1. Quels sont les facteurs de succès de l’Estonie en matière d’e-administration au-delà de la technologie X-Road d’interconnexion des systèmes qui traitent des données étatiques ? Est-ce transposable en France avec la CNIL qui milite pour la non-interconnexion des fichiers administratifs et la RGPD ?
Les facteurs de succès de l’Estonie en tant que nation digitale tiennent en trois faits principaux :
1. Pas le choix : En 1991, l’Estonie sort du bloc soviétique en état de quasi faillite. Nécessité faisant loi, pas d’autre alternative d’unir ses forces et son intelligence. La période incubatrice dure 4 à 5 ans, avant de décoller. Les Estoniens découvrent en même temps l’intelligence collective, l’agilité, le libéralisme économique et la liberté. Les leaders estoniens font le pari de miser directement sur le coup d’après, en adoptant une stratégie numérique ambitieuse. Un pari gagnant économiquement qui hisse l’Estonie au niveau de ses voisins. En 1997, elle se dote d’une e-gouvernance, en 2002, d’une carte d’identité digitale, en 2005, les estoniens votent sur Internet là où ils sont, n’importe où dans le monde. En 2017, elle est la nation digitale de référence mondiale selon le magazine américain Wired.
2. Des compétences : L’Estonie fut pendant la période soviétique le centre de recherche cybernétique de l’URSS, disposant d’industries de pointe. La société Cybernetica est née dans les années 1960 en tant qu’Institut de cybernétique de l’Académie des sciences d’Estonie, puis fut privatisée, dans les années 1990. Cybernetica est la société à l’origine de l’édition de la X-Road estonienne.
3. Plus jamais ça : Inventer le paradigme d’une e-démocratie, ne se fait pas avec une expérience de 200 années de démocratie sans « e », mais dans la douleur, et les persécutions d’une histoire cahoteuse. L’Estonie a deux jours d’indépendance, a connu l’occupation et l’horreur de l’holocauste en 1941, Le pays fut le premier à être déclaré “Judenrein”, c’est-à-dire “vide de Juifs”. On peut considérer que l’histoire retiendra l’e-vote estonien en x-road de 2005 comme la première manifestation de l’e-démocratie européenne, fruit profondément humain du « plus jamais ça ».
Quelles leçons en tirer pour la France et l’Europe ?
1. Quand on veut, on peut ! Faut-il attendre le chaos pour bouger ?
2. 1+1 = 3. C’est l’effet multiplicateur réussi du travail collaboratif entre un exécutif fort et la partie civile,
3. La e-démocratie rend la démocratie meilleure, car plus simple à appliquer, plus « liquide »…
Il faut admettre qu’il ne peut y avoir d’e-administration sans technologique numérique permettant une communication digne de confiance, entre citoyen et administration. Ce socle technologie en Estonie s’appelle X-TEE (X-Road), composé de 4 briques obligatoires et fondamentales :
1. Une identité digitale unique à forte valeur probante, multi-supports,
2. des protocoles de communication pour échanger, dynamique et assurant la confidentialité
3. Un journal citoyen privé en chaîne de confiance [Traduction de French-Road pour le concept de blockchain]
4. Des interfaces nommées serveur de sécurité qui implémentent la loi d’échange des données, entre une multitude d’acteurs qui consomment et/ou produisent des données personnelles « GDPR by design » [en français RGPD].
Le but de X-Road n’est pas de traiter des « données étatiques » dont on ne sait pas bien ce que cette notion recouvre, mais de gérer des échanges de données les plus sensibles qui soient, en rapport avec les personnes. C’est pourquoi le RGPD revêt une importance capitale avec French-Road, car les entreprises et les administrations n’ont plus à le subir des prescriptions inapplicables, verbeuses et couteuses, mais plutôt d’en retourner la force en leur faveur, à la façon d’un Aïkidoka, la rendant transparente.
La CNIL émet des prescriptions importantes, non pas pour embêter les gens, mais pour les protéger. Mais ses recommandations sont difficilement applicables dans le jurassique numérique actuel, hérité de ce qui semble encore être une valeur d’exemple : la centralisation et l’opacité des systèmes que les GAFAM, NATU et autres BATX mettent en œuvre pour dominer le monde. Plus qu’une domination, il est avéré désormais qu’ils agissent en prédateur et inhibent l’innovation. Il est bien inutile de pousser des cris d’orfraie en critiquant les GAFA. Si nous avions été à leur place, nous aurions probablement agi de la même façon. En revanche, forte de son histoire, il appartient à l’Europe de se défendre avec la même intelligence et de faire passer le monde à l’étape suivante : la e-démocratie est née en Europe, et doit grandir rapidement pour sonner le glas des vieilles pratiques, prédatrices des données de notre pudeur digitale.
