Comme chaque année, en ce mois de janvier est venu le billet sur l’année numérique. C’est à la fois une prise de recul sur l’année passée mais aussi une projection sur l’année 2025 qui débute.
2024 a encore été marquée par l’IA générative et le mot numérique élu a été IA frugale.
En effet, cette intelligence artificielle est très gourmande en données et il faudra trouver un équilibre, la croissance en besoin de données évoluant à un rythme exponentiel alors que les réductions de consommation suivent une décroissance linéaire. Ceci posera toute chose égale par ailleurs des problèmes de ressources à moyen terme. Derrière IA frugale, le mot complosphère suit illustrant la volonté soit de censure des réseaux sociaux soit de diffuser des informations trompeuses ou de façon à orienter voire les deux à la fois.
Rétrospective des moments forts de 2024
Le 24 janvier étaient fêtés les 40 ans du Macintosh. Avec son interface homme-machine évoluée avec fenêtres et souris, doté de 128 Ko de RAM et d’un tout petit écran de 9 pouces, lecteur de disquettes 5 pouces 1/2 avec pour le lancement lors de la 18e édition du Super bowl américain, un clip d’anthologie de Ridley Scott faisant allusion au roman 1984 et à IBM, le géant numérique du moment, il a ouvert la voie à la démocratisation de l’informatique.
Fin janvier a été lancée la Freebox Ultra. Avec un débit de 8 Gbit par seconde symétrique, il s’agit d’une offre pour les gros consommateurs de vidéos (Ultra) alors que Ultra Essentiel correspond plus à un produit d’appel et la Dacia des Freebox, la révolution Light est à 29,99 € par mois.
En février on a fêté les 20 ans de Facebook, le numéro 1 des réseaux sociaux au sein du Groupe Meta.
Vivatech a battu des records en matière de visiteurs, mais plus côté grand public avec quelques géants du numérique qui ont déserté cette année.
Selon Statista, on a franchi en 2024 les 2/3 de la population mondiale qui était internaute. En France, selon la FEVAD, le e-commerce a connu une belle croissance après le recul des années 2022 et 2023. Ainsi lors du 3e trimestre 2024, les Français ont dépensé 43,1 milliards d’euros sur Internet (produits et services) soit une hausse de 12,5 % par rapport à la même période de l’année précédente. Le panier moyen était de 66 euros.
La panne mondiale survenue le 19 juillet nous a montré l’importance que revêtait le numérique dans notre société. Des aéroports, banques, médias, hôpitaux et même l’organisation des Jeux olympiques ont été affectés. Le paradoxe est qu’il s’agissait de la mise à jour d’un anti-virus utilisé par la solution Windows de Microsoft, à savoir CrowdStrike, encapsulé dans la suite Microsoft. Il ne s’agissait pas d’une cyberattaque laquelle reste une menace possible. Cette solution développée par CrowdStrike est directement intégrée à la solution Office 365 pour les entreprises. Les données et applications stockées dans le cloud n’étaient plus accessibles.
Une cyberattaque a été orchestrée contre 8 banques françaises. Un malware DroidBot, actif depuis juin 2024, cherchait à piller votre compte. Il compromet les smartphones et vole des identifiants et des mots de passe bancaires pour siphonner tout l’argent de votre compte.
Le coût des cyberattaques a explosé ces dernières années avec une croissance de 30 % environ par an. Il s’établirait à plus de 100 milliards d’euros en 2023 selon les estimations issues des Technology Market Insights de Statista. La course entre attaquant et défenseur reste éternelle, encore plus en matière de cybersécurité.
