La seconde partie du Gouvernement Attal s’est faite attendre. La surprise est hélas du côté numérique. D’un ministère délégué, nous sommes passés à un secrétaire d’État ! Pourtant déjà en 2019 une tribune Data, IA, 5G : la France mérite un ministère d’Etat à la société numérique dans les colonnes du Journal du dimanche avait été publiée. L’effet avait suivi avec la nomination de Jean-Noël Barrot en tant que ministre délégué au numérique en juillet 2022. Cette surprenante rétrogradation signifie moins de moyens. En effet, le décret n° 2024-23 du 17 janvier 2024 relatif aux cabinets ministériels limite à 15 membres le cabinet d’un ministre, 11 pour un ministre délégué, moins encore pour un secrétaire d’État.
Le numérique serait-il devenu le parent pauvre du Gouvernement ? Il ne devrait pas être une variable d’ajustement. Il est pourtant transverse à tous les ministères et comprend l’intelligence artificielle qui est également stratégique et de nature à disrupter l’éducation, le travail, la production de contenu, etc. On l’a vu en 2023 avec le tsunami provoqué par les intelligences artificielles génératives et son porte-drapeau ChatGPT mais aussi pour la création d’images souvent épatantes (Midjourney, DALL-E) et désormais avec les vidéos (Sora).
Le numérique est également essentiel pour la simplification de l’administration et sa transformation digitale avec la nécessité, pour les fonctions régaliennes, de faire mieux et autrement avec moins de moyens. Concrètement, il s’agit de renforcer le front office au service des citoyens et de simplifier et rationaliser le back office et les silos de l’administration. Il en va de la maîtrise de la dépense publique pour l’ensemble des trois fonctions publiques. On le constate malheureusement pour les délais de délivrance des titres d’identité. On le subit avec les hôpitaux victimes de cyberattaques de leurs systèmes d’information avec demande de rançons. Les élèves et les étudiants le vivent avec non seulement une baisse de niveau notamment en mathématiques comme l’attestent les classements PISA et en français mais aussi en étudiant tardivement les algorithmes et les langages informatiques. On pourrait également observer les questions juridiques relatives au numérique trop souvent absentes et qui peuvent avec le cyberharcèlement être fatales.
Il s’agit aussi du développement du très haut débit pour tous et de l’inclusion numérique. On estime que l’illectronisme, c’est-à-dire l’incapacité à pleinement utiliser l’outil numérique, frappe 1 Français sur 6. Nous avons bien sûr la souveraineté pour assurer notre indépendance, tout comme l’énergie, l’industrie, l’agriculture et la Défense tant pour la France que pour l’Europe. Les chantiers sont nombreux et nécessitent aussi une concertation avec des ministères de plein exercice. Sans prise de conscience, on le subit à nos dépends avec les données de santé confiées à Microsoft avec l’aval de la CNIL, pourtant autorité administrative indépendante. Une pétition lancée a déjà recueilli plus de 8 000 signatures.
Nous souhaitons néanmoins à Marina Ferrari et au Gouvernement de réussir. D’autant que cette dernière a placé dans son investiture la volonté que les actes soient supérieurs aux paroles. Les chantiers notamment sur la souveraineté numérique sont à un tournant. Il est vital d’avoir des acteurs de premier plan au niveau du matériel, des systèmes d’exploitation, des logiciels, des données… mais aussi en matière de semi-conducteurs et de terres rares, là où Taiwan et la Chine sont largement leaders. Il est urgent d’agir !
Espérons que notre message soit entendu pour une plus grande prise en compte d’un numérique au service des citoyens, souverain par rapports aux deux superpuissances que sont les États-Unis et la Chine qui se livrent une guerre numérique sans merci. Sans électrochoc, la France et l’Europe risquent de quitter progressivement leur rôle sur la scène internationale.
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