Vu que la CNIL a raison dans un tel contexte qui semble indépassable, de militer pour la non-interconnexion des données. French-Road propose une vision progressiste pour sortir de la notion de doctrine qui bloque l’évolution. Nous proposons d’entériner les préconisations de la CNIL en intégrant l’identité comme racine et clé privée dans la puce, et d’y accoler toutes les clés sectorielles nécessaires et construites avec le même algorithme UUID. Nous affirmons que la technologie French-Road satisfait pleinement aux contraintes du RGPD, alors que les échanges d’aujourd’hui ne le permettent pas de façon économique et simple pour l’entrepreneur, à qui il appartient de se conformer à la doctrine. Nous disons que c’est à l’administration de fournir un environnement protecteur, GDPR by design, clé en main, au plein service des héros créateurs de valeurs : les personnes.
2. Le qualificatif de start-up nation emprunté à Israël n’est-il pas anxiogène dans un contexte de revendications légitimes des gilets jaunes à savoir qui dit start-up dit travailler 60 heures par semaine pour son bébé, souvent ne pas se verser de salaire pendant plusieurs mois et en ayant des incertitudes quant à la réussite de son projet, ne pas pouvoir présenter des feuilles de paie pour se trouver un logement, etc. ? Et quels sont les atouts de la France pour réussir dans le numérique ?
Depuis 1 an que French-Road existe, nous n’avons jamais utilisé de termes « marketing » aussi impropres qu’inutiles pour faire valoir les qualités d’une nation digitale. Nous avons inventé le terme « Digital sociétal » ou digital est un substantif anglo-saxon, utilisé pour rimer avec son adjectif « sociétal ». L’expérience manuelle de la démocratie depuis 200 ans en France, valait bien cette expression qui mêle le manuel au numérique, en gardant toujours à l’esprit que l’Homme est au centre de tout. Il touche le numérique du doigt…
Nous avons émis l’idée que chaque pays devrait en faire autant pour pouvoir simplement répondre au standard eIDAS et RGPD, assurer une interconnexion des échanges simples, à travers les frontières comme le font déjà l’Estonie et la Finlande.
D’abord nous ne partageons pas les éléments de langage qui consistent à mettre le terme « start-up » et aussi « blockchain » à toutes les sauces, pour profiter d’une mode dans le domaine de l’innovation. Nous parlons de création de valeur, de nation et de bien-être. Donc des notions bien éloignées des dystopies anxiogènes qui s’étalent ça et là alimentant un certain immobilisme.
Ensuite un État et son administration ne sont pas une « start-up », le terme utilisé en Israël, est sans doute bien trouvé pour un petit état « neuf » au regard de l’histoire, mais je le trouve impropre, voire très en deçà de ce que l’on exige pour notre pays. Fruit d’un passé riche, glorieux qui ne devrait pas avoir d’autre ambition que d’éclairer l’avenir. L’avenir de la France n’est pas d’être une « start-up ».
French-Road promeut un état digital non exclusivement dédié à l’entreprise ou aux serviteurs de l’État, mais aussi et avant tout, au service du « citoyen », dans l’exhaustivité de ce qu’il est : Un humain, un parent, un patient de santé, un professionnel, un contribuable, un enseignant, un apprenant, un propriétaire ou un locataire, qui voyage, qui conduit, qui veut être assuré, qui produit qui consomme, et qui prend du plaisir en toute chose. Optimiser sa satisfaction remonte à la théorie économique du consommateur et de son intérêt psychologique à satisfaire tous ses besoins. En French-Road, le consommateur consomme en donnant du « sens » à ses actes.
À tous les niveaux une nation digitale doit garantir le respect et la confidentialité dans l’espace digital croissant de nos existences. Ne pas devenir une nation digitale, nous expose en termes de souveraineté numérique, et l’accroissement exponentiel des données et des échanges, sans solution simple pour les véhiculer, fera du rêve initial, un cauchemar pour tous.
Les atouts de la France pour réussir sa transformation digitale sont ceux que nous connaissons déjà, (infrastructure, éducation, géographie, douceur de vivre, …) mais auquel il manque un catalyseur. La maturité digitale et la confiance envers son élite.
Pour réussir une telle transformation pas si difficile, en fait, il faudrait d’abord bien comprendre le problème posé ci-dessus, et accroitre la maturité « digitale » pour trouver les solutions. La France est un pays riche, ce qui n’est pas un gage de succès. En revanche la France est en train de se réveiller de ses constats d’échec criant dans le domaine de la santé, de la création d’emploi, mais surtout de sa dépendance aux technologies américaines, coréennes et bientôt chinoises qui font de toute l’Europe, un nain numérique.
Le seul atout de la France est sa capacité de mobilisation en mode « pompier », ce qui a aussi ses limites.
3. Enfin pourriez-vous présenter l’association French-Road et les projets menés depuis sa jeune création et la feuille de route pour 2019 ?
French-Road est une association à but non lucratif créée en janvier 2018. Sa première mission est d’éclairer les citoyens les entreprises et surtout les administrations, sur l’état du numérique français, en rupture avec la petite chanson qui nous berce et qui nous dit que tout va bien en France, premier hub du monde, Station F, French Tech, … relayée par les médias et même les Grandes Écoles. La réalité est moins douce. Nous avons pris 10 ans de retard sur les Américains (les plus gros), 20 ans de retard sur les Estoniens (les plus petits), et 5 ans de retard sur les Chinois (les plus jeunes).
Voici les actions menées par French-Road depuis sa création :
– 2018-02-12 – Présentation SAP
– 2018-02-19 – Mission Estonie 2018
– 2018-03-02 – Présentation Forum IA Caen 2018
– 2018-03-26 – Présentation devoxx
– 2018-03-26 – Présentation Disrupt Night
– 2018-03-31 – Réponse au MI RFI
– 2018-04 – Présentation club urba
– 2018-04 – Présentation Take care show 2018
– 2018-04-10 – Présentation ieseg
– 2018-05-07 – Dossier Inclusivité par les adhérents
– 2018-05-31 – Présentation à Monaco
– 2018-06-18 – Présentation CIMSA (Cotonou bénin)
– 2018-06-28 – Aquitaine
– 2018-09-12 – Rencontre du cabinet Darmanin
– 2018-09-16 – Dossier études sur Blockchain
– 2018-11-26 – Rapport d’étape 2018
– 2018-11-12 – Rencontre de Siim SIKKUT govtech2018
– 2018-11-21 – Revue de Presse RTL
Plusieurs interviews dans les médias
– 2019-01-11 – Cocktail anniversaire de French-rRad avec Alain Bensoussan et Jean-Marc Jancovici
– 2019-03-06 – Participation de French-Road au grand débat
– 2019-03-12 – Publication vidéo French-Road
– 2019-04-06 – Présentation Take care show 2019
Dans les cartons :
– Edition en librairie d’un fascicule French-Road au format « plan comptable »
– Edition du mobile-ID French-Road nom de code « FRIDAPP »
– Interview des candidats aux élections européennes sur leur axe numérique
Les travaux dans le laboratoire technologique sont :
– Veille technologique sur x-Road, élaboration du concept French-Road
– Veuille technologique sur chaine de confiance et intelligence augmentée
– Développement de PoC et de briques d’intégration véhiculant l’identité unique à forte valeur probante
– French-Road, autorité de certification
– Développement en cours : L’application FRIDAPP (French-Road ID Appliquette) sur Smartphone : C’est la carte d’identité citoyenne sur mobile.
Tout ce travail n’existe que par la passion et l’engagement des adhérents, des administrateurs, et de moi-même, dans le seul but d’élaborer l’étape suivante. La faisabilité certaine d’un socle technologique en French-Road.
Pendant 1 an, nous avons misé sur la possibilité que l’Etat et les collectivités locales pourraient être parties prenante d’une vision large, altruiste, et parfaitement éligible à la notion d’intérêt général. L’actualité révèle un gouvernement frigorifié par les mouvements sociaux, et sans appétence pour le fait digital, pourtant porteur d’une vraie réponse économique et politique. Du bout des lèvres le fait digital est pris par le petit bout de la lorgnette technique. French-Road élève et provoque le débat depuis un an, avec une nouvelle grammaire du bien commun.
11 avril 2019
Emmanuel Pesenti, est président-fondateur de French-Road. Il est premier spécialiste français de l’architecture sociétale X-Road et par ailleurs inventeur de la solution DiliegenSE (Système expert octroi cetelem).
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