1. Comment voyez-vous l’évolution récente du retail avec les changements apportés par Instagram, la montée en puissance de TikTok, la crise du covid qui a montré la nécessité de la complémentarité entre commerce traditionnel et e-commerce, etc. ?
Le retail, le marketing, les réseaux sociaux et au-delà… tous ces sujets sont en perpétuel mouvement et se réinventent constamment. