Analyse de la présidentielle 2022 sur Internet

Un contexte économique et social difficile

Il s’agit d’une drôle de campagne. Un président sortant et ultra favori tarde à annoncer sa candidature comme l’avait fait Mitterrand en 1988 avec sa « lettre à tous les Français » et qui refuse la confrontation avec les autres candidats car son bilan (dette, moral des Français, déficit du commerce extérieur, pouvoir d’achat, désindustrialisation et même écologique avec le retard pris sur le nucléaire) est, de façon factuelle, médiocre. Il serait l’objet d’attaques de toutes parts, pas seulement des extrêmes mais aussi de la gauche et de la droite et du centre non allié.

Par ailleurs, si l’on additionne le score des candidats extrêmes on dépasse les 50 % ce qui est du jamais vu dans un pays démocratique comme le nôtre.

En outre, la démocratie a reculé en France depuis plusieurs années comme résumé dans l’infographie de Statista qui classe notre pays comme « démocratie imparfaite ». Les mesures liberticides, les répressions de manifestations peuvent l’expliquer. La France a d’ailleurs rétrogradé au 34e rang pour la liberté de la presse selon Reporter Sans Frontière du fait notamment des répressions.

Niveau de démocratie dans les différents pays

D’un point de vue communication, il est à observer que beaucoup de partis et de mouvements ont souvent eu pour slogan l’opposé de ce qu’ils faisaient/font (PSU ou CGTU pour unifié alors que c’était une source de division, Agir alors que c’est plus l’immobilisme). Les exemples pourraient être multipliés à l’envie, le dernier en date « Avec vous » avec sur le site de campagne : « Vous ne vous reconnaissez pas dans les déclarations des candidats à l’élection présidentielle ? C’est normal, ils ne parlent pas de vous, ils parlent d’eux. Notre démarche est à l’opposé de ça. ». Dans les faits, nous avons un président omniprésent dans les médias – davantage que ne le fût Nicolas Sarkozy : on entend parler que de lui, ce qui rend les autres candidats presque inaudibles. Il s’agit d’un coup de com permanent en écho de la phrase du journaliste Léon Zitrone : « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi ! ». Certains candidats préfèrent s’abriter derrière McFly et Carlito plutôt que de parler de programme et avant cela de bilan. Ou alors ce qui fait le buzz, décuplé avec le phénomène réseaux sociaux réside plus dans les petites phrases et la forme que le fond. Ceci est fort regrettable alors qu’il est vital de s’intéresser plus à la prochaine génération qu’à sa propre réélection.

Le rôle du cinquième pouvoir dans les élections

En 2008 aux États-Unis avec et grâce à Internet, un président sorti de presque nulle part était élu, Barack Obama. Issu de la diversité, il avait pu déjouer les pronostics et tout d’abord s’imposer au sein des Démocrates. Sa campagne reste un cas d’école comme expliqué dans l’article Obamarketing de Charles Bwele.

La question est de connaître l’impact d’Internet, le cinquième pouvoir sur les élections. Force est néanmoins de constater que les médias, le quatrième pouvoir, donnent plus la parole à certains candidats que d’autres, certains étant même curieusement boycottés depuis l’annonce de leur candidature. Il existe le pouvoir de révéler des affaires discréditant un candidat. On l’avait vu en 2017 avec le scandale dévoilé par Le Canard enchaîné pour le candidat Fillon – c’était déjà le cas en 1974 avec un autre scandale affectant Jean-Jacques Chaban-Delmas*. Dans le même temps les médias peuvent porter au pinacle un candidat. Ce fut le cas d’Emmanuel Macron qui faisait la Une de tous les hebdomadaires en 2017.

[*Le paradoxe de Condorcet aurait été vérifié en 1974 : Mitterrand aurait battu JJ Chaban-Delmas lequel aurait gagné face à VGE et finalement VGE l’a emporté face à Mitterrand]

On pourrait penser que les réseaux sociaux permettent à des challengers d’avoir un avantage mais les plateformes du fait de leurs algorithmes privilégient des contenus clivants, ce qui laisse moins de place à des discours plus apaisés et consensuels. En outre, la modération n’est pas toujours faite avec discernement qu’elle soit algorithmique ou humaine. Et le fait d’avoir raison trop tôt n’aide pas, par exemple la fuite du virus de la Covid du laboratoire de Wuhan était jugée début 2020 comme complotiste alors qu’aujourd’hui il s’agit d’une hypothèse viable parmi d’autres.

