L’identité numérique va loin : De la nécessaire maîtrise d’Internet et des réseaux sociaux ! Episode IV : La guerre de l’identité numérique

Je me suis livré à un exercice pour illustrer les enjeux de l’identité numérique qui restent souvent sous-estimés. J’ai récemment reçu une notification de Twitter m’indiquant que Mélanie A***, une de mes jeunes anciennes étudiantes à l’Université qui a reçu avec brio son UV de « Culture numérique », suit mes mises à jour sur cet outil de micro-blogging.
 

Afin de préserver l’anonymat et d’un commun accord avec l’étudiante, j’ai remplacé certaines informations nominatives.

 

[source de la photo : connexions-normandie.fr]

 

Je me suis donc livré à un exercice pratique, leur ayant parlé pendant le cours de l’importance de la gestion de son identité numérique. Je commence par cherche « Mélanie A*** » sur Google. Le premier résultat est celui délivré par 123people. Cet outil pour la recherche de personnes n’est pas parfait (pas de gestion des homonymes par exemple ce qui rend l’outil inutilisable pour les Martin ou les Nguyen à moins que son prénom soit d’une originalité hors pair) mais permet de donner une première idée des présences possibles d’une personne sur Internet. Je note l’existence d’une Mélanie A*** sur Viadeo résidant à Etampes. Et une inscription sur Wat-TV qui remonte au 21 avril 2008 avec l’anomalie sur la fiche où Mélanie étant déclarée comme étant un « Homme », choix souvent effectué par défaut et qui s’explique par historiquement une présence plus masculine sur Internet. Il renvoie vers un blog créé ce même jour sur over-blog au contenu vide. Rien de bien intéressant à ce stade.
 

Je continue alors mes investigations. En continuant, je vois un lien vers un skyblog. Cela commence à être intéressant avec son même pseudo que celui de Twitter dont la sonorité me rappelle Ava Gardner !, comme quoi l’imagination peut aller loin, chaque pseudo ayant ses origines et ce n’est pas toujours ce que l’on peut interpréter. Je vois son âge, 22 ans, la date de création (27 avril 2004) et la dernière mise à jour, lointaine (1er août 2006). Comme beaucoup de skyblogs, il a été abandonné mais reste néanmoins visitable. Le blog ne vit plus mais constitue une mine d’informations pour reconstituer l’identité numérique de la personne, je constate le nombre d’articles publiés (114), etc. Je vois une blogroll avec 5 blogs, des skyblogs qui ne sont pas actifs depuis quelques années. Je lis en diagonale quelques billets publiés pour mieux connaître l’étudiante, ses centres d’intérêt, sa personnalité comme le fait n’importe quel recruteur qui, avant un entretien d’embauche, cherche à mieux connaître la personne. J’avoue que systématiquement pour un rendez-vous client, un entretien avec un journaliste, un candidat pour un poste, je l’effectue systématiquement. Ce n’est pas de la curiosité mais plus de mieux comprendre une personne et comment travailler ensemble. Revenons à Mélanie. Parmi ses billets publiés, celui « les rêves les plus étranges » pourrait être parlant pour qui sait les interpréter. On a des informations confirmant la domiciliation à Etampes. On apprend qu’elle a un chien, qu’elle est très attachée à sa ville, qu’elle aime se faire les ongles, qu’elle a une préférence pour le chocolat au lait, qu’elle oscille entre le désordre (lit non fait pour des raisons qui lui sont propres) et un cartésianisme poussant à rassembler des photos, y adjoindre des numéros et des légendes associées. On apprend encore qu’elle regarde (ou a regardé) Cauet, qu’elle n’a pas aimé ses études avortées en médecine de nature à ruiner la planète avec des tonnes de polycopiés à ingurgiter, qu’elle s’est rendue à Solidays. On apprend aussi qu’elle a un frère (mais qui ne va pas visiter son blog, d’après elle, car elle pensait à l’époque être protégé avec un pseudo), qu’elle aime les hommes torse nus (du moins cela permet d’avoir une idée des « orientations sexuelles »), qu’elle a eu son bac sans mention, etc.
 