Côté juridique, le 1er août, l’IA Act européen est entré en vigueur. Sa transposition au sein des 27 Etats membres de l’Union suit. En première approche, un résumé de ces plus de 100 pages peut être faite par une IA générative peut être utile pour éviter l’indigestion administrative. Et le 17 octobre est entrée en vigueur la réglementation NIS2 (Network and Information Security Directive 2) de l’Union européenne. Des exigences sont plus strictes pour les entreprises pour leur stratégie de cyber-résilience (identifier les vulnérabilités, évaluer l’impact de sécurité, etc.). La sécurité est à intégrer sur l’ensemble du cycle de vie et il convient d’y penser dès la conception. NIS 2 concerne 15 000 entreprises françaises, 100 000 en Europe. Le périmètre par rapport à 2022 est étendu à d’autres secteurs. La question que l’on pourrait se poser est de savoir si avec les évolutions des attaques NIS 2 va être à terme obsolète.
En France, Pavel Dourov, CEO de Telegram, a été arrêté en août. On pourrait penser que c’est une amorce de tsunami à l’encontre de la liberté d’expression et non une tempête dans un verre d’eau.
Le 2e colloque sur la souveraineté (dont numérique) s’est tenu à St Malo le 20 septembre avec comme invité d’honneur Arnaud Montebourg. Dans le JDD ce même Arnaud Montebourg, désormais entrepreneur et promoteur du Made in France, soulignait assez sévèrement « le résultat de dix années de start-up nation, c’est quand même que toutes les start-up se sont crashées ou ont été rachetées par les pays qui ont soit des idées, soit des excédents, et se comportent comme des prédateurs : les Chinois, les Allemands ou les Américains. Nous avons bâti la start-up nation pour les autres ».
On a fêté les 30 ans de la parution du rapport Théry sur les autoroutes de l’information où la France ne jurait que par ses (7 millions de) minitel et considérait qu’Internet n’avait pas d’avenir car reposant sur un protocole de fait, TCP/IP, alors qu’X.25 pour le minitel était normalisé par l’ISO.
Le gouvernement a ouvert un compte @gouvernementfr sur TikTok, peut-être pour cibler les jeunes alors que le réseau social chinois reste controversé et qu’en même temps il est question de limiter le temps d’écran ou l’usage des smartphones voire les interdire à l’école, ce qui semble paradoxal.
Le mi-Steve Jobs mi-Elon Musk français Xavier Niel a rejoint le Conseil d’administration de Bytedance, maison mère de TikTok. Dans le Conseil d’administration, il siégera aux côtés de Rubi Liang, le co-fondateur de TikTok et Douyin, sa version chinoise.
Free a subi une attaque avec une fuite de données en octobre, notamment les IBAN de ses clients lequel peut être utilisé à des fins malveillantes. La question que l’on pouvait se poser est pourquoi la direction de Free n’a-t-elle pas racheté sur le darkweb les IBAN et données personnelles volés de façon anonyme via un tiers. Les enchères étaient à 70 k€. Le pirate a eu très envie de foutre un sacré bordel comme aurait pu dire Xavier Niel qui a publié un livre en septembre ! Outre les informations sur les comptes bancaires (IBAN), téléphones et méls sont à surveiller face au phishing, hameçonnage et autres cybermenaces avec les infos dispersées dans la nature.
Deux numériciens nous ont quitté en la personne de Louis Naugès, apôtre du cloud et de Michel Volle qui a développé le concept d’iconomie.
Le chargeur universel avec un port USB-C obligatoire au sein des 27 pays de l’Union européenne pour avoir une convergence de recharge entre les smartphones, tablettes, casques, consoles de jeu vidéo, etc. est devenu une réalité. Il n’est toutefois pas livré avec les nouveaux smartphones, un peu à l’image des roues de secours plus fournies lors de l’achat d’une voiture neuve ni même parfois la galette de secours qui permet de rouler en dépannage jusqu’à 80 km/h.
Du côté des IA génératives, les challengers à OpenAI se sont multipliés et des acteurs sont apparus tous azimuts certains avec des formules gratuites, d’autres payantes et plus souvent des modèles freemium.