Les candidats passés au crible d’Internet

Des candidats se sont déclarés depuis plusieurs mois, d’autres plus récemment, le président pas encore. La situation à date est analysée par ordre décroissant des parrainages obtenus et indépendamment de toute considération de sondage ou partisane. Elle repose sur les données des réseaux sociaux en partant notamment de Twitter. Ainsi les réseaux sociaux mentionnés sont ceux qui figurent depuis la page officielle des candidats figurant sur leur compte Twitter et dans l’ordre d’apparition. Ces éléments sont assez instructifs quant à leur communication. On pourra se référer à la page du Conseil Constitutionnel qui se charge de la validation des parrainages et à celle de Wikipédia qui permet d’avoir la vision dynamique des parrainages.

A noter que le nombre d’abonnés sur Twitter ne préjuge pas de la dynamique existante dans la publication des tweets (commentaires, J’aime, retweets) et des porosités avec d’autres contenus sur Internet et sur les médias traditionnels.

Des informations sont étonnantes. Par exemple dans le clan des « 1 parrainage » on retrouve l’ancien président François Hollande et le candidat à la primaire LR Michel Barnier qui ne sont pas candidats alors que Florian Philippot malgré ses 330 k d’abonnés sur Twitter et très actif contre le Pass Sanitaire réalise le même score et vient de jeter l’éponge. Des pressions sont, d’après le terrain, exercées pour dissuader tout parrainage supposé nuisible.

Nom Nombre de parrainages au 17/02 Site Web Réseaux sociaux

(Twitter et lien vers les réseaux depuis le site)

Valérie Pécresse 1 945 www.valeriepecresse.fr @vpecresse 431,8 K

Facebook, YouTube, Instagram, LinkedIn, TikTok, Telegram

Emmanuel Macron 1 345 www.avecvous.fr (et elysee.fr) @emmanuelmacron 7,6 M

Facebook, Instagram + App sur Google Play et App Store

Anne Hidalgo 1 073 www.2022avechidalgo.fr @anne_hidalgo 1,5 M

Facebook, Instagram

Nathalie Arthaud 529 www.nathalie-arthaud.info @n_arthaud 25 K

Facebook, Instagram, YouTube

Fabien Roussel 529 www.fabienroussel2022.fr @Fabien_Roussel 63,6 K

Facebook, Instagram, TikTok

Jean Lassalle 503 www.resistons-france.fr @jeanlassalle 68,9 K

Facebook, Instagram

Yannick Jadot 490 www.jadot2022.fr @yjadot 95,7 K

Facebook, Instagram, YouTube, Twitch, TikTok, LinkedIn

Nicolas Dupont-Aignan 379 2022nda.fr @dupontaignan 297,1 K

Facebook, YouTube, Instagram

Jean-Luc Mélenchon 370 melenchon.fr @JLMelenchon 2,3 M

Facebook, TikTok, LinkedIn, YouTube, Instagram, Telegram, Twitch

Marine Le Pen 366 mlafrance.fr @MLP_officiel 2,6 M

Facebook, Instagram, Telegram, YouTube, TikTok

Éric Zemmour 291 www.zemmour2022.fr @ZemmourEric 365,3 K

Facebook, TikTok, Instagram, Pinterest, LinkedIn, Gettr, Telegram, Dailymotion, YouTube

François Asselineau 217 www.upr.fr @UPR_Asselineau 125,7 K

Facebook, Google+ (qui n’existe plus !), Tumblr, YouTube + podcasts

Philippe Poutou 199 www.poutou2022.org @PhilippePoutou 212,8 K

Facebook, YouTube, Vimeo, Instagram + podcasts

Anasse Kazib 122 www.anassekazib2022.fr @AnasseKazib 65 K

Facebook, Instagram, lien vers site revolutionpermanente.fr

Christiane Taubira 86 www.avectaubira.fr @ChTaubira 832,7 K

Facebook, Instagram, YouTube, TikTok

Hélène Thouy 74 https://helenethouy2022.fr @HeleneThouy 10,5 K

Facebook, Instagram

Georges Kuzmanovic 38 www.republique-souveraine.fr @Vukuzman 19,3 K

YouTube, Facebook, TikTok, LinkedIn, Instagram

Gaspard Koenig 31 www.gaspardkoenig.com @MouvementSimple 4,5 K

LinkedIn, YouTube, Facebook, Instagram

Clara Egger 16 https://claramarieegger.wordpress.com/

(site en néerlandais)

