3 questions à … David Chevènement

1. Comment voyez-vous l’inclusion de ChatGPT dans les outils ou son interfaçage avec des API idoines et pour quelles promesses de valeur ? Et quid de l’apport d’OpenAI, par exemple dans le moteur de recherche Bing de Microsoft avec le fait que Bing source les résultats des réponses avec un choix (créatif, équilibré, précis) contrairement à ChatGPT qui produit un mélange avec parfois des erreurs difficiles à tracer ?

En fait, ce qui est intéressant avec l’arrivée de chatGPT, c’est que la plupart des gens n’ont pas vu la véritable révolution introduite par ce type d’outil.

Bien sûr on peut échanger avec lui pour lui poser des questions en pensant que c’est le remplaçant de Google et qu’il va devenir notre nouvel oracle. Et effectivement, dans un premier temps, il fait illusion mais ses défauts dans la production de savoir sans citer ses références en font un outil dangereux sans garde-fou.

Par ailleurs le cadre juridique est encore flou. Il est bien possible que la législation européenne freine notre capacité en Europe à développer une IA du même niveau que GPT.

Interview de David Chevènement, président de Beesapps, l'éditeur de la solution Beesy

Toutefois, ce n’est pas là que réside la plus grande révolution introduite par l’arrive des LLM (très grands modèles de langages) dans notre quotidien. Ce qui change fondamentalement, c’est que ces outils ont soudainement développé la capacité de raisonner et cela change tout. ChatGPT et plus particulièrement GPT-4 font montre d’une capacité à produire un raisonnement, un plan d’action associé et à mesurer le résultat de leurs actions pour corriger le plan d’action qui est tout simplement sans commune mesure avec ce que l’on a connu auparavant.

C’est ce qui fait que le vrai apport de GPT n’est pas de citer ces sources. C’est sa capacité à s’auto-augmenter si on lui explique qu’il a sa disposition Internet pour vérifier ses dires et citer ses sources. Et c’est exactement comme ça que Bing a développé sa fonctionnalité. Par conséquent, on a devant nous des machines qui raisonnent sur tous les savoirs du monde. C’est proprement révolutionnaire. Pour les nouveaux savoirs ou ceux qui sont invisibles, c’est l’un des enjeux des fournisseurs de solution : former les IA sur ces connaissances latentes qui ne demandent qu’à être intégrées au modèle de « base ». Il en va de même pour les savoirs internes ou maison de chaque entreprise.

Alors bien sûr, le niveau de raisonnement dépend du GPT dont on parle. ChatGPT a un raisonnement d’un élève de collège. GPT-4 a le raisonnement d’un très bon Bac+5… J’ai dit capacité de raisonnement, il lui manque bien sûr du bon sens et les « évidences » d’un certain nombre de choses. Mais si on lui donne un contexte, des instructions et nous produire un raisonnement pour adresser le sujet, il est capable de cela.

2. Vous avez créé Beesy (https://www.beesapps.com) pour la gestion collaborative de projets de nature à faire gagner du temps aux organisations. Pourriez-vous nous présenter les concepts comme l’automatisation des comptes rendus de réunion et des actions qui en découlent ? Et comment l’outil évolue à l’aune de GPT avec l’IA que vous avez développée et qui répond à des besoins plus précis de productivité au travail ? Pourquoi plutôt utiliser Beesy (souveraineté, maîtrise des raisonnements produits, autres) que d’autres outils d’IA ?

Chez Beesy, nous avons cru à l’arrivée de l’IA dans le quotidien des organisations depuis 2018, naissance d’Ava, notre « chatGPT » du manager.

Ava est capable depuis longtemps de structurer de la donnée pour le compte des gens qui l’utilisent, en créant par exemple des actions quand on lui demande ou en réalisant un compte rendu de réunion à partir d’un simple mél de synthèse qu’on lui envoie. Ava peut aussi préparer des points individuels, générer un reporting produit ou encore envoyer à quelqu’un son plan d’action de la semaine par exemple.