Google est revenu en force dans la bataille pour l’IA générative (annonces lors du GoogleIO avec Veo pour générer des images et des vidéos) pour ne pas laisser le lead à Microsoft, lié à OpenAI, voire Amazon. Amazon n’est pas en reste avec Claude.AI d’Anthropic et Meta aussi. 10 ans après la première version de l’assistant Amazon Echo avec Alexa, celui-ci va utiliser le modèle d’IA générative d’Anthropic. La solution développée en interne par Amazon n’a pas été retenue. Une sortie d’une version payante à un tarif compris entre 5 et 10 dollars par mois pour des requêtes complexes était à l’étude.
OpenAI, valorisé en 2024 157 milliards après un tour de table, en fait une centacorne et ce malgré des pertes (5 milliards pour un chiffre d’affaires estimé à 3,7 milliards en 2024). OpenAI avait de l’avance avec ChatGPT va la voir fondre par des acteurs qui ont plus de personnes et une force de frappe telles les GAFAM. Adossé à Microsoft, OpenAI pourrait être racheté par le géant du numérique lui-même tout comme Perplexity dont le siège est à San Francisco. Anthropic va poursuivre sa montée en charge ainsi que l’assistant Meta AI où nous avons le Français Yann LeCun.
L’IA générative, qui consomme des quantités colossales de données, présente aussi des risques dont il faut avoir conscience, notamment ce que j’appelle « un soleil vert des données ». Du reste la sortie de ChatGPT 5 est retardée faute de données en nombre suffisant pour prétendre à une singularité, c’est-à-dire dépasser l’intelligence humaine, qui par ailleurs est dotée de soft skills.
Nous assistons à des duels, par exemple Veo2 vs sora qui sont des IA génératives qui produisent des vidéos à partir d’un simple prompt. Pour l’heure on peut encore s’interroger sur le modèle économique de Veo 2. Et surtout sur la frugalité dans l’usage des quantités colossales de données pour des résultats meilleurs ou équivalents avec moins de données, ce qui est un challenge pour 2025 et les années qui suivent. A noter que Google investit dans des infrastructures et 7 mini réacteurs nucléaires pour ses datacenters être plus efficient en matière d’énergie et arriver à décarboner par ailleurs. C’est aussi le cas de Microsoft et Amazon. La pollution induite par le numérique a une part relative qui progresse. Pour autant, nous ne pouvons nous en passer. D’où des recherches nécessaires pour faire différemment. Une étude de l’Académie chinoise des sciences de Xiamen pointe la quantité de déchets électroniques générés par les infrastructures nécessaires pour l’IA. Ils pourraient passer d’environ 2 550 tonnes en 2023 à 2,5 millions de tonnes en 2030 soit 1000 fois plus en l’espace de 7 ans.
Google avec le programme Google News Initiative rémunère les éditeurs pour utiliser l’IA pour leur création de contenu. Cela rappelle les sanctions prononcées à l’encontre de Google pour la rémunération des droits voisins voici quelques années et la firme de Mountain View a préféré, semble-t-il, anticiper tout litige futur.
Les réseaux sociaux au cœur des débats
UFC que choisir a déposé une plainte à la CNIL en riposte à l’abonnement payant de Facebook et d’Instagram depuis novembre 2023. Il permet en effet de refuser le traitement des données personnelles de l’internaute et constitue une tentative de contourner le RGPD.
Les notes communautaires sur X (anciennement Twitter) vont désormais être développées par les marques du groupe Meta comme annoncé récemment début janvier 2025 par Mark Zuckerberg. Cela représente surtout pour les plateformes une économie : le travail n’est plus fait par des personnes et des bots mais par les utilisateurs et ce, gratuitement à la façon de Wikipédia. L’élection de Trump change également la donne et le premier amendement des Etats-Unis qui consacre la liberté d’expression est remis au goût du jour, Mark Zuckerberg avait dévoilé avoir subi des pressions dans la censure par l’administration Biden pour des informations publiées mentionnant des effets secondaires des vaccins contre la covid.
Des personnes quittent X, le journal Ouest France par exemple ou certaines plus marquées NFP qui ont lancé un mouvement #QuitterX pour désactiver ou supprimer son compte le 20 janvier 2025 à l’occasion de l’investiture de Trump car Elon Musk est un soutien du nouveau président américain.
