Une sélection de livres et de guides spécifiques à l’univers du numérique suit.
A. Pour l’innovation
Start-up Academy de Philippe Bloch est un essai sur la galaxie des start-up dans toute sa diversité. Philippe rappelle que prendre un risque se traduit « take a chance ». Tous les termes marketing et du jargon de la start-up sont définis, parfois avec humour. La question du sens est souligné (p 43). La première lettre de Jeff Bezos écrite en 1997 est communiquée en annexe aux actionnaires chaque année pour leur rappeler que sa vision n’a pas changé. Du reste le QG d’Amazon à Seattle porte le nom Day 1, c’est comme au premier jour de la start-up. Le risque d’une trop forte dépendance aux GAFA est souligné p 58 avec Criteo qui a plongé en Bourse début 2018 après les modifications du traitement des cookies par Apple avec son navigateur Safari. Le livre qui se lit de façon agréable et qui comprend des anecdotes de la vie personnelle de l’auteur rappelle les fondamentaux de la culture start-up. L’intelligence qui se situe en dehors de l’entreprise, échouer vite si c’est le cas est apprendre, des réussites sont relatées mais aussi des échecs comme l’effondrement de Theranos, la présence d’une antenne sur place pour le développement à l’international vaut mieux que la traduction d’un site en toutes les langues (avec l’exemple de la présence de Michel & Augustin aux Etats-Unis – qui a du reste des produits référencés par StarBucks). Ceci vaut pour Criteo mais aussi 1000mercis avec ses fondateurs qui s’y étaient installés pour développer l’activité US.
Le demi-tour numérique de Thomas Houy explique pourquoi les entreprises doivent innover à l’envers. Les 10 bonnes pratiques d’innovation dans les organisations sont décortiquées. Par exemple, les projections ne sont plus simples car de nombreux facteurs (d’ordre taxinomique, clin d’œil à son instigateur, Jean-Paul Benzécri) varient simultanément. Par exemple, le cas de Nokia qui en 5 ans est passé de 45 à 5 % de parts de marché. La bascule est encore plus rapide dans le monde du logiciel avec l’exemple du succès fulgurant de Tinder aux Etats-Unis. Les projections ne sont plus bonnes sur le long terme car les situations ne sont plus « toutes choses égales par ailleurs ». Le passage des raisonnements causaux en effectuaux avec les itérations successives en mode bêta permanent. En résumé, être humble, innover sans suivre ses intuitions. Vendre son innovation avant de la produire. C’est aussi l’intelligence de la multitude et les espaces de co-working qui peuvent apporter beaucoup : « Les collaborateurs issus de secteurs d’activité éloignés de celui de leur actuelle entreprise peuvent par exemple être des ressources pertinentes pour penser et concevoir les innovations », le risque d’externaliser ses développements logiciels y compris pour des entreprises non technologiques, etc. Comprendre les échecs plutôt que de s’inspirer des succès (même s’il me semble qu’il convient de conserver les deux approches en parallèle). Les exemples sont probants et le livre se lit d’une traite.
Le livre Visages de la Silicon Valley de Fred Turner et Mary Beth Meehan est une collection de photos de visages de personnes de la Silicon Valley. Si les photos sont réussies, la représentativité est subjective car si la Silicon Valley se caractérise par une classe moyenne sous-représentée, les extrêmes sont importants, les Mexicains en bas de l’échelle, la diversité ethnique au sein des GAFA avec des Indiens, asiatiques notamment. On le constate sur place avec une grande diversité entre l’Ouest et l’Est de Palo Alto et de même pour San Jose, capitale autoproclamée de la Silicon Valley. Pour aller plus loin dans la réflexion, le mieux est de se référer à Made in Silicon Valley – Du numérique en Amérique même s’il est difficile d’être juge et partie.
