Lutte contre le téléchargement illégal et imposition des micro-revenus sur le Web : le casse-tête impossible

Je reviens sur deux sujets qui ont généré de nombreux débats tant sur Internet que parmi les parlementaires sans pour autant trouver de réponse satisfaisante à ce jour tant les intérêts sont antagonistes et la mise en œuvre délicate.

Le premier est consécutif au projet de loi DADVSI (droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information), très controversé. Le rapport-Olivennes (528 Ko), P-DG de la FNAC, a suivi en émettant quelques propositions. Une nouvelle étape a été franchie avec le projet de loi « Création et Internet » qui prévoit une riposte graduée quant aux internautes qui téléchargeraient illégalement. Ce projet de loi a en effet pour corollaire la création d’une haute autorité, l’Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet).

On peut se demander si la création de celle-ci ne constituerait-elle pas un aveu d’impuissance quant aux solutions tant préventives que répressives de lutte contre le piratage des œuvres via les réseaux P2P. D’après une récente enquête de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA), le nombre de téléchargements de films sur Internet en France égale le nombre d’entrées en salles et il est pour elle urgent d’agir. Toutefois on peut se demander si la riposte graduée est une solution adaptée pour lutter contre le piratage, les gros poissons passeront toujours entre les mailles du filet. La plupart des logiciels de téléchargement P2P proposent l’anonymat et le cryptage SSL. Sans compter les internautes qui ne téléchargent pas illégalement chez eux mais ailleurs. Avec les supports de stockage externes (de plus en plus petits et contenant de plus en plus de Go), c’est facile. Avant de mettre en place une artillerie répressive, il conviendrait peut-être de s’interroger sur les raisons qui poussent les internautes, et majoritairement les jeunes, à télécharger illégalement. Est-ce une méconnaissance de la loi ? Est-ce le caractère ludique de la chose ou le défi de l’interdit ? Est-ce lié à la facilité de télécharger comparativement au prix d’achat des disques ? Les produits culturels sont en effet vendus chers en France (parfois 2 fois plus chers qu’aux Etats-Unis) et l’élasticité-prix de ces produits est peut-être à étudier pour examiner si une baisse profiterait à l’industrie du disque et ainsi proposer des téléchargements légaux en ligne à des prix très compétitifs puisque le coût marginal sur Internet est quasi nul. Bref, le vieil adage « Quand on ne sait pas résoudre un problème, on crée une commission » semble s’appliquer. Une troisième voix comme proposée par Alban Martin dans « L’âge de peer » pourrait cependant être envisagée en rebattant les cartes et pensant un nouveau modèle pour les industries créatives sur Internet.

Le second est relatif à la taxation des micro-revenus générés sur le Web. Pour simplifier les démarches fiscales, le groupe de réflexion Club Sénat qui réunit sénateurs et chefs d’entreprise préconise de taxer à la source ces micro-revenus qui sont de différentes natures (ventes sur eBay, liens sponsorisés de Google sur son site ou blog, gains sur les jeux en ligne par ailleurs exonérés dans le monde physique) à hauteur de 13 %. Le système envisagé est toutefois complexe à mettre en place.

Il convient tout d’abord d’effectuer la distinction entre les ventes de biens, pour lesquels les flux financiers ne sont pas automatiquement assujettis à des cotisations, des prestations de service sur Internet. Dans le premier cas, le vendeur est assujetti quand il exerce une activité professionnelle. Et la vision de Club Sénat qui a le mérite d’être simple reviendrait à taxer indûment les internautes qui vendraient ponctuellement des objets. Quant aux services (par exemple bandeaux publicitaires affichés sur un site/blog), la proposition équivaudrait à taxer l’internaute dès le premier euro perçu.

Il conviendrait plutôt de connaître dans son ensemble les volumes de ventes réalisées et les gains pour savoir qui serait taxable ou non. Cependant sur le Web, cela reviendrait à monter une véritable usine à gaz sans compter l’existence de paradis fiscaux qui complexifie le débat… De l’encre et des octets risquent encore de couler avant que des solutions satisfaisantes pour le plus grand nombre soient retenues.

Dans un autre registre, à l’occasion de la sortie de mon troisième ouvrage « Web 2.0 et au-delà – Nouveaux internautes : du surfeur à l’acteur », je donne une Conference-presse-web20 (132 Ko) le 3 septembre à 18 h 30 à Paris. Merci de me faire part de votre présence par retour de mél.

df-) 20 août 2008

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