3 questions à … Thibaut Munier

Interview de Thibaut Munier, 1000mercis

1. Pourriez-vous présenter le Groupe 1000mercis, agence de publicité et de marketing interactifs et les étapes de son développement ? Comment appréhendez-vous le développement du RTB (real time bidding) notamment depuis le rachat de Matiro ?

1000mercis est une entreprise qui a aujourd’hui 13 ans, spécialisée dans le CRM digital et qui aide des marques et des entreprises à collecter des données, à les analyser et à les exploiter efficacement sur les canaux digitaux. Ces canaux de contact sont aujourd’hui au nombre de 4 : 1. le mél, 2. le mobile (SMS, push notification…), 3. les réseaux sociaux (via Facebook Custom Audience ou Facebook Exchange), 4. le display (lu par nous sous l’angle CRM display – c’est-à-dire la capacité à parler à des individus de façon individualisée grâce au RTB). Nous aidons les marques à communiquer plus efficacement sur ces 4 canaux avec les différentes communautés auxquelles elles s’adressent (prospects, clients, usagers, fans, contributeurs, donateurs, visiteurs, ambassadeurs …). Les réseaux sociaux sont un écosystème aujourd’hui accessible depuis plusieurs devices. Et les marques peuvent entretenir avec des clients de nombreuses interactions entre ces canaux. Ces plateformes restent toutefois distinctes entre elles.

Notre métier consiste à arbitrer entre ces 4 canaux en fonction des objectifs, des probabilités de réponse, etc. Peu d’acteurs se définissent aujourd’hui autour du CRM digital.

Les principales étapes de notre développement ont été, en 2000 la création de 1000mercis avec Yseulys Costes. Nous étions tous les deux avant de nous associer, en thèse de doctorat entre marketing (interactivité en marketing) et datamining. L’idée était de faire du datamining sur le web. Nous avons lancé nos activités en 2000 et sommes entrés en Bourse sur Alternext en 2006. Ceci nous a permis de nous développer tout en restant indépendants. En 2008 nous avons racheté Ocito. Nous n’étions pas dans le marketing mobile et il s’agissait d’acquérir une brique complémentaire à la nôtre. En 2009, nous avons ouvert un bureau à Londres. En 2011, nous avons lancé le retargeting par mél, ce qui est une innovation majeure dans le domaine du reciblage par rapport aux bannières publicitaires classiques. En 2012, nous avons ouvert une entité à New York et enfin en 2013 racheté Matiro spécialisé dans la publicité en temps réel (RTB).

Notre stratégie s’appuie d’abord sur la recherche et l’innovation au sens large sur laquelle nous fondons notre compétitivité. Il est fondamental pour nous de coopérer avec des chercheurs, d’avoir des doctorants qui contribuent à rapprocher le monde académique du monde de l’entreprise. Le deuxième axe capital pour nous est le mobile. Ocito, qui a rejoint le groupe en 2008, fait clairement partie des acteurs clés du secteur du marketing mobile en France, le mobile représentant aujourd’hui plus d’un tiers des activités du groupe 1000mercis ! Ceci nous permet de nous développer très vite aujourd’hui sur l’ensemble des métiers du CRM mobile. Le troisième axe est relatif aux réseaux sociaux avec en particulier le social CRM et toutes les innovations en perspective, par exemple l’extraction des données sociales et leur utilisation, notamment dans les algorithmes de recommandation ce qui permet de parler aux internautes d’une nouvelle manière. Le quatrième axe est le RTB avec le rapprochement avec Matiro, 30 personnes travaillent sur le RTB et le Big Data dans le groupe aujourd’hui, ce qui nous donne une taille critique sur le sujet. Enfin le cinquième axe est l’international avec aujourd’hui 15 % du chiffre d’affaires réalisé et donc beaucoup de potentiel.

2. Comment voyez-vous évoluer la publicité avec le développement des réseaux sociaux ? Quelles sont les techniques qui peuvent être préconisées qui ne sont pas intrusives et permettent un bon taux de retour ?

Ce sujet est en effet sensible car les réseaux sociaux sont un lieu de conversation dans lequel l’internaute est plus une personne qu’un consommateur. Quand on est une marque et qu’on choisit d’être présent sur les réseaux sociaux, on accepte qu’il ne s’agit pas d’ouvrir une boutique dans un centre commercial mais de se glisser humblement et de façon discrète dans la maison des gens qui choisissent de partager des conversations, des photos avec leurs amis, etc. Les échanges sont personnels. C’est un lieu qui impose aux marques une extrême vigilance car elles ne sont pas chez elles. Tout écart pourrait être mal perçu et, à ce titre, c’est un lieu très responsabilisant pour la politique relationnelle d’une marque.

Aussi notre approche est pragmatique. Elle consiste en l’accumulation de petites avancées incrémentales avec nos clients, avec des tests, des mesures. Nous distinguons trois niveaux, 1. la collecte de données sociales sur les prospects et clients d’une marque. 2. l’analyse des données sociales extraites avec des algorithmes. Le point clé réside dans la fiabilité des données sociales et savoir enlever le bruit dans les données massives et trouver leur vraie signification. 3. enfin l’exploitation des données. Il est alors possible soit d’injecter ces données dans des modèles ou des études, soit d’utiliser les réseaux sociaux pour déclencher de nouvelles actions. Le community management est moins notre sujet mais son rôle nous parait de plus en plus important pour les entreprises. Notre métier reste la relation client.

