Fiona Scott Morton avait été nommée au poste d’économiste en chef à la Commission européenne. Cette nomination était problématique dans la mesure où ancienne lobbyiste d’Amazon, d’Apple et de Microsoft, 3 des 5 géants de la tech américaine et ancienne cadre de l’administration Obama, elle pouvait faire défendre les intérêts américains et influer subrepticement sur des décisions nous impactant et favorables au pays de l’Oncle Sam plus qu’à l’ancien monde. Ceci est d’autant plus menaçant que le numérique est un secteur stratégique et transverse aux autres secteurs d’activité et représente une large part de la croissance de demain. Dans ce cadre, l’Europe timide et qui se cherche est déjà en partie colonisée par les Etats-Unis et la Chine qui monte avec les BATHX (Baidu Alibaba Tencent Huawei et Xiaomi) et l’arbre qui cache la forêt et collecte des données pour les usages des jeunes, le réseau social TikTok. En outre, l’ancienne fiche de poste prévoyait parmi les prérequis d’être d’une nationalité d’un pays Etat membre de l’Union européenne des 27. Ce critère a mystérieusement disparu.
Plusieurs voix se sont levées notamment en France et une pétition via le site MesOpinions a été lancée par mon confrère Thomas Fauré, partisan d’une souveraineté numérique française (et européenne) et président-fondateur de Whaller.
Celle-ci a recueilli 22 108 signatures et a débordé les frontières numériques naturelles.
Je partage tout comme Thomas les deux regrets, le premier que ni la n + 1 en charge de la DG concurrence Margrethe Vestager ni la commissaire européenne Ursula von der Leyen – qui se verrait bien SG de l’OTAN (c’est la volonté de Joe Biden) après avoir été ministre de la Défense en Allemagne – ne se soient manifestées et le second que la France ait été étrangement peu suivie par d’autres nations européennes.
L’Europe devrait défendre nos intérêts vitaux et stratégiques plutôt que de décider par exemple et au mépris de la subsidiarité si le Mont Saint-Michel se situe en Bretagne ou en Normandie. Au-delà, c’est la question fondamentale de l’intelligence économique qui va de pair avec les savoirs technologiques et leur protection (que ce soit dans les industries de pointe, les biotechnologies, les nanotechnologies, l’intelligence artificielle, la robotique, etc.) et les brevets à la clé qui permettent une protection pendant 20 ans et où la France est loin derrière l’Allemagne mais surtout les Etats-Unis et la Chine.
Nous avons eu une prise de conscience tardive en France avec le rapport Martre en 1994. Puis pratiquement une décennie plus tard en 2003, le rapport du député Bernard Carayon au Premier ministre Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale. Et enfin 10 ans après, la nomination de Claude Revel en mai 2013 en tant que Déléguée interministérielle à l’intelligence économique, poste rattaché au Premier ministre. Ceci est également l’année où Edward Snowden a révélé les écoutes sur Internet. 10 ans encore après, il est temps de prendre conscience que la France a ni amis ni ennemis mais a surtout des intérêts à faire valoir et à défendre. Il s’agit de technologies, de savoirs qui se traduisent en emplois, en richesse. A contrario, se faire piller notre patrimoine technologique ou avoir des dirigeants qui prennent de mauvaises décisions avec des influences contraires à nos intérêts ou être manipulé ou floué par des lobbys peut se traduire en des super Gilets jaunes plus tard. Et l’espionnage, le pillage de données – la valeur ajoutée immatérielle qui en découle – sont bien réels.
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