes avec possibilité de test et de pass combinés via NFC. La société grenobloise – Grenoble faisant partie des pôles technologiques comme ceux de Paris Saclay, de Sophia Antipolis, de Montpellier et d’autres régions qui font la French Tech – a déjà levé 1,9 million d’euros.
Sur le stand des start-up partenaires de BNP Paribas, BeFC, spin-off du CNRS avec 6 brevets déposés et 6 autres en cours, a développé une solution de pile électrique qui ne produit pas de déchets polluants avec utilisation de papier et d’enzymes (glucose et dioxygène) et des composants sur une carte avec des partenariats avec STMicroelectronics. Avec une dizaine de personnes et de nombreux cas d’usage, BeFC est dans mes radars.
Ogga développe un petit boîtier pour l’optimisation énergétique du logement. Trois niveaux de service sont proposés avec une simplicité d’utilisation. Le 3e niveau permet un interfaçage avec la box Internet, le tout dans le respect des données personnelles. Il s’agit avec des analyses du sommeil, d’absence, d’optimiser la température d’une maison ou d’un appartement dans chacune de ses pièces et de générer des économies (par exemple fermeture des volets et température minimale en cas d’absence). Il y a un brin de Nest d’Alphabet sans le côté Linky. La société lyonnaise via son Directeur commercial Ghislain Descamps souligne que la solution rencontre un franc succès auprès des bailleurs sociaux et des entreprises du bâtiment.
Lavoisier composites part de l’adage que « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » et permet de réutiliser des plastiques notamment mais aussi des cuirs, textiles. Le fondateur Esteban Villalon indique que le co-développement de produits avec des matières recyclées est pertinent avec le client, lequel donne des idées et peut par la suite avoir un storytelling à raconter sur la genèse du projet de recyclage. Des composites carbone issus de la filière de transformation aéronautique ont été utilisés au départ de l’entreprise. Le fondateur surenchérit en estimant que chaque personne ingurgite dans son alimentation l’équivalent d’une carte de crédit en plastique chaque semaine en moyenne du fait de la pollution des océans en matières plastiques et que c’est une réelle bombe à retardement.
D’autres développements qui méritent l’attention
Côté responsabilité sociale et solidaire, la société CitizenWave permet du partage de bonnes pratiques entre communauté, bassin d’emplois, utilisateurs de mêmes produits ou services avec une solution de cloud en mode SaaS. Ce peut être « par exemple pour des recyclage de voiles de bateau avec différents acteurs » indique le co-fondateur Stéphane Champion. L’outil est orienté communication et exploitation de statistiques (analytics) en back office.
Habble, société néerlandaise développe un petit boîtier qui est connecté à un smartphone (doté d’Android ou d’iOS) et qui permet l’inclusion des personnes non-voyantes. La société également présente au Royaume-Uni et en Belgique débarque en France avec un produit à 249 euros et 3 rangées de 2 boutons (on est proche des matrices 4 x 2 du braille) plus deux autres boutons additionnels pour des commandes pour avancer et reculer.
Dans un autre registre, celui de la blockchain, Meditect, qui coopère avec les laboratoires pharmaceutiques et les gouvernements, sécurise le circuit légal de distribution des médicaments, en particulier en Afrique subsaharienne. Signalons aussi BlockchainyourIP qui s’attache à la propriété intellectuelle des documents d’une entreprise en utilisant la technologie blockchain et plus particulièrement reposant sur le bitcoin. Elle s’adresse aux services juridiques des entreprises pour la protection des documents. Alors que cela pourrait paraître comme un non-sens énergétique, une mutualisation est faite pour protéger les créations et savoir-faire de plusieurs sociétés pour que la preuve de calcul ne soit pas vaine. La start-up est née d’une rencontre faite lors de la première édition de VivaTech avec des profils juridiques et techniques qui se sont croisés, comme quoi il existe de belles histoires et complémentarités.
Enfin côté disruption, coup de com ou coup de maître ?, la jeune société en 4 lettres Grow Your Own Cloud (GYOC) utilise l’ADN des plantes pour stocker des données informatiques et ne pas générer de pollution comme les datacenters néanmoins vitaux en informatique même s’il en existe certains qui optimisent l’énergie. Les 4 lettres évoquent les 4 bases nucléiques (Adénine Thymine Cytosine Guanine). Le projet est plus du domaine de la recherche et fait penser dans un autre registre à l’informatique quantique. De là à coupler informatique quantique et stockage des données dans l’ADN des plantes…
Les plus grands stands et la croissance avec le numérique
Signalons parmi les autres présences remarquées, celles de la RATP, de LVMH (avec des solutions comme celle de la société suédoise Bambuser intégrées dans des sites du groupe pour des solutions de shopping en direct et en vidéo), de la Swisstech, du ministère de la Défense et ses composantes côté cyber(sécurité, défense), de la start-up Klaxoon pour le travail collaboratif et qui poursuit sa croissance dans le B2B, de l’INRIA qui a récemment conclu un partenariat avec La Poste. La Poste présentait de nombreuses solutions comme l’identité numérique, la solution IoT en open source Kuzzle et mettait en exergue plusieurs start-up comme golem.ai qui utilise l’IA pour analyser les documents métier de l’entreprise et aide dans la prise de décision. Huawei, le 5e des BATHX, qui a injecté 8 millions d’euros dans Qwant était en force et la souveraineté numérique toujours présente.
D’un point de vue croissance retrouvée, même si celle-ci se fera avec et grâce au numérique, ne perdons pas de vue que 25 licornes en 2025 qui emploient chacune 1 000 personnes en moyenne ne représentera que 25 000 personnes, ce qui pèse très peu par rapport aux 3,8 millions de chômeurs selon la DARES et au plus de 2 millions d’allocataires du RSA selon la DREES. L’objectif pour la France est de développer les ETI (3 fois moins qu’en Allemagne et 2 fois moins qu’en Italie), les champions cachés. C’est là que réside la croissance et l’emploi de demain tout en favorisant l’éclosion et le passage à l’échelle des start-up – le Scale-up Europe revendiqué – et permettant la transformation digitale des grandes entreprises. C’est d’une logique écosystémique et de plateformes que nous avons besoin avec des acteurs économiques puissants de toutes tailles et complémentaires. Pas sûr que le Gouvernement l’ait compris au-delà du coup de com permanent.
Néanmoins la dimension internationale était pour cette édition moins forte même si le premier jour le P-DG d’Apple répondait à une interview vidéo et que le deuxième jour, c’était le tour du P-DG de Facebook. Les délégations de pays étrangers (Afrique, Asie) étaient à la portion congrue.
Cette édition 2021 avec moins de visiteurs est néanmoins une opportunité pour creuser les propositions de valeur des start-up et de déceler des pépites.
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