Un cadre controversé mais une nécessaire modernisation
Pour faire passer, la loi El Khomri qui modifie le Code du travail le Gouvernement a eu recours à l’article 49-3 de notre Constitution qui engage la responsabilité celui-ci. Il s’en est fallu de 2 voix pour le dépôt de la motion de censure de la gauche. Une seconde par la droite et le centre va être examinée.
Cette loi est très controversée notamment pour le licenciement économique (pour les PME par exemple sans tenir compte de la saisonnalité) qui peut être abusif (on pourrait imaginer un profit warning de la Bourse car une entreprise ne réalise pas assez de bénéfices) et d’autres points (suppression de la visite médicale d’embauche, heures supplémentaires moins bien rémunérées, etc.).
On peut regretter que comme dans beaucoup de projets de loi, ce soit un peu fourre-tout avec des bonnes et des mauvaises choses à différents niveaux qui sont mélangées, histoire de noyer certains points subrepticement dans un projet global.
[source : www.tpsgc-pwgsc.gc.ca/biens-property/amng-ftp/index-fra.html]
Les sources de la loi Travail s’agissant de la transformation numérique des entreprises
En ce qui concerne la partie évolution du travail avec le numérique qui est un point dans mon champ de compétences premier, le projet de loi qui a beaucoup évolué depuis l’origine puise plusieurs idées dans le rapport Transformation numérique et vie au travail remis par Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange, chargé des ressources humaines à la ministre en septembre 2015.
Celui-ci esquisse les enjeux de la transformation digitale en 3 points : cadre de travail, qualité de vie au travail, fonction managériale. Et dresse 36 propositions pour réussir la transformation numérique en entreprise : développer l’éducation au numérique avec la formation continuée, passerelles entre les métiers, cadre juridique et fiscal (comme l’investissement des entreprises dans les start-up, la suppression des avantages en nature pour les outils numériques, nouvelles formes de travail), transformation numérique au service de la qualité de vie au travail, co-construction et co-innovation.
On peut souligner, quand on s’intéresse à la liste des personnes consultées, que ce rapport a sondé beaucoup (trop) de partenaires sociaux. Or la France est le pays qui a le plus faible taux de syndicalisation en Europe. Et dans le cadre de l’entreprise 2.0, des salariés clés peuvent être intéressants à consulter pour avoir leur vision. Une enquête à plus grande échelle à majorité quantitative aurait peut-être utile pour avoir un éclairage moins dogmatique.
Les points de la loi Travail en lien avec la transformation digitale
Concrètement, on peut dans les mesures proposées par la loi travail souligner :
- La généralisation du bulletin de paie dématérialisé. Ceci permettra une optimisation des coûts tout en donnant une image de modernité de l’entreprise (selon Docapost, le taux de bulletins dématérialisés n’est que de 15 % France contre 73 % au Royaume-Uni et 95 % en Allemagne). La transition pourra également s’effectuer en douceur avec une cohabitation entre bulletins papier et dématérialisés.
- Le droit à la déconnexion où un consensus existe. La surcharge d’information et les sollicitations multiples qui peuvent en outre se télescoper (téléphone, réunion physique avec également des interruptions par des collègues, mél, SMS, réseaux sociaux) rend nécessaire le droit à la déconnexion car elle est génératrice de stress pouvant aller jusqu’au burn out. Il est donc important de réinventer des frontières vie personnelle / vie professionnelle par rapport à des frontières jadis marquées (les fameux 3 x 8 ou le slogan « boulot, métro, dodo ») qui ont disparues du fait des usages mixtes des smartphones, PC et plus généralement de tout équipement numérique.
Le droit à la déconnexion sera plus facile à mettre en œuvre dans les grosses structures que dans les start-up ou TPE. Ainsi, l’article 25 du projet de loi dispose que les modalités du droit à la déconnexion font partie des sujets abordés lors de la négociation annuelle dans les entreprises sur la qualité de vie au travail, afin « d’assurer le respect des temps de repos et de congés ». Mais sans sanction, il s’agit d’un cadre qui est fixé (par exemple plage de non-envoi de méls – on peut avoir des exceptions, un commercial devant urgemment envoyer une réponse pour ne pas perdre un client). Et si un accès à la messagerie d’entreprise ou un outil est bloqué, un matériel ou un logiciel personnel pourra toujours être utilisé à des fins professionnelles. Il faudrait sans doute aller plus loin avec la géolocalisation, l’horodatage car nous avons deux autres droits qui ne sont pas évoqués, le droit à l’oubli et le droit au silence des puces.
2 Commentaires
.La prévention des risques professionnels des technologies de l’information et de la communication doit etre mise en oeuvre et cette loi a le mérite d’avancer dans ce domaine : http://www.officiel-prevention.com/formation/fiches-metier/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=206&dossid=483
Le problème avec l’évolution de la technologie de nos jours c’est que la personne humaine n’est plus utile comme avant. Ce sont les machines qui nous remplacent et qui font notre boulot à notre place en même temps que plusieurs autres tâches. J’appréhende carrément cette évolution numérique, bientôt, le taux de chômage montera en flèche.