Ava permet d’extraire les plans d’actions du contenu pour produire un RACI et un tableau de bord de l’activité, à titre individuel mais aussi en équipe.

Ce qui change avec l’arrivée de GPT, c’est notre capacité à donner du sens sans « coder » a priori les fonctions dont a besoin l’utilisateur. On change de paradigme. Nous (Beesy) expliquons à Ava Turing les outils et données qui sont à sa disposition dans notre plateforme, et Ava, en échangeant avec l’utilisateur, va développer par elle-même la capacité à interagir avec les outils à sa disposition pour réaliser la demande de l’utilisateur.

C’est une toute nouvelle façon d’aborder la conception de solution et qui développe grandement les possibilités. Par exemple, nous avons mis au point un nouveau service qui reçoit une notification de Microsoft Teams quand une réunion est terminée et qu’une transcription audio du meeting est disponible. Ava va alors aller chercher le document, le lire, en effectuer une synthèse avec les thématiques abordées, un résumé des discussions sur chaque point et la liste des actions identifiées. A partir de cette synthèse, elle va produire un compte-rendu mis en forme et stocker le plan d’action dans la plateforme. Et tout ça sans aucune intervention humaine ! C’est de nature à faire gagner du temps précieux.

Alors pourquoi utiliser Beesy plutôt qu’une solution comme GPT ? Tout simplement parce que nous avons notre propre LLM en France et que l’on sait vous garantir ce qu’il advient des données que vous nous confiez. On sait même vous garantir de ne pas utiliser vos données pour la formation des prochaines IA. C’est essentiel pour des données corporate.

Par ailleurs pour vos lecteurs qui travaillent dans de grands groupes, on a également la possibilité d’opérer un LLM pour leur compte dans leur infrastructure et de le former spécifiquement à leur process et culture d’entreprise.

3. Enfin est-ce que l’IA générative va amener plus de complexité, d’infobésité, une évolution du rôle de l’humain combiné à l’IA pour produire plus de valeur en chassant erreurs, fake news et biais algorithmiques ?

L’IA générative va nous permettre de mieux gérer le flux continue d’information qui nous assaille. Elle va devenir notre copilote pour traiter l’information et surtout la hiérarchiser. Et comme elle a une capacité de raisonnement (qui va par ailleurs s’améliorer au fil du temps), elle va commencer à prendre en charge une partie de nos actions à plus faible valeur ajoutée. Par exemple, relancer les gens qui participent à une réunion sur les points qu’ils veulent mettre à l’ordre du jour ou les actions qu’ils ont en suspens. Ou encore consolider une veille concurrentielle à intervalle régulier sur la base d’une liste de concurrents et de produits qui m’intéressent…

Et c’est là ce qui va vraiment changer. De par leur capacité de raisonnement, nous allons faire face à un changement majeur des organisations. L’IA n’est pas un simple projet de transformation IT comme on peut en mener dans toutes les entreprises. Elle va induire un questionnement d’organisation profond sur la place des hommes et des IA dans les process de l’entreprise.

En gardant à l’esprit que les IA multiplient par 10 tous les ans la taille de « leur cerveau numérique », il est urgent pour les entreprises de prendre le sujet en main. Car comme toutes les révolutions à rythme exponentiel fort, il est souvent trop tard quand le changement est déjà là.

David Chevènement est président de Beesapps, l’éditeur de la solution Beesy. Auparavant Directeur Commercial et Marketing international de Locatel, il était en charge du développement des filiales et du réseau de distribution mondial. Il y fait croitre le chiffre d’affaires de 50 % en 2 ans. Avant cela, David était Business analyst à la Direction de la stratégie et de l’innovation de Cegetel. David avait commencé comme Consultant Telecom chez Devoteam lors de la déréglementation au début des années 2000 après avoir obtenu son diplôme de Télécom Paris.

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