3 questions à … Matthieu Beucher

1. Comment est née l’idée de Klaxoon ? Quelles ont été les étapes du développement de l’entreprise et quelles sont les prochains objectifs ?

Klaxoon est une entreprise qui a été lancée en mars 2015. Avant cela, nous avons vécu une phase de gestation pendant 2 ans en menant de la R&D avec des entreprises françaises. Ceci a permis de concevoir un produit abouti avec l’ambition de faciliter le travail d’équipe et notamment sur les phases de réunion et de workshop. L’objectif était de diminuer les temps perdus en réunions au quotidien lesquelles sont unanimement jugées pas assez efficaces : une durée jugée trop longue de 1 h 30 en moyenne alors qu’une durée de 30 minutes est bien plus souhaitable et une participation insuffisante. Une statistique de 2016 fait d’ailleurs état de 50 % des participants qui n’expriment pas leur point de vue lors d’une réunion. Il s’agissait alors de proposer un outil simple et accessible à tous qui augmenterait la participation et donc la productivité sous l’angle de la créativité, puisque jusque-là trop peu d’idées étaient échangées, pas assez d’expression et trop peu de décisions prises. Là encore, une réunion sur quatre seulement aboutit à une prise de décision. Notre postulat était de faire évoluer le format des réunions en s’appuyant sur la technologie pour rendre les temps d’échanges et de synchronisation plus efficaces.

Interview de Matthieu Beucher, CEO de Klaxoon

C’est un défi que nous avons relevé avec un produit très simple en 2015 pour augmenter l’engagement dans la réunion, faciliter l’expression en utilisant différents canaux d’expression tels que l’écrit et le visuel, des réactions avec des feed-back, et faciliter la suite de la réunion avec des systèmes de compte-rendu automatique, avec la capacité de commencer à travailler en asynchrone, c’est-à-dire de faire des choses entre les réunions. On était convaincu dès le départ que le monde professionnel serait très en demande. Aussi nous avons bâti une solution professionnelle robuste et fiable pensée pour les entreprises et les très grandes entreprises avec des contraintes de conception fortes en matière de fiabilité et de sécurité. Le choix était également d’opter pour le cloud dès le départ pour rejoindre facilement Klaxoon et ainsi ne rien avoir à installer sur son poste de travail : une fois sur la page web, simplement saisir le code de la réunion ; un axe de simplicité extrême qui marche sur tous les terminaux. Pour aller plus loin nous avons souhaité rendre ça accessible également quand on n’a pas accès à Internet, avec des appareils, une maîtrise de la couche logicielle large donc, du cloud jusqu’au matériel, pour proposer ce workshop efficace avec la Box Klaxoon qui donne accès à l’ensemble de la solution même sans Internet. Cet appareil, un des premiers objets de la réunion intelligente, a été lancé en 2016. La Box a rapidement été primée aux États-Unis, au CES, ce qui a accéléré la notoriété de Klaxoon. Elle a permis à nos utilisateurs de mieux comprendre ce qu’était Klaxoon. Dedans vous avez toute la solution accessible complètement déconnecté d’internet. La Box créée son propre Wi-Fi, on peut y connecter jusqu’à 100 personnes. C’est un appareil plug & play qui accompagne les différents cas d’usages pour des workshops intelligents, même en déplacement.

L’objectif est d’être capable d’accompagner tous les temps de la vie professionnelle, c’est à-dire de plus en plus en mode hybride, avec des personnes à distance, sur différents sites, avec différents appareils et à d’autre moment de permettre des workshops ultra sécurisés en dehors d’Internet.

De 2015 à 2019, nous nous sommes concentrés à dépasser le stade du PoC. La disruption que nous portons a été accueillie avec bienveillance bien que notre solution ne soit pas très attendue même si le sujet est majeur. Pour autant, ce n’était pas à l’agenda des entreprises de se préoccuper de la qualité des réunions. La solution a d’abord été déployée auprès d’experts agiles, des acteurs de l’innovation et de la formation. Nous avons montré que c’était bien un produit robuste, que ça avait un impact, que les utilisateurs savaient s’en emparer, de manière très simple. C’est un produit pour tous les métiers qui concerne tout le monde dans l’entreprise, un outil simple à mettre entre toutes les mains.