En clair, il s’agit de parler sans être intrusif pour les internautes et tout en étant efficace. Facebook propose par exemple de nouveaux modèles publicitaires qui adressent la critique historique faite à l’encontre de Facebook selon laquelle c’était une boîte noire et un écosystème qui se voulait auto suffisant. Or l’identifiant d’un fan d’une page Facebook ne se suffit pas à lui-même, dans la connaissance du client, du prospect, du concurrent ou de l’employé de la marque. D’où l’enjeu clé de demander à Facebook d’ouvrir sa boîte noire avec son Facebook Exchange ou son module « custom audience ». Avec cela, le canal Facebook devient davantage un outil de CRM.

Aujourd’hui, nous disposons de davantage de moyens pour répondre à la connaissance client : quelle est la valeur d’un fan, comment mesurer le sentiment d’intrusion, quel est le RoI de ma présence sur Facebook, quel est le budget acceptable donc rentable pour une présence sur les médias sociaux ? La question du savoir-faire est cruciale et il convient d’apprendre le plus vite possible le relationnel à observer sur les réseaux sociaux ce qui nécessite beaucoup d’apprentissage pour chaque annonceur.

Nous avons refait notre infrastructure pour traiter des volumes de données considérables, tant pour le stockage des données de navigation que pour celles du social (big data). Il s’agit de données souvent nouvelles qui ne sont pas structurées. Avec en back office, une révolution technique pour pouvoir travailler ces données avec des outils comme Hadoop, Python ou MongoDB.

La question de la fidélisation est apparue avec le développement du mél comme canal relationnel. Désormais, le retargeting devient également fondamental. Criteo a montré la voie. Cette situation bien particulière de l’abandon de panier par le consommateur on line est commune à la plupart des sites e-commerce. L’idée d’augmenter la rentabilité du canal display est une approche précieuse qui doit être cohérente. Dans ce domaine, 1000mercis a notamment développé de nombreux algorithmes de recommandation et a également lancé le retargeting par mél en 2011. Nous adressons aujourd’hui ce retargeting sur l’ensemble des 4 canaux relationnels digitaux pour adresser non seulement les visiteurs qui n’achètent pas mais l’ensemble des visiteurs qui effectuent un parcours sur un site. Le traitement marketing diffère entre l’internaute qui n’est jamais venu sur un site et celui qui n’a jamais acheté. Notre modèle nous permet d’aider nos clients à tester et à mesurer pour les aider dans la mise en œuvre d’une stratégie de pilotage de leurs clients et de leurs prospects.

3. Enfin, comment voyez-vous évoluer les techniques marketing sur les mobiles et les tablettes et quelles pourraient être les différences entre ces deux supports ?

Les usages mobile et tablette se développent. Ils ont été multipliés par plus de 3 en un an. La question pour les annonceurs est de savoir comment s’adapter à ces changements d’usage très rapides. Le responsive design, qu’il convient d’adopter le plus rapidement possible, remet en question l’interface. Nous avons des auto-agencements de blocs. On travaille un peu comme sur de la vidéo avec des enchaînements possibles en fonction des destinataires. Des technologies telles HTML 5 sont parfaitement accessibles sur les différents devices, mobiles et tablettes et sont une réalité chez 1000mercis.

On constate le développement de techniques qui permettent d’interagir avec un consommateur, lequel passe très vite du web sur PC à un mobile ou à une tablette. Nous avons des dispositifs accessibles en multi-plateforme. Et nous développons la visibilité de chacun des dispositifs et l’ensemble des technologies qui permettent le passage de la navigation d’un support à un autre. L’objectif est de réconcilier des individus multi-device et l’identifiant numérique d’une personne. Il existe des techniques de tracking associées. D’un autre côté nous disposons de techniques de plan média pour générer des téléchargements d’applications mobile. La stratégie marketing réside dans le recrutement et la fidélisation des utilisateurs de l’application mobile considérée.

Ensuite, nous nous intéressons à l’utilisation du mobile entre celui-ci et le magasin, par exemple dans le secteur de la distribution avec des « drive to store » intelligents. Grâce aux différents outils et à nos bases de données qui portent sur 18 millions de Français et 33 millions d’Européens, on peut parler à des gens de leurs magasins via les différents canaux. Dans l’autre sens, nous effectuons du « store to web » que nous générons à l’initiative de l’utilisateur avec des QR code, de la reconnaissance pour aller du magasin au web. Nous réalisons ainsi du CRM temps réel ou sur un canal mobile avec des push notification. C’est un domaine assez passionnant.

Les usages vont se poursuivre avec des applications sur la tablette pour les marques en points de vente. Des nouveaux types d’interaction entre un magasin, un vendeur, une marque et les clients vont s’opérer. Ces nouvelles questions constitueront autant de nouveaux enjeux et de nouvelles opportunités pour les marques.

30 septembre 2013

Thibaut Munier est Directeur Général de 1000mercis, entreprise qu’il a co-fondé. Il était auparavant responsable R&D Marketing Relationnel chez Air France en charge du datamining clients. Il est également auteur de plusieurs publications scientifiques.

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