Livre J’ai débranché : expérience déconnectée d’un homo numericus victime de burn out et voulant être bien dans sa peau

Le dernier livre de Thierry Crouzet, J’ai débranché, traite de son expérience de 6 mois sans connexion à Internet après une période intense de plusieurs années où il était devenu accro à cet outil au point de ne plus pouvoir rester quelques minutes sans être déconnecté de ses contacts sur les réseaux sociaux et ailleurs.

Critique du livre J'ai débranché

Le fait que son smartphone ait pris l’eau lors d’un périple en kayak alors même qu’il souhaitait produire un reporting de son aventure en temps réel à son réseau (à l’image de ce qui se fait lors de ses parcours de course et les statistiques qui en découlent que l’on peut partager avec ses contacts qui ont la même passion) a été un évènement déclencheur avec une nuit du 14 février où il fut victime de crise d’angoisse et au-delà d’un véritable « burn out », tiraillé entre la période passée qui s’achève et celle de l’hyperconnexion qui commence à peine.  Thierry Crouzet doit tout au Net comme il l’affirme, son travail, sa situation de blogueur critique et observateur attentif des enjeux du 5e pouvoir, sa façon de se comporter.

Au cours de son expérience, il a pu savourer les contacts dans la vraie vie avec sa femme co-héroïne de l’histoire, ses fils et ses amis (avec des activités manuelles comme faire un gratin dauphinois en famille), s’est livré à des séances de psy en rechignant sur les tarifs car ne comprenant plus la divergence existante entre des tarifs de spécialistes prohibitifs et les informations que l’on peut glaner sur Internet auprès de ses contacts où l’économie du don et de la contribution gratuite priment.

Le style alterne entre envolées lyriques et phrases plus basiques à la Jean-Marie Bigard. Les mois de juillet et août 2011 sont pour leur part évoqués sous forme de carnets de notes avec quelques anecdotes.

Une réflexion intéressante quant aux 3 ères des codes selon Clarisse Herrenschmidt est à relever. Après l’écriture des langues puis celle des nombres arrive celle des codes (1936, avec la machine de Turing) et c’est cette dernière qui permet l’émergence de l’être-réseau dont le prototype est Thierry Crouzet lui-même.

Des analyses philosophiques sont menées quant aux êtres-réseaux, ces êtres hyperconnectés qui consultent leur comptes Facebook, blogs, etc. avec frénésie sur leur PC, smartphone, tablette, etc. en permanence y compris dans les toilettes pour ne pas perte une miette mais en étant moins attentifs à la vie physique autour d’eux. D’autres réflexions par rapport aux analogies existantes entre la télé que l’on allume par réflexe en connaissant les programmes des émissions et Internet où l’on peut rester des heures sont faites, le fait qu’en tenant un blog on puisse influer sur la société en démontrant, affirmant ou démontant des théories, c’était le créneau de Thierry.

On reste néanmoins dépendant à Internet pour les courses, la recherche d’information, consulter les horaires des trains ou des avions. Grâce à sa femme, il a pu vivre d’une certaine façon connecté a minima ou par procuration à quelques moments. L’expérience aura montré le fait qu’il ait besoin de lire, d’écrire et aura été enrichissante sur lui-même. Ne plus être connecté l’aura en effet conduit à lire et à trouver d’autres activités (par ex. pose de câbles une journée) en palliatif. On ne peut pas parler d’une expérience de quelques jours sans Internet où ensuite les réflexes repartent de plus bel mais de comment, à la suite de cette période déconnectée très significative, on reconsidère son rapport à Internet et ce que l’on souhaite faire différemment.

In fine la reconnexion s’impose mais avec discernement pour ne pas être esclave de la machine. C’est à la lumière de son expérience comment reconsidérer sa propre dépendance à Internet et comment vivre son propre droit à la déconnexion.  Comment ménager des places pour bien profiter de la vie physique en étant provisoirement injoignable par ses contacts de la vie virtuelle et ce qui se passe sur le réseau. A l’avenir, de plus en plus de citoyens devenu être-réseau auront à se poser la question pour utiliser de façon la plus efficiente possible Internet. Car le temps nous est précieux.

2 Commentaires

    • marius sur 15 avril 2014 à 11 h 06 min
    • Répondre

    Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont devenues omniprésentes dans le monde professionnel entrainant de profondes modifications des conditions de travail et d’organisation dans les entreprises. Ces nouveaux outils présentent des risques pour le nombre grandissant de cadres qui les utilisent intensivement
    Les risques psychologiques sont à prendre en compte : surcharge informationnelle, perte des limites entre vie professionnelle et privée, disponibilité et interactivité permanentes, nomadisme professionnel, affaiblissement des relations interpersonnelles.
    pour plus d’infos : La prévention des risques professionnels des technologies de l’information et de la communication : http://www.officiel-prevention.com/formation/fiches-metier/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=206&dossid=483

  1. Tout à fait en phase avec ta perception de ce livre. Pour illustrer notre usage d’Internet au quotidien, je me suis amusé à recenser les usages que j’en fait, sans même m’en rendre compte. A lire sur http://michaeltartar.com/2012/03/13/jai-debranche-note-de-lecture/

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