Même si un processus timide de désertion de X est engagé, ce n’est pas vers Bluesky et Mastodon mais vers Threads. X reste la plateforme d’actualité où il faut être et constitue un précieux outil de veille. Tout comme la migration de WhatsApp vers Signal et Telegram, elle reste pour l’heure limitée. La personne qui quitte X est de fait écartée des informations, des décisions, de la vie numérique car les autres outils n’ont pas la même richesse en audience et en informations publiées qu’elles soient justes ou non. Le discernement dans tous les cas doit être de mise.
On notera que LinkedIn est envahie de publications générées par l’IA outre sa facebookisation. Les cadres qui sont inscrits sont également démarché par des vendeurs immobiliers, des sollicitations pour des inscriptions à des formations, etc. de façon parfois spamesque, ce qui en devient grotesque.
Une synthèse sur l’évolution des réseaux sociaux (nouvelles fonctionnalités et convergence avec uniformisation, premiumisation et monétisation, difficulté de la modération, recherche d’influenceurs authentiques pour les marques, recours aux IA génératives) est exposé dans mon article pour le blog L’annuaire digital.
Nous avons surtout la rétention au sein du réseau social pour capter l’attention. Ceci s’accompagne d’une pénalisation des liens sortants vers des sites.
BeReal a un concurrent BeFake qui, après une photo à un moment aléatoire, laisse 20 minutes pour la modifier grâce à l’IA générative.
Des acquisitions dans la tech qui donnent le tournis
Le montant des fusions-acquisitions a dépassé la somme de 500 milliards de dollars en 2024 dans le monde, ce qui constitue un record. Cela s’explique par le caractère stratégique de l’intelligence artificielle en particulier mais aussi du cloud et de la cybersécurité entre autres incitant les acteurs du secteur à acquérir des expertises et des technologies complémentaires. Toutefois les régulateurs en particulier aux Etats-Unis et en Europe veillent à la régularité de ces opérations par rapport aux distorsions de concurrence et à la protection notamment des données des consommateurs et menant des enquêtes antitrust, ce qui peut amener à annuler ultérieurement des opérations annoncées. Il en va par exemple ainsi pour Amazon qui a abandonné l’acquisition d’iRobot prévu pour 1,5 milliard d’euros en 2022 du fait de difficultés avec l’autorité de la concurrence américaine, le FTC et d’un blocage avec l’UE.
En janvier 2024, HP Entreprise, spécialisé dans les datacenters, a acquis l’entreprise de la Silicon Valley Juniper Networks pour 14 milliards de dollars pour renforcer sa stratégie vers l’IA pour les produits de réseaux (routeurs, commutateurs, logiciels de gestion et de sécurité). Synopsys a racheté Ansys pour 35 milliards de dollars avec pour objectif de devenir un géant pour les solutions de conception (matérielle et logicielle) de systèmes sur silicium.
En février, Capital One, qui innonde de courriers publicitaires ses prospects sur le marché américain, a racheté Discover Financial Services pour 35,3 milliards de dollars pour fusionner deux acteurs majeurs des cartes de crédit américaines.
En marc, Cisco a racheté Splunk pour 28 milliards de dollars pour l’analyse de données et la cybersécurité de Splunk.
En avril, IBM a mis la main sur Hashicorp pour 6,4 milliards de dollars pour la gestion d’infrastructures de cloud hybrides. Cela suit la logique de la firme d’Armonk après l’acquisition de Red Hat.
En juin, Voodoo a racheté le réseau social Made in France BeReal pour 500 millions d’euros.