Maintenant, je retourne à sa page Twitter créée en 2008 mais qui devient très active depuis un mois avec une cinquantaine de posts jusqu’au 1et mai (pas forcément mis à jours depuis Twitter, ils peuvent l’être depuis Facebook par exemple). On voit qu’elle persévère dans ses rêves étranges (relation d’un rêve entre Sarkozy et Angela Merckel ! sauf à le considérer au second degré), qu’elle a toujours un intérêt pour la question médicale (surtout avec le contexte de grippe porcine), qu’elle aime suivre l’actualité politique, qu’elle suit Hadopi. Je regarde aussi les personnes qu’elle suit sur Twitter : les RSS de l’AFP qui confirment sa soif pour l’actualité, grippeporcine, un fake de Jésus, José Bové ?, des fakes de François Fillon et de Jacques Chirac, le journaliste high tech Jérôme Colombain, le blogueur Eric Dupin, etc.
 

Puis je m’attache au lien vers son blog et qui marque un net progrès par rapport au skyblog tant sur la forme que le fond et montre la maturité dans le blogging. Sur sa fiche, on constate qu’elle a créé son blog sur Blogger en juin 2008, on apprend son signe astrologique, qu’en tant que geekette elle suit le blog girls and geeks. J’ai bien aimé un de ses billets qui est une bonne introduction au pourquoi de l’outil Twitter. Et globalement on voit qu’elle rédige bien.
 

Poursuivons encore l’analyse. Mélanie A**** a 22 ans, elle indique faire 1 h 30 de transport en commun pour se rendre à l’Université. On peut supposer qu’elle habite chez ses parents. Sachant qu’Etampes est dans le département de l’Essonne ce qui demande un minimum de culture parisienne, on est alors prêt à utiliser la partie page blanche de www.pagesjaunes.fr, on obtient l’adresse de son domicile, les coordonnées téléphoniques. Cela peut aller très loin mais pour cela il convient de recouper des informations récoltées sur Internet et l’usage de divers outils. On pourrait également à l’aide de ses contacts sur les réseaux sociaux en savoir davantage sur la personne.
 

Cet exemple montre combien la gestion de son identité numérique n’est pas seulement précieuse mais vitale. Il n’y a rien de bien méchant la concernant (au sens informations sensibles de la CNIL quoique pour l’orientation politique on a déjà des éléments) mais imaginez que vous ayez une personnalité atypique. Les traces que vous semez peuvent se retourner contre vous. Par ailleurs si vous indiquez que vous êtes absent de votre domicile pendant vos vacances sur votre blog, des risques en découlent. Le risque est encore plus fort pour un adolescent qui va sur son skyblog dire dans quelle école il étudie, ses horaires de sortie. Imaginons qu’un déséquilibré exploite ces informations pour enlever l’enfant. Sans tomber dans la paranoïa excessive, les outils du Web 2.0 en particulier réseaux sociaux et blogs induisent de nouveaux risques et aussi bien les enfants/adolescents que les parents doivent en avoir conscience. Nous devons nous adapter aux impacts induits par les outils du Web 2.0 pour le meilleur, en ayant une gestion saine de notre identité numérique et en étant conscient de ses enjeux.

1 Commentaire

  1. Cet article est très intéressant par son aproche pragmatique.
    L’enquête menée par David montre bien les conséquences de l’activités sur le web2.0 : des traces, des pistes qui peuvent être recoupées et analysées.
    L’approche d’enquête suivie ici est aussi utile pour de la veille économique : j’identifie un commercial concurrent et je piste son activité sur le web !
    La première arme est la prévention et l’information. Etant enseignant moi même, je suis souvent surpris de l’attitude de mes étudiants : « comment un recruteur peut aller voir ma page sur facebook ? »
    Former, informer semble une première priorité
    Bernard Quinio

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