L’économie numérique a redistribué les cartes. Dans cette nouvelle économie, le coût marginal tend vers zéro. En effet, lorsque, par exemple, un logiciel a été conçu, une fois celui-ci rentabilisé au bout de x ventes, le fait de le vendre à une personne de plus est quasiment de la marge pure. De même pour un outil immatériel utilisé par n utilisateurs.
Avec des rendements croissants au fur et à mesure que la masse critique croît, il convient d’être leader sur un marché naissant et de le rester. Ceci implique pour l’entreprise numérique de croître très rapidement, d’étouffer toute concurrence en étant pionner sur le marché. Puis ensuite de monétiser l’audience. Ce n’est pas un problème – du moins aux Etats-Unis – si les premiers bénéfices ne sont engrangés qu’au bout de quelques années. En revanche en France, les banques ne peuvent accorder de prêt car répondant à une logique du monde pré-numérique, ce qui fait que le développement d’une start-up passe nécessairement par la levée de fonds liée à la promesse d’un business plan alléchant avec une part de risque et le non-déterminisme de la réussite. Ainsi, il a fallu 7 ans à Amazon pour annoncer ses premiers bénéfices, 6 à Facebook. Le cash généré avec les profits des acteurs oligopolistiques du numérique est réinvesti en rachats stratégiques de start-up ou d’entreprises numériques déjà en phase très avancée, parfois à prix d’or (ce fut le cas pour, par exemple, YouTube et Waze par Google, Instagram et WhatsApp par Facebook). Pour les réseaux sociaux, la masse critique est encore plus intéressante car, pour faire simple, l’intérêt d’un réseau ne croît pas linéairement en fonction de ses membres, mais plutôt en n x log (n) – le carré du nombre de ses membres en théorie si tout le monde était connecté à tous les autres membres du réseau. Et pour rester au sommet, des actions d’influence et de lobbying sont menées. Ainsi des oligopoles se sont créés tels les GAFAM.
Dans ce monde numérique où les effets de réseau sont importants, la plateforme effectue le lien entre les données et la multitude qui les produisent. Il s’agit pour une application phare de devenir plateforme et grâce à une ouverture vers l’extérieur rendue possible via des APIs (interface de programmation d’application), de capter l’ intelligence apportée par les internautes qui vont développer des services autour et augmenter l’intérêt et, de fait, la valeur de la plateforme. Les APIs permettent à un produit ou service d’interagir avec d’autres produits ou services sans se soucier des détails de leur mise en œuvre. Le développement d’applications est ainsi facilité.
La plateforme permet avec un modèle ouvert l’échange de façon dématérialisée entre des offreurs et des demandeurs de services. On peut ainsi avoir des clients, partenaires, fournisseurs mais aussi diverses communautés qui interagissent. La plateforme s’oppose à l’organisation traditionnelle cloisonnée en silos. Ses facteurs de succès sont l’expérience client la plus aboutie et évolutive possible.
Enfin, une plateforme exploite les caractéristiques d’un marché biface dans lequel se retrouvent deux clientèles différentes mais interdépendantes l’une de l’autre pour les produits et services échangés : des services différents pour deux faces (ou côtés) du marché avec chacun des côtés qui propose un prix qui lui est propre. Par exemple, un contenu vendu aux internautes qui s’y rendent et des espaces publicitaires aux annonceurs. Les plateformes peuvent fixer le prix demandé à chaque côté du marché.
La plateformisation est le fait pour une entreprise de développer une application qui devient une plateforme pour agir en tant qu’intermédiaire entre acteurs sur Internet en proposant des produits et des services dans un ou des secteurs d’activité souvent novateurs. Le tout est réalisé en centralisant et exploitant des données et en proposant des API ouvertes pour exploiter l’intelligence de la multitude via un écosystème de partenaires et de clients. Une entreprise pour continuer à exister doit opérer sa transformation digitale et cela peut passer sa plateformisation comme le supermarché Walmart qui a lancé sa place de marché face à l’ogre Amazon.
La déplateformisation est le fait pour un internaute de ne plus être présent sur une plateforme.
Cette action peut être volontaire ou non.
La déplateformisation est volontaire si on se désinscrit de la plateforme (par exemple suppression d’un compte sur Facebook ou Amazon) en optant ou non pour une solution alternative moins centralisatrice des données, par exemple. Lorsque les CGU d’une plateforme évoluent dans un sens défavorable à l’utilisateur, l’internaute peut décider de lui-même de la quitter, par exemple WhatsApp récemment dans l’écosystème Facebook. L’ouverture d’un compte via une solution alternative peut être effectuée mais les fonctionnalités et les services possibles de celle-ci peuvent être plus limités car pourvue de moins d’utilisateurs. Dans le cas de la déplateformisation de WhatsApp, cela peut être pour l’ouverture d’un compte sur Telegram, Signal ou Olvid. Du reste en janvier, le trio des App les plus téléchargées sur smartphone ont été 1. Telegram 2. TikTok 3. Signal bénéficiant de cette affaire de l’évolution léonine des CGU de WhatsWapp.
La déplateformisation est involontaire si le compte de l’utilisateur est suspendu ou banni. Ce fut le cas notamment en janvier de Trump sur plusieurs plateformes en commençant par Twitter. Cette déplateformisation involontaire, car subie et non choisie par l’utilisateur, peut être faite par un humain ou par un algorithme.
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