Côté IA, Google a mis la main sur Character.AI pour 2,7 milliards de dollars en août 2024. Ceci vise à renforcer l’offre Gemini de Google et ses projets d’IA notamment côté LLM. AMD a acquis Silo AI pour 665 millions de dollars. Ceci permet à AMD d’avoir une expertise en matière de LLL multilingues et évolutifs. Nvidia, l’entreprise qui a rejoint en peu de temps les sommets atteints par Apple et Microsoft en matière de valorisation boursière, pour sa part a fait 5 acquisitions dont OctoAI pour 250 millions de dollars en septembre 2024 pour disposer d’une complémentarité côté outils d’IA génératifs et plateformes cloud, ce qui permettra l’optimisation et le déploiement de modèles d’IA. Nvidia a également absorbé Shoreline.io en juin (résolution automatisée des problèmes des datecenters, en s’appuyant sur la surveillance en temps réel et l’apprentissage automatique pour minimiser l’intervention humaine) et en juillet la plateforme Brev.dev pour 300 millions de dollars pour les flux de développement de l’IA. Ces acquisitions sont comme des pièces de puzzle qui s’assemblent pour répondre à une stratégie globale.
En novembre, ChapsVision, leader du traitement des données enrichies par l’IA, a annoncé l’acquisition de Sinequa, leader mondial des moteurs de recherche d’entreprise augmenté du RAG (Retrieval-Augmented Generation) qui est nécessaire pour perfectionner les résultats délivrés par les IA génératives.
Amazon a racheté Covariant en août 2024 pour disposer de ses modèles d’IA pour la robotique. Ceci est stratégique pour automatiser les entrepôts et la robotique pilotée par l’IA.
Le combat entre les maîtres du monde Etats-Unis vs Chine
La Chine est devenue le challenger des Etats-Unis avec ses équivalents des GAFAM, les BATHX comme expliqué dans ce débat avec Fabrice Epelboin.
Elle dispose de ses super App (AliPay et WeChat) mais aussi est fortement présente dans l’ensemble du numérique qui imprègne l’automobile, l’électroménager et l’ensemble de notre vie au quotidien.
Tout comme aux Etats-Unis, on dénombre une série d’applications par exemple côté e-commerce, Alibaba, JD.com avec leurs propres infrastructures logistiques et commerciales, Taobao pour le C2C, Tmall, etc. Temu et Shein font déjà une percée chez nous bien que controversés, le premier pour des ventes à perte avec une exploitation des données personnelles, le second pour les risques pour la santé avec ses vêtements et des impacts environnementaux par ailleurs ainsi que des conditions de travail souvent inhumaines. La nomination d’un ancien ministre de l’intérieur en tant que conseiller RSE interroge. Des duels entre Alibaba et Amazon d’annoncent déjà, Alibaba ayant aussi une solution de cloud pour jouer dans la cour des hyperscalers aux côtés d’AWS, Microsoft Azure et Google Cloud.
Les iPhone étaient fabriqués à Shenzhen en face de la baie de Hong Kong. Du fait des tensions géopolitiques entre Chine et Etats-Unis, la production est également faite en Inde. Taiwan représente plus que jamais un enjeu pour la Chine après la rétrocession de Hong Kong par le Royaume-Uni le 1er juillet 1997. Tôt ou tard, la Chine voudra « récupérer » Taiwan qui est indépendante depuis 1949. Un conflit d’une ampleur autre que l’invasion de l’Ukraine pourrait éclater avec les Etats-Unis faute de consensus. L’enjeu réside dans la fabrication des micro-processeurs qui sont majoritairement assemblés à Taipei par TSMC et dont nous sommes hautement dépendants, plus encore en Europe que les Etats-Unis qui ont commencé à se dévulnérabiliser.
Le plan Made in China 2025 a été lancé dès 2015. Hautement stratégique, il vise à réduire la dépendance de la Chine à l’égard des technologies étrangères tout en promouvant les fabricants chinois de technologies dans le monde. Passé le stade du rattrapage, la phase de conquête arrive tel un tsunami. Basé sur l’innovation et en particulier le numérique, il est prévu pour faire de la Chine une (hyper)puissance numérique.
Alors qu’Apple a renoncé à l’Apple Car, Xiaomi s’est diversifié avec la voiture électrique et monte en puissance avec plus de 130 000 voitures (la SU 7) qui seront produites en 2024.