@ClaraEgger1 1,1 K

Facebook

Nicolas Miguet 12 www.contribuablesfrancais.org @NicolasMiguet 8,4 K

Facebook

Antoine Martinez 9 www.general-martinez-2022.fr @antoine27955080 9,3 K

YouTube, Facebook

Arnaud Chiche 8 levraisegurdelasante.fr @ChicheArnaud 2,8 K
Rafik Smati 7 www.rafiksmati.fr (et www.objectif-france.org) @RafikSmati 44 K

Telegram, Facebook, Instagram, YouTube, LinkedIn

Les candidats à la présidentielle 2022. Situation des parrainages au 17 février

Sur ces 23 candidats, 4 dépassent le million d’abonnés sur Twitter (Macron, Hidalgo, Le Pen, Mélenchon). Suivent Taubira qui s’était présentée en 2002, Pécresse et Zemmour qui livrent leur première campagne. Être abonné à un compte ne signifie pas forcément adhérer aux idées mais le suivre, pour être informé par exemple dans le cadre de la veille sur l’actualité ou la politique.

Sont présents via une redirection depuis leur site sur Facebook (22), Instagram (18), YouTube (14), TikTok (8), LinkedIn (7), Telegram (5), Twitch (2), via des podcasts (2), Vimeo (1), Tumblr (1).

Emmanuel Macron avec AvecVous a investi les App sur smartphone ce qui nécessite un plus gros budget mais est qui important pour toucher massivement les Français, les plus jeunes en particulier. C’est une bonne initiative de ciblage même si elle est coûteuse.

François Asselineau n’a pas mis à jour son site côté réseaux sociaux comme s’il faisait du copier-coller de sa campagne précédente.

Eric Zemmour est présent sur la plateforme française Dailymotion, Pinterest et le réseau alternatif des Républicains américains trumpistes, Gettr !

Tous ont une page sur Wikipédia sauf Arnaud Chiche.

Tous les candidats ont des comptes Twitter certifiés tous sauf Hélène Thouy pour le parti animaliste, le philosophe Gaspard Koenig qui n’a pas de compte en propre et fait plus amateur même si son site de campagne est meilleur, Clara Egger qui n’a pour unique cheval de bataille le RIC même si elle n’en a pas le monopole, Nicolas Miguet pour la baisse des impôts, Antoine Martinez d’extrême-droite, Arnaud Chiche pour le Ségur de la santé.

10 sites ont « 2022 » dans leur nom de domaine, 3 comprennent le « Avec » (Macron, Hidalgo, Taubira) et un site comporte même WordPress dans son nom.

Ainsi satisfont les critères numériques pour être parrainés (17 candidats) et si on exclut les 6 qui sont déjà qualifiés (Valérie Pécresse, Emmanuel Macron, Anne Hidalgo, Nathalie Arthaud, Fabien Roussel, Jean Lassalle), il en reste 11 pour du parrainage utile et pour le pluralisme démocratique : Yannick Jadot, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Éric Zemmour, François Asselineau, Philippe Poutou, Anasse Kazib, Christiane Taubira, Georges Kuzmanovic et Rafik Smati.

Observons que nous avons dans l’histoire de la Ve République un premier candidat entrepreneur issu du monde numérique en la personne de Rafik Smati. J’avais eu l’occasion de l’interviewer en 2009 et il apporte une hauteur de vue rare sur les thèmes d’avenir et sur des questions comme la souveraineté numérique (mais pas que, son programme étant complet et chiffré) comme en étant le premier candidat interviewé sur cette question par le réseau social Made in France Smartrezo. Son directeur de campagne le général Soubelet, interrogé, a indiqué utiliser d’autres outils Made in France comme Whaller.

A noter que plusieurs candidats ont leur site hébergé via OVH, Gandi. On peut réaliser l’exercice avec des outils comme https://whois.domaintools.com/ pour vérification.