Le marché a basculé avec la Covid, nous étions connus comme l’acteur du workshop efficace, pour certains cas d’usages qui n’étaient pas forcément quotidiens, et d’un coup tout le monde s’est rendu compte que dans les phases de réunion, notamment hybride, le format historique ne marche plus. Et là, beaucoup d’entreprises ont franchi le pas, se tournant vers Klaxoon pour avoir un outil complet qui va au-delà de la visioconférence simple, pour mieux connecter le collectif.

Klaxoon est devenu un outil du quotidien utilisé par tous les métiers dans l’entreprise, qui se déploie très largement et qui est aujourd’hui connu comme une forme de nouveau standard dans les échanges au quotidien. Board, le tableau blanc interactif de Klaxoon, est rentré en moins de 18 mois dans les grands classiques des formats de travail de cette nouvelle époque : très visuel, facilitateur d’échange, permettant d’éviter de passer trop de temps à l’oral – partant du principe que s’exprimer oralement n’est pas simple, 15 % des collaborateurs sont doués d’éloquence. En outre, les tours de table à l’oral en début de réunion prennent du temps et il est difficile de mobiliser les concepts à l’oral. Les échanges gagnent à être soutenus avec du visuel et des éléments factuels.

Au fur et mesure des réunions et entre les réunions, le Board est une vraie dorsale qui permet de garder le contact, de faire avancer les sujets. C’est un format qui a la capacité à proposer des centaines de modèles prêts à l’emploi. C’est une sorte de « C’est pas sorcier » de la collaboration, avec des méthodes qui vont de la matrice SWOT au lancement d’un projet, à l’entretien annuel ou encore à la réunion de synchronisation quotidienne avec son équipe, accessibles en un clic dans une bibliothèque et mobilisables directement dans l’outil. Il s’agit d’accompagner les entreprises dans la transformation de leurs pratiques dans un temps qui ne soit pas excessif. C’est un outil très simple, très documenté, très plug & play. On commence simplement et on trouve dans Klaxoon un accélérateur d’efficacité dans les workshops pour fluidifier les échanges.

Ce mois-ci, nous avons lancé Board Hybrid, la nouvelle génération de notre outil phare, notre tableau blanc interactif. On y retrouve une capacité plus large de modéliser la réflexion avec la possibilité de réaliser des mind maps ou encore des flowcharts, qui sont des modèles pour documenter visuellement la réflexion. Nous avons couplé à cela la capacité d’accueillir tous les types de fichiers, de documents directement dans le Board. Board Hybrid devient un espace central pour l’équipe. C’est un véritable gestionnaire de fichiers très visuel dans lequel chaque fichier est organisé visuellement comme on le souhaite. On dispose des avantages du management visuel et on va plus loin puisqu’au-delà de la mise en forme, on peut explorer le fichier et le partager avec ses collègues directement pendant l’échange, avec des outils de visualisation très puissant pour explorer directement dans le Board Hybrid un PPT ou un PDF par exemple. Ce couplage de mise en forme et de gestionnaire de fichiers nouvelle génération est puissant et devient un véritable format de référence qui remplace l’avalanche de méls envoyés. Avec Board Hybrid on rentre facilement dans le projet et on retrouve toute la matière en centralisant la donnée. Nous renforçons également nos capacités de visioconférence, c’est un outil compatible avec Zoom, Meet, Teams, mais nous avons également dedans notre propre système de visioconférence, un système spécial workshop appelé Live. C’est un outil volontairement très léger en termes de bande passante qui permet de prendre soin de sa dépense énergétique, car 1 h de visio correspond à la même dépense énergétique qu’un déplacement de 9 km en voiture. Les vignettes de visioconférence ne prennent pas plus de 10 % de l’écran, ce qui permet de se concentrer sur le contenu. Nous avons également une durée qui est définie avec un Timer, à l’initiative de la personne qui lance l’échange, elle choisit entre 5, 15 ou 30 minutes. Enfin, la partie sécurité est également renforcée, avec des normes comme SCIM ou encore SSO.

2. Comment la crise de la Covid a été une opportunité pour le développement du télétravail, pour la transformation digitale des entreprises et pour Klaxoon ?