La Chine est très active du côté des IA génératives et avait un retard qu’elle a en partie comblé. Elle a des outils comme LibLib et a intégré de l’IA à Douyin. Elle a aussi développé des outils de génération de vidéos comme Zhipu, Kling ou Vidu en réponse à Sora.
Points de repère et prévisions pour 2025
Le CES de Las Vegas qui se tenait du 7 au 10 janvier a été l’objet d’annonces notamment de Nvidia et son CEO Jensen Huang mais aussi de présentations de cas d’usage dans la santé, la robotique avec des robots interactifs et humanoïdes (le français Enchanted Tools était présent), les mobilités durables. Elon Musk a déclaré que Tesla construirait 500 000 robots humanoïdes dans 3 ans et qu’il y aurait à terme 20 à 30 milliards de robots dans le monde. Ces chiffres traduiraient selon lui une croissance économique illimitée et un revenu élevé universel pour tout le monde. Ils ne sont néanmoins pas réalistes par rapport aux ressources disponibles. Et avons-nous besoin de 3 robots en moyenne par citoyen ? La Chine était présente sur les produits de base dans le numérique avec plus de 1 000 exposants chinois sur 4 500 au total. Les organisations ont communiqué sur 140 000 visiteurs, nombre comparable à Vivatech. Aucun ministre français n’a fait le déplacement cette année. Même si notre pays connaît une dette qui s’accroît et une crise économique, il ne faudrait pas basculer dans la start-down nation. Le numérique est une composante clé de l’économie et transverse à l’ensemble des secteurs.
Cependant, les 10 et 11 février prochain se déroulera le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle au Grand Palais à Paris. Il réunira des chefs d’État et de gouvernements, des dirigeants d’organisations internationales, d’entreprises, des universitaires et chercheurs, des ONG et des personnes de la société civile. Les impacts de l’IA sur la société seront débattus. Parmi les autres événements notons la 4e édition du World AI Cannes Festival qui se tiendra du 13 au 15 février et qui devient un classique tout comme Vivatech du 11 au 14 juin. C’est le Vivatech de l’IA en somme. On notera aussi le CES Asia 2025 à Shanghai en décembre qui est la version asiatique du CES avec les dernières nouveautés de la tech.
Les prédictions de Forrester Research pour 2025 abondent dans le sens du développement de l’IA, de la poursuite de la transformation digitale par les organisations et l’augmentation de la dette technique par ailleurs. Forrester Research précise que l’économie numérique affichera un taux de croissance annuel de 6,9 % à l’échelle mondiale de 2023 à 2028.
La robotique, la biotechnologie et la volonté d’avoir une nouvelle mission lunaire avec en ligne de mire un voyage sur Mars vont tirer les développements de la technologie et du numérique. On va assister à une commercialisation de l’espace et une présence durable sur la lune, au tourisme spatial. En revanche, il ne sera pas encore économiquement intéressant ces prochaines années d’exploiter les minéraux en provenance d’astéroïdes sauf pour des expérimentations.
Le plan France Très Haut Débit va se poursuivre en France pour généraliser progressivement le très haut débit sur l’ensemble du territoire, de nature à favoriser les usages. En revanche, outre l’obsolescence technologique des matériels, le risque de pénurie de composants sera à intégrer dans la stratégie des entreprises du faire des risques géopolitiques pour certaines ressources critiques (par ex. Taiwan avec les micro-processeurs ou RDC pour le cobalt).
Elon Musk devrait fermer le siège historique de X à San Francisco en Californie. Il pourrait déménager au Texas comme cela a été fait pour Tesla qui est passé à Austin pour des raisons fiscales, chaque Etat ayant sa fiscalité en plus de l’impôt dû à l’état fédéral des Etats-Unis (IRS).
Les robots seront davantage anthropomorphes et les secteurs les plus en vue seront ceux de la santé et de la logistique.
