1. Comment expliquez-vous le phénomène des blogs en France ? Qu’est-ce qui vous motive dans la vie de votre blog Versac ?
J’ai du mal à mesurer le phénomène, qu’il faudrait déjà caractériser. Il y a incontestablement un engouement pour les réseaux sociaux dans les populations adolescentes, et un succès qui semble important des blogs en général chez les jeunes adultes, alors que d’autres pays – je pense notamment à l’Allemagne – sont plus tournés vers des sites communautaires, collectifs, ou une utilisation très active de Wikipédia, dans leur rapport social à l’information. Peut-on l’expliquer par une particularité française ? Sans doute l’immense bulle médiatique dont les blogs ont été l’objet : nulle part ailleurs qu’aux Etats-Unis le phénomène n’a bénéficié d’autant de couverture que chez nous, je pense, et ce, relativement tôt dans le développement de l’usage de ces outils. Au final, les blogs, en France, se sont développés beaucoup grâce aux media, sous leur cadrage quant aux bénéfices supposés du format, et non de manière organique, avant de devenir un objet médiatique, comme aux Etats-Unis.
Concernant mon blog, ce qui a motivé sa création il y a quatre ans et demi, et ce qui me motive encore aujourd’hui – même si l’exercice change de nature avec la relative exposition qui est la mienne -, c’est le plaisir de l’échange, de la discussion, l’aide à la formation de mon jugement par la confrontation. Je suis un lecteur de blogs avant d’être un blogueur : j’ai écrit mon premier billet plus de deux ans après avoir lu mon premier post sur un blog américain.
Ce qui me motive également aujourd’hui, c’est de participer à l’animation de la petite communauté (quelques centaines de personnes) de la blogosphère politique, en proposant des initiatives qui fassent sens dans sa vie, comme la République des blogs (un rendez-vous informel régulier de cette communauté, qui a désormais lieu dans plusieurs villes européennes). J’aime aussi à aider à faire découvrir des talents particuliers, des « blogueurs pépites », de ces auteurs fantastiques qui existent au fond de cet univers.
2. Certains classements comme celui de Wikio vous placent numéro 1 des blogs en France. Comment l’expliquez-vous ? Est-ce que votre contenu éditorial politique/économie/humeur du moment correspond aux besoins de la majorité des internautes ? Allez-vous tendre vers plus de vidéo en ligne ?
Je ne suis pas « numéro 1 » des blogs en France. Croire qu’il y a un numéro 1 est d’ailleurs sans aucun doute se méprendre sur ce que sont les blogs, qui sont en fait des milliers de grappes d’individus, autour de thématiques, de centres d’intérêts, de sociologies particulières. Il y a des skyblogs qui sont cent fois plus consultés que le mien, autour de sujets comme la danse ou la musique. Ou des blogs de cuisine qui ont un lectorat plus assidu et plus d’autorité dans leur domaine que moi.
Je n’ai aucunement la vocation à adresser « la majorité des internautes », bien au contraire. j’entends rester moi-même sur mon blog (critique, un peu ronchon, mais aussi découvreur et animateur), ce qui implique une piètre fidélité de mon lectorat : plus de 600 000 visiteurs uniques sont passés sur mon blog depuis le début de l’année, mais peu y trouvent une vocation généraliste. Je n’y tiens pas, je préfère bénéficier de commentaires intéressants de pairs que j’estime, plus que devenir la blogostar à tout prix.
La vidéo est un registre très particulier, elle nécessite deux éléments qui sont un peu particuliers et me freinent : une capacité à maîtriser le langage audiovisuel (bien cadrer, faire une interview orale, …) et du temps (pour saisir et monter). Je dispose peu des deux, ce qui freine. J’ai de nombreux rushes pris pendant la campagne électorale lors de meetings et réunions diverses, qui mériteraient de s’y pencher. Mais cela prend plus de temps que d’écrire un billet, et nécessite d’entrer dans une routine qui devient prioritaire (et mon blog me prend déjà beaucoup de temps).
3. Les grandes entreprises ont-elles bien prises la mesure du web 2.0 ? Enfin, pourriez-vous présenter l’entreprise Spintank que vous avez créé et qui accompagne des entreprises dans leur stratégies de présence en ligne ?
Il est difficile de généraliser la position des grandes entreprises. Je les séparerais en trois groupes. Celui des entreprises qui n’ont pas du tout saisi l’enjeu du web 2.0 et ne s’y intéressent pas, et pour qui internet reste un media comme les autres, vaguement différent dans ses formats. Ce groupe est à mon avis principalement constitué d’entreprises dont les métiers sont assez peu concernés par internet, et qui ne voient pas de menace majeure à court terme sur leur activité (l’agroalimentaire, notamment). Elles ont évidemment tort de négliger le phénomène, mais, après tout, leurs boutiques tournent assez bien comme ça.
Celui des entreprises qui croient avoir trouvé la voie en prenant essentiellement le web social pour un terrain de buzz-marketing. Elles ne modifient pas profondément leur manière d’aborder la communication sur cet espace, et sont toujours dans une position descendante, en essayant d’être à la mode, vaguement participatif, dans l’unique objectif de faire du bruit ou d’obtenir des faveurs. C’est la majorité, malheureusement, des entreprises qui s’intéressent au sujet, aujourd’hui.
Enfin, il y a quelques entreprises, principalement dans des domaines high-tech (mais pas uniquement) qui ont saisi que le web était avant tout un espace social qui avait des conséquences majeures, qui était certes porteur de menaces, mais aussi de véritables opportunités d’évolution de leur manière de fonctionner avec leurs différentes parties prenantes. Ce sont les tâtonneurs, celles qui ouvrent des voies, inspirent la manière dont nous agirons demain sur cet espace.
Spintank accompagne des entreprises dans leur insertion sur cet espace social qu’est le web. Nous travaillons avec des entreprises des trois catégories citées ci-dessus, et les aidons à comprendre quels sont leurs réseaux, quelle est la présence de leurs parties prenantes en ligne, et à construire une relation avec ces publics qui leur soit durablement profitable (nous avons en horreur les « coups » auprès de pseudo-influenceurs). Nous avons aujourd’hui une dizaine de clients, principalement dans des domaines corporate ou d’affaires publiques. L’entreprise est en plein développement, et nous recrutons.
25 juillet 2007
Nicolas Vanbremeersch est devenu une figure incontournable de la blogosphère avec son blog Versac et participe activement à de nombreux blogs. Il a créé Spintank qui accompagne des entreprises dans leurs stratégies de présence en ligne, principalement dans le nouveau contexte généré par l’irruption du « web social » auprès des entreprises et du débat public.
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