Nous sommes un acteur de la transformation depuis 2015. On nous a souvent objecté au départ de proposer un outil super mais qui était plutôt pour les jeunes et qui n’était pas forcément une priorité pour les directions. Tout cela a volé en éclats avec la crise. De fait, on a dû s’adapter.

De la transformation contrainte, on a gagné la confiance dans notre capacité à transformer les choses très rapidement avec une situation dans laquelle on doit prendre des décisions à très court terme avec des questions du type : qu’est-ce que l’on fait à l’échelle de la semaine, quand seront ouverts les bureaux, comment seront réceptionnés les clients, etc. ? Rapidement, toutes les strates hiérarchiques se sont tournées vers des solutions comme les nôtres pour accélérer le cycle de décision.

Avec la crise, les entreprises ont dû mobiliser le collectif et corriger très vite des processus dès lors qu’elles ont vu des défauts outre le recours au télétravail. Les méthodes de collaboration au quotidien ont ainsi été questionnées de même que les technos existantes, le fait que l’on ne doit pas passer la journée en visio qui est source d’épuisement. Ainsi sont nés de nouveaux formats et de nouvelles façons de travailler.

Le télétravail ne doit pas être confondu avec la crise (qui a été un peu Koh-Lanta pour beaucoup avec la gestion des enfants à la maison mêlée au télétravail subi). Un équilibre est à trouver pour le télétravail à l’avenir, l’équilibre de demain ne sera pas celui d’avant. Il conviendra de gagner en confort, en efficacité, à savoir fonctionner avec des personnes à distance, de définir de nouveaux rythmes, de nouveaux rituels alors que dans l’entreprise nous ne serons pas tous au même endroit au même moment. Clairement, nous serons dans un mode hybride par sa capacité à avoir une organisation distribuée, qui s’adapte à différents moments, à tout lieu dans le monde, pour avoir la vision la plus juste dans un monde qui, avec Internet s’est mondialisé. Il conviendra de faire évoluer l’organisation à l’échelle des technologies pour la faire devenir plus moderne, plus efficace. Ceci permettra d’exprimer mieux ses talents et de rechercher un meilleur équilibre par rapport aux déplacements qui sont questionnés et bouleversés par cette crise.

3. Comment jugez-vous à l’aune de votre expérience l’évolution de l’écosystème innovation en France, on parle désormais plus de scale-up que de start-up ? Quel est votre retour sur l’édition 2021 hybride de Vivatech ?

On a connu chez Klaxoon la phase avant start-up où nous étions une TPE. Nous avions beaucoup de mal à attirer des talents, ceci pour les TPE peut constituer un frein pour la capacité de la France à innover. La vision trop risquée et pas attirante de la TPE n’était pas perçue comme un sujet d’avenir.

Nous avons eu une bienveillance des grands comptes avant de passer à la phase start-up et vivre le courant French Tech. Des entreprises comme La Poste ont testé le prototype de Klaxoon dès 2014 avant notre lancement. Dans ces grands groupes, entre formation et innovation, des personnes se posaient beaucoup de questions sur ce que le digital pouvait offrir et voyaient que la TPE de l’époque, future start-up avec une petite équipe très agile, était un format idéal pour questionner et tester différents concepts. En 2015, Klaxoon bascule dans la phase French Tech, nous avons représenté la French Tech à l’étranger, en gagnant des prix. Ça a été extrêmement utile pour donner des lettres de noblesse au format de ces petites entreprises, ces start-up qui peuvent devenir grandes. Il était urgent de montrer que les belles idées peuvent grandir et derrière ce courant on a vu une capacité à marketer la marque France. Alors qu’il y avait avant la French Tech des idées reçues sur la France, ce pays où on parle tout le temps de grève. À présent, nous sommes perçus comme les autres, notre capacité à bouger les lignes est reconnue. Avant on n’était pas perçu comme des champions, aujourd’hui on joue à armes égales avec des acteurs dans le monde entier qui nous font confiance et qui sont capables d’investir sur le territoire. C’est venu à un moment parfait pour remettre les talents français à leur juste niveau avec une ambition qui doit être affichée dans une compétition mondiale qui n’hésite pas à afficher la sienne.