Le passage vers le « as a service » dans l’ensemble des pans de la société va se prolonger. Il correspond à la transition de la détention d’un bien à son usage 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Les mises à niveau de Microsoft Windows 11, lancé en octobre 2021, seront nécessaires pour prendre en charge les fonctionnalités d’IA. Cela pourrait être une aubaine pour le marché des PC dans une optique de renouvellement du parc.
Des outils comme GitHub, Copilot pour les entreprises inféodées à Microsoft deviendront nécessaires pour les collaborateurs.
L’IA générative, qui était jusque lors massivement utilisée trop souvent sans discernement, va entrer dans une phase de maturité avec des impacts tangibles passée la phase de découverte et de tests.
C’est d’ailleurs la 4e ère du numérique qui débute, celle de l’IA générative et son an 1. Elle suit celle des données même si elle-même nécessite beaucoup de données, qui elles-mêmes ont besoin de logiciel et de matériel.
Mais c’est là que la valeur ajoutée sera potentiellement la plus grande. On passe du PoC (proof of concept) aux cas réels industrialisables et opérationnels. Les usages sont plus matures en entreprise, nous aurons moins l’effet découverte et gadget mais des usages créateurs de valeur qui ont déjà commencé côté service client et marketing notamment. Ces IA auront des répercutions, par exemple au niveau médical (maladie chroniques, rares, thérapies contre le vieillissement cellulaire et génétique, recherche clinique) avec des questions éthiques à se poser sur la santé et le vieillissement.
Nous aurons aussi davantage de contenus visuels et de vidéos générés par l’IA. La tendance vers l’open source avec LLaMa de Meta ou MistralAI devrait se poursuivre parallèlement aux solutions propriétaires, ce qui offre une plus grande palette de choix pour les entreprises utilisatrices.
Le prompt engineering pour tirer la quintessence de l’IA générative devient clef. Il s’agit d’une coopération entre l’IA générative et l’homme. Avec de bons prompts, les résultats sont optimisés et l’IA générative peut alors être utilisée pour la productivité. La dimension sécurité est également à intégrer (infrastructure et gouvernance des données avec des questions de propriété intellectuelle).
Pour être fort d’un point de vue IA générative, il convient au préalable pour les entreprises d’avoir un bon niveau de maturité numérique. Les agents d’IA seront au premier rang des cas d’usage avec toujours deux objectifs en ligne de mire :
1. Améliorer l’efficacité opérationnelle ;
2. Générer des revenus additionnels (automatisation des ventes par exemple ou développement de nouveaux produits et services).
Les flux et les méthodes de travail seront à repensés à l’aune de l’IA générative qui ubérise les cols blancs comme jadis les cols bleus avait été disruptés par les robots dans les usines. En particulier les cols blancs ne pouvant ou ne savant pas se remettre en question et parfois accompagnés avec des RH d’une autre époque alors que les IA génératives modifient pour certaines fonctions profondément les tâches. Les RH seront-elles-mêmes ubérisées, chacun essayant de défendre sa fiche de poste tel autrefois les Canuts lyonnais en riposte au métier à tisser de Jacquard automatisant les tâches. Par ailleurs, L’adoption accrue de l’AIOps permettra de lutter contre la dette technologique du fait de la complexification des environnements de travail et de l’historique informatique des entreprises.
Avec les attaques de sécurité nourries par l’IA, les dépenses en cybersécurité vont croître.
Nous aurons une pénurie de talents en IA comme il y en avait voici quelques années du côté des data scientists. Déjà les formations des Grandes Ecoles et des universités s’adaptent avec un décalage de 1 à quelques années entre les besoins des entreprises et la matérialisation concrète des formations.
Une question à avoir est en quoi l’IA générative pourrait booster la création de start-up et les aider à passer à l’échelle plus rapidement et efficacement. Ce pourrait être notamment avec les systèmes décentralisés pour les échanges d’informations sécurisés par rapport à la question des données sensibles.