B. Pour la transformation numérique
Relever le défi de la transition numérique de la société, petit livre du think tank Renaissance numérique, est une collection de 20 fiches dans 9 thématiques (1. démocratie, institutions et administrations, 2. inclusion et solidarité, 3. justice, droit et sécurité, 4. Economie, 5. Education, enseignement supérieur et recherche, 6. Agriculture et alimentation, 7. Santé, 8. Culture et médias, 9. Europe et international). Quelques points relevés, l’open data qui est la norme en Estonie, la plateformisation et l’économie collaborative comme tendance forte pour la transformation digitale et par exemple la création d’une plateforme www.france.art dans le domaine étatique. Pour la plupart des fiches des propositions de Renaissance numérique sont formulées (il n’y en a pas par exemple pour la cyberdéfense). A noter par exemple qu’une proposition comme « faire de l’accès à Internet un droit effectif » est antinomique avec les possibles sanctions d’Hadopi. Ce qui sera utile pour alimenter la réflexion mais gagnera à être complété avec le livre Transformation digitale : 5 leviers pour l’entreprise. 😉
La révolution numérique et les entreprises – se transformer ou mourir de Jean-Louis Beffa insiste sur le rôle des start-up, des plateformes et des données. Il rejoint certains thèmes développés dans Made in Silicon Valley. Relations gagnantes entre start-up et grandes entreprises, que pourraient faire la France et l’Europe pour être des acteurs du monde numérique. Se dégage une bonne hauteur de vue avec une réflexion historique et internationale. Parmi l’ensemble des voies pour la réussite dans la transformation digitale, le fait de devenir plateforme est pointé. « Le numérique doit occuper la part du lion de l’agenda et de la réflexion d’un dirigeant d’entreprise » dit-il. « L’impulsion ne peut venir que du sommet et de façon très directive – même si les projets et idées viendront surtout des équipes » insiste-t-il. Les start-up dites mutantes et dangereuses pour les entreprises leaders sont pointées. On retrouve dans le chapitre 4 L’entreprise leader et son indispensable transformation avec des critères que l’on retrouve dans le modèle développé dans le livre Transformation digitale. Toutefois dans l’écosystème de la plateforme, il n’est peut-être pas assez souligné le rôle fondamentale des APIs ouvertes pour que des partenaires puissent venir se greffer, développer des services additionnels, etc. Au global, Jean-Louis Beffa a bien compris les enjeux et les bouleversements induits par le numérique et la nécessaire transformation tant pour le développement que la survie face au comportement prédateur et sans état d’âme des GAFA et de leur équivalent chinois.
Egalement L’entreprise apprenante contre-attaque de l’EBG et d’IBM où il est indiqué de façon publicitaire « Référentiel de la maturité digitale 2018-2019 », qui autour de 5 chapitres autour du client, de l’employé, de la donnée, des plateformes et enfin de l’entreprise apprenante rassemble des témoignages de professionnels de grandes entreprises et de consultants confrontés à la transformation digitale.
C. Des guides pratiques
Guide de survie à destination des aventuriers d’Internet v2 édité par l’association Le CECIL consiste en 13 fiches pour donner une aide à l’internaute avec l’utilisation d’alternative numérique (systèmes d’exploitation et navigateurs, moteurs de recherche de type Qwant ou DuckDuckGo, logiciels libres, protection de l’internaute face au traçage, hébergement alternatif tant pour la messagerie que pour les données, les bonnes pratiques, anonymat sur Internet avec utilisation de Tor par exemple). Même si je n’approuve pas le terme ordiphone préféré à smartphone, le guide est pratique et donne des pistes pour aller plus loin pour changer ses habitudes pavloviennes de consommateur de GAFA. Il vient en prolongement du livre blanc édité par CREIS-Terminal Les données personnelles à l’heure du big data.
#RGPD et Marketing : de la contrainte à l’opportunité de Sylvie Brunet, Jean-Philippe Arroyo et Roselyne Sage aux éditions e-theque permet une réflexion sur les impacts de la RGPD au quotidien dans votre entreprise et comment elle est amenée à repenser son marketing avec des conseils. En effet, alors que des obligations découlent de la RGPD, elle peut aussi être utilisée pour avoir des leviers de croissance ou, du moins, de différenciation par rapport à d’autres entreprises moins respectueuses des données personnelles et qui flirteraient avec la limite légale.