Aujourd’hui, on est arrivé dans une nouvelle phase, le meilleur est à venir, les talents sont là, les technos on les a aussi largement en France et en Europe, on a la chance d’avoir un territoire extraordinaire. On commence à saisir notre chance d’un point de vue technologique et business. Il y a beaucoup de chose à faire pour mieux se connecter à l’échelle européenne entre différents champions et aller ouvrir ces marchés. Néanmoins on grandit plus vite à l’échelle internationale et notamment aux États-Unis, qu’à l’échelle européenne. Je participe à l’initiative Scale-up Europe, lancée par la France pour faire en sorte que des futurs géants de l’économie apparaissent. Je suis heureux de voir que ça commence à fonctionner, on interagit, on se parle. Il y a une conscience de plus en plus grande de l’intérêt de jouer collectif, de notre capacité à jouer facilement ensemble sans forcément se déplacer pour se parler, pour construire un écosystème européen en réseau très solide pour construire les géants globaux de demain. Ce sont des marchés qui nous font confiance désormais, y compris sur de nouveaux produits comme Klaxoon, puisque nous avons la chance que notre solution soit utilisée sur les 5 continents, avec des acteurs qui sont convaincus d’entendre que le CAC 40 nous a fait confiance très tôt. C’est une chance qui nous place dans un certain niveau d’exigence.

On a besoin de penser global en tant qu’acteur technologique comme des acteurs américains ont su le faire. À l’échelon européen et français, nous avons besoin d’une relation forte et d’être conscient qu’on est meilleurs et plus forts en jouant en équipe. À l’étranger on n’hésite pas à favoriser des acteurs locaux, il est donc important de privilégier à niveau de service équivalent, quand on a la chance d’avoir un champion sur le territoire, un acteur local. Tout reste à faire avec des connexions fortes entre pays européens. C’est le moment de prendre soin de ces connexions très fortes car la Silicon Valley a su jouer en réseau et conquérir le monde. Nous en avons toutes les capacités.

Concernant les fonds, il a été très difficile de lever des fonds pour un acteur rennais comme nous. Depuis 2009, nous nous sommes autofinancés, pendant 7 ans, en nous concentrant sur la R&D et le développement du produit avec des clients et une confiance acquise sur le marché. Puis en 2015 nous avons commencé à lever des fonds, 5 millions la première fois puis 50 millions en 2018. Mais aujourd’hui il y a une transformation complète. La pente est très favorable, la France rattrape son retard. Pour preuve, nous discutons avec les plus grands fonds mondiaux alors qu’avant existait un plafond de verre. Les cartes sont rebattues y compris pour la Silicon Valley.

En 2016, nous avions un stand de 4 m2 à Vivatech. Pour l’édition 2021, nous étions grand partenaire avec un stand à côté de ceux de Microsoft, d’EDF. Vivatech est un salon pensé pour porter l’innovation et la relation corporate/start-up, on en voit aujourd’hui les fruits, avec des acteurs comme Klaxoon et d’autres qui grandissent. Nous sommes contents d’avoir retrouvé tout l’écosystème malgré la jauge limitée à 5 000 personnes, avec en parallèle des workshops pleins avec 1 000 participants qui ont participé à distance avec Hybridity, notre whiteboard room conçue pour des workshops hybrides efficaces avec des personnes à distance, dévoilée à cette occasion.

Une nouvelle phase où l’on prend plus soin de cette dimension hybride s’ouvre. Elle permet de phosphorer sur des projets même si on ne peut pas se déplacer. La transformation est à l’ordre du jour de toutes les organisations encore plus du fait de la crise. Nous avons tous souffert mais nous sortons renforcés sur le sujet de la transformation. Les organisations évoluent, les rythmes évoluent, les rituels évoluent, de nouveaux marchés s’ouvrent. De belles années sont devant nous sur lesquelles on peut ouvrir de nouveaux pivots à 3 ans et chercher de nouvelles dimensions.

28 juin 2021

Matthieu Beucher est CEO et fondateur de Klaxoon, suite d’outils en ligne et collaboratifs qui facilitent le travail d’équipe et les réunions. Après avoir débuté dans l’industrie automobile et avoir travaillé sur les voitures autonomes, il crée l’entreprise Regards sur la vidéo 360° et la formation, société qui est la maison-mère de Klaxoon.

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