Les GAFAM vont pour leur part faire un retour en force au niveau de l’IA générative qui a déjà bien débuté en 2024. La question du démantèlement éventuelle de certains géants du numérique est passée de mode. Peut-être parce que les démanteler affaiblirait les leaders américains face à la montée des BATHX chinois, ceci expliquant cela. les IA génératives françaises ne sont pas en reste mais hormis MistalAI, elles évoluent 2 divisions en dessous des acteurs américains et chinois, malheureusement.
Nvidia, qui représente plus de 80 % de parts de marché des microprocesseurs pour l’intelligence artificielle, devrait poursuivre son ascension alors qu’Intel est plus dans une lutte pour trouver un second souffle, ce qui fait penser à l’étoile montante Microsoft face à IBM à partir de 1985 et qui est le géant du numérique le plus diversifié parmi les GAFAM, les revenus d’Alphabet et de Meta (respectivement Google et Facebook) étant très lié à la publicité et d’Apple induit majoritairement par l’iPhone. La sortie de la puce B200, plus puissante que la H100 a permis d’entraîner des modèles plus complexes et d’accélérer le temps de prédiction des LLM.
Gardons à l’esprit que les IA génératives ne constituent pas non plus une panacée. En matière de communication et de stratégie, alors que les modèles économiques ne permettent pas de prévoir des ruptures, les modèles d’IA génératives, notamment les LLM, ne peuvent anticiper un buzz.
En tout état de cause, l’équation gagnante sera la combinaison de l’intelligence artificielle avec l’intelligence humaine ou plutôt l’IA avec un retraitement humain indispensable dans des situations complexes qui donnent un supplément d’âme. Les résultats produits par une IA peuvent ou doivent selon les cas avoir une seconde passe humaine, ce qui permet de vérifier les potentiels biais et hallucinations.
Les annonceurs devraient poursuivre la diversification de leur présence sur les différents réseaux sociaux pour l’acquisition de trafic auprès de cibles complémentaires, ce qui est consommateur en jours-hommes par ailleurs.
Il devient difficile d’avoir un site web indépendant du fait des plateformes et les réseaux sociaux qui verrouillent le contenu.
Des entreprises comme Stripe pour le paiement en ligne, Databricks pour l’analyse de données et l’IA ou encore Boston Dynamics côté robotique devraient avoir le vent en poupe.
La désinstallation d’App sur les smartphones va se poursuivre avec parallèlement le téléchargement d’App depuis Google Play et l’App Store pour plusieurs raisons comme le besoin d’avoir plus d’espace libre sur son smartphone du fait de la taille mémoire limitée face à la profusion de selfies et de vidéos générées.
Les assistants numériques (Gemini, Copilot, Siri) vont poursuivre leur montée en puissance souvent via une intégration aux terminaux, de même que le chatbot Grok sur X qui a un potentiel certain.
La réalité augmentée va connaître une bataille maintenant que le buzz est passé et que nous sommes vers une maturité d’usage mais moins universels ainsi que la réalité virtuelle et mixte. Ce sera entre Apple qui a un produit trop cher, le Vision Pro et Meta avec le Quest qui a contrario répond à des multiples cas d’usages. Les lunettes de réalité augmentée pour leur part de Snapchat avec ses Spectacles semblent avoir trouvé un créneau, les Ray-Ban de Meta vont poursuivre leur montée en puissance alors que Google avec ses Glass avait jeté l’éponge.
Nous aurons une édition 2025 de l’annuaire des Top acteurs du numérique, à présent baptisé Numerikissimo. Il a évolué en association loi 1901 pour passer à l’échelle. Si vous vous sentez digne d’y figurer vous pouvez postuler sur le site. La participation est gratuite mais sur sélection avec un jury qui a été constitué pour cette deuxième édition.
Plus que jamais nous avons tous besoin de nous informer en vérité. Informez-vous !, tel est le challenge pour 2025.
Belle année 2025 à tous et au plaisir d’échanger sur les médias sociaux et lors de différents événements numériques aussi bien à distance qu’IRL !
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