Guide de l’e-réputation aux éditions Eyrolles commence par un rappel sur le personal branding en d’emblée positionnant en référence le livre d’Olivier Zara publié en 2009 chez le même éditeur sur le sujet. Les 2 volets de gestion d’image et de développement de sa notoriété avec les outils numériques sont traités. Le livre se destine aux débutants avec des évidences rappelées sur la présence sur les médias sociaux, les bonnes pratiques à observer, etc. Le tableau sur les réseaux sociaux en France page 40 non daté est un peu simplet.
A signaler également le guide Comment permettre à l’homme de garde la main – Les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle édité par la CNIL. Il comprend des réflexions intéressantes sur les impacts de l’IA et les questions à se poser (reconnaissance d’image, police prédictive, algorithmes contre la récidive, utilisation des algorithmes dans la stratégie électorale avec l’exemple de Cambridge Analytica, éthique des algorithmes, mégafichiers, impacts sur les assurances, etc.). Il dresse par ailleurs 6 recommandations.
Maîtrisez Internet avant qu’Internet ne vous maîtrise ! est le livre de Jérôme Bondu. Bien que s’adressant aux débutants fourmille de schémas, d’anecdotes dans l’esprit intelligence économique en étant adepte de la classification et du mind mapping. Il revient sur quelques principes d’Internet et effectue la différence entre donnée, information, renseignement et savoir. Des informations sont expliquées pour la recherche d’information, l’organisation de sa veille. Dans l’analyse de l’information, les biais cognitifs. Une analyse critique des GAFAM est dressée plus profonde que celle de Séguéla. Avec une réflexion sur l’intelligence artificielle citant le paléontologue Pascal Pic « Est-ce que l’on saura maîtriser l’IA et les robots alors que nous n’avons même pas su comprendre nos plus proches parents, chimpanzés, gorilles, bonobos et autre orangs-outangs avec qui nous partageons la plus grande partie de notre génome ». Et « nous sommes comme des lapins au milieu des ‘routes de l’information’ ébloui par les phares surpuissants des nouveaux géants du web qui nous foncent dessus et nous tétanisent ».
D. Dans des registres complémentaires
La confiance à l’ère numérique éditée par Berger Levrault est une collection de publications académiques de 11 chercheurs qui permet de réfléchir et d’élever le niveau à l’heure des cryptomonnaies, du cloud, des artéfacts numériques. La question des écoutes et de la cybersurveillance est également analysée. Très conceptuel et avec une dose d’épistémologie, il revient préalablement sur les sources et les conditions de la confiance. Un prolongement par Jacopo Domenicucci et Milad Doueihi « In code we trust? » clôture l’ouvrage.
Enfin dans un registre un peu différent, Le marketing de la grenouille – Nouvelles stratégies de marques pour nouveaux consommateurs de Philippe et Valérie Jourdan et Jean-Claude Pacitto aux éditions Kawa se propose de mieux comprendre les comportements des consommateurs qui évoluent radicalement avec le digital. Ils parlent de conso-battants à leur logique et les classent en 5 catégories. Cette typologie a été permise grâce à une enquête auprès de 1000 répondants en ligne. Nous distinguons le récessionniste aux moyens limités, le négociateur, le vigile lequel a une approche multicanale et opportuniste grâce aux outils d’Internet. Et aussi le touche-à-tout, « antisystème adepte de l’ubérisation de l’économie » il exploitera les failles du système et n’hésitera pas à se tourner vers l’économie collaborative. Enfin le minimaliste, pas nécessairement pauvre comme le récessionniste, ce qui complique la tâche des marques pour le cibler. A chacune des catégories, une stratégie d’approche est privilégiée.
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