Internet, démocratie et parrainages

A date, 20 % des élus ont parrainé des candidats. Plus de 70 % des élus en situation de parrainage (maires, maires adjoints de grandes villes, conseillers départementaux et régionaux, députés et sénateurs, etc.) sur les 45 000 ne devraient parrainer aucun candidat pour des raisons diverses (pressions subies, peur de parrainer un candidat qui déplaise à leurs électeurs car clivant, etc.) alors que les prochaines élections municipales se dérouleront en 2026 soit dans plus de 4 ans. Il ne faudra pas s’étonner si on a plus de 30 % d’abstention chez les Français électeurs pour une élection majeure comme les législatives et les municipales. Il serait bon d’avoir la symétrie des attentions entre élus et citoyens.

Certains candidats (6) ont déjà leur quota pour dès le 5 mars être sur la ligne de départ dont les favoris Macron et Pécresse qui auront besoin de réserves de voix d’autres candidats. Élus, pourquoi ne pas parrainer dès maintenant des candidats dont le programme est intéressant et en quête de parrainages ? En reprenant les 11 candidats restant, il suffirait d’enlever les candidats extrêmes, de ne retenir que ceux qui ont un programme solide et qui s’adresse à tous les Français et non de division surfant sur l’Archipel français décrit dans le livre de Jérôme Fourquet.

Pourquoi ne pas voter enfin POUR un candidat et un programme et non CONTRE un candidat car jugé mauvais, dangereux ou les deux à la fois ? Et si le « dégagisme » dégageait, si on était dans l’adhésion plus que la sanction ?

Idées pour l’avenir

Déjà en 2010, Alban Martin publiait l’essai Egocratie et démocratie et livrait quelques pistes intéressantes pour une démocratie rénovée.

En allant plus loin, pourquoi ne pas faire évoluer la méthode des parrainages. J’en parlais déjà voici 10 ans avec une proposition avec la e-démocratie ou sinon un système de double parrainage. Ou alors un système où seuls les 15 ou 20 premiers candidats en nombre de parrainages seraient qualifiés pour la ligne de départ. Ceci aurait pour effet de stimuler le fait de parrainer jusqu’au dernier moment à l’image du classement des championnats de Ligue 1 ou du Top 14 ou si on n’engrange pas de points au fil des matchs, on recule et on peut atteindre la zone reléguable de descente en division inférieure. On pourrait imaginer de rendre le parrainage obligatoire avec aussi possibilité du parrainage blanc. Car « qui oblige s’oblige » et une vraie République exemplaire reposerait aussi sur la nécessité que les élus prennent leur responsabilité et parrainent en élus responsables et éclairés en ayant connaissance de l’ensemble des programmes.

D’autres questions peuvent être posées : quel(s) parti(s) reconnai(ssen)t le RIC, le vote blanc et si ce dernier est majoritaire, les élections sont-elles annulées, quel(s) parti(s) sont favorables à des scrutins proportionnelles en partie pour les législatives ? Enfin quels partis proposent des innovations pour réconcilier les Français avec la politique, avec une vision pour notre pays et pour les Français car depuis le premier choc pétrolier (1974), la France a reculé sur la scène internationale et les Français ont été trahis. Il en va de la concorde nationale avec un seul objectif, les Français, leur niveau de vie, la cohésion et pourquoi pas le bonheur. C’est peut-être trop demander mais il en va de l’avenir de la France et des générations futures.

4 Commentaires

Passer au formulaire de commentaire

    • Rone sur 9 avril 2022 à 13 h 48 min
    • Répondre

    Salut David, c’était en quelle année et pour quelle élection que tu avais dit à quelqu’un (Fabien B?), (avec mon vote) « je vais annuler ton vote! » 🙂

  1. Comme informaticien, je me souviens aussi d’avoir penser a la e-démocratie qui nous rapproche de la démocratie directe mais sans une éducation et une information de bonne qualité, la masse serait escroquait comme avec la pandémie de covid19. Ça serait démocratique mais la majorité prendrait les mauvais choix car massivement désinformé.

  2. Brillante analyse et assez détaillée.
    Le seul bémol que j’apporterai c’est sur les étiquettes « candidats extrêmes » attribué aux mauvaises personnes.
    Vu comment Macron a traité les gilets jaunes, les manifestants du convoi de la liberté et la covid19 ne devrait il pas en faire partie et ceux qui sont qualifié d’extrême comme Floriant Filippot qui défend les libertés individuelles en sortir ?
    Embrouiller les étiquettes et le sens des mots et vous embrouillez la réflexion.

    • Haykal sur 20 février 2022 à 18 h 01 min
    • Répondre

    Super article, vraiment très intéressant!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Captcha *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.