1. Alors que l’on parle de plus en plus d’intelligence artificielle, votre livre Pour un numérique humain tombe à point nommé. Comment expliquez-vous la nécessaire complémentarité entre humain et machine (que ce soit logiciel, automate ou robot) ? Par ailleurs comment avez-vous déterminé les 8 conditions d’une transformation réussie ?
Les logiciels, l’IA, les robots et les automates sont les moteurs du progrès. La capacité à les utiliser permettra d’atteindre une « intelligence augmentée ». Tous les métiers sont concernés, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils ne remplaceront pas l’humain, mais lui permettront d’évoluer. Ils nous offriront la possibilité d’améliorer la qualité de vie individuelle ainsi que la performance des entreprises. Il est impératif de s’approprier ces sujets, car comme l’a si bien dit Henri Bergson, « Notre futur ne sera pas simplement ce qui va arriver, mais ce que nous en ferons« .
Mon expérience, mes observations et mes analyses en tant que dirigeant d’une société qui accompagne la transformation numérique des entreprises, mon engagement au sein de think tanks axés sur l’intelligence artificielle, ainsi que ma participation aux conseils d’administration de start-up et d’écoles d’ingénieurs, m’ont amené à identifier les conditions nécessaires à une transformation réussie et harmonieuse : inclusion, impact environnemental, souveraineté, et surtout éducation…
2. A travers les différentes fonctions que vous avez occupées dans votre carrière, comment voyez-vous l’évolution de l’informatique mué en numérique et quelles ont été les étapes clés selon vous ?
De nombreuses controverses ont surgi concernant la distinction entre les termes « numérique » et « digital ». À mon sens, « digital » est simplement la traduction anglaise de « numérique ». En revanche, la différence fondamentale réside entre les termes « informatique » et « numérique ». L’informatique est une technologie qui a permis l’automatisation de diverses tâches, telles que la comptabilité d’une entreprise, qui peut désormais être effectuée en quelques heures à l’aide d’un logiciel, au lieu de plusieurs semaines avec des comptables traditionnels.
Le numérique, quant à lui, représente une véritable révolution sociétale qui redéfinit les processus de l’entreprise ainsi que les comportements de l’humanité. Nous sommes en train de passer d’une civilisation basée sur la propriété à une civilisation basée sur l’usage. Par conséquent, le numérique permet de repenser le modèle économique des entreprises pour répondre à ces nouveaux besoins. L’avènement de ChatGPT et des intelligences artificielles génératives a apporté une nouvelle dimension à cette transformation. Jusqu’à présent, les IA étaient réservées aux techniciens et peu répandues. ChatGPT a rendu l’IA accessible au grand public. Nous avons déjà connu ce genre de rupture lors de l’avènement de la micro-informatique ou de l’iPhone, et nous constatons comment ces outils se sont intégrés dans notre quotidien. Je suis convaincu que bien que vivement critiquées nous vivrons à nouveau une rupture lorsque les technologies du Web3 atteindront leur plein potentiel avec l’architecture distribuée, la blockchain, le métavers et les crypto-monnaies.
3. Enfin comment jugez-vous la prise de conscience des acteurs en France vis-à-vis du numérique et quelles seraient les nouvelles frontières numériques avec un cloisonnement entre vie professionnelle et vie personnelle caduque post-Covid19 ?
Au cours de la crise de la Covid19, nous avons observé l’importance cruciale du numérique dans notre vie quotidienne. La continuité pédagogique à l’école a été assurée, la télémédecine a permis de maintenir les soins, et le télétravail a atténué les impacts sur nos entreprises. De manière surprenante, de nombreux liens sociaux ont également été tissés grâce à la visioconférence. Bien que la situation post-Covid se soit progressivement normalisée, je reste persuadé que les choses ne seront plus comme avant. Le télétravail s’installe durablement, même s’il est régulé, et les outils numériques pour l’éducation et la santé deviennent progressivement courants.
Les entreprises ont pris conscience de l’inéluctabilité de la transformation numérique, notamment avec l’avènement de l’intelligence artificielle générative, qui a accéléré ce processus. Il est aujourd’hui inconcevable d’imaginer des entreprises ne cherchant pas à exploiter cet extraordinaire accélérateur de productivité. Je suis également convaincu que les PME commencent enfin à saisir cette nécessité. Il est aussi impératif que les services publics se servent de cet outil pour améliorer leur efficacité. Bien entendu, des résistances dystopiques traditionnelles persistent, telles que la crainte de la déshumanisation ou de la suppression d’emplois, mais elles cèdent progressivement face à cette vague d’opportunités. Il est crucial de mettre en place une formation intensive à l’attention de l’ensemble de la population afin de tirer pleinement parti de cette vague et de ne pas la subir.
Guy Mamou-Mani est entrepreneur, business angel, enseignant en école de commerce et conférencier. Membre de nombreux conseils d’orientation de start-up, d’écoles d’ingénieurs et de think tank, il a co-présidé pendant 20 ans le Groupe Open (4000 personnes), une des premières ESN françaises, a été vice-président du Conseil National du Numérique, président du Syntec numérique (devenu Numeum). Il vient de publier Pour un numérique humain aux éditions Hermann.
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[…] Guy Mamou-Mani est entrepreneur, business angel, auteur, membre de nombreux conseils d’orientation de start-up et d’écoles d’ingénieurs ainsi que de think tank (Villa numeris, Impact AI). Il a co-présidé le Groupe Open qui compte 4 000 personnes et réalise 400 millions d’euros de chiffre d’affaires et fait partie des premières ESN. […]
[…] Guy Mamou-Mani, entrepreneur, business angel, auteur, membre de nombreux conseils d’orientation de start-up et d’écoles d’ingénieurs ainsi que de think tank (Villa numeris, Impact AI). Il a co-présidé le Groupe Open qui compte 4 000 personnes et réalise 400 millions d’euros de chiffre d’affaires et fait partie des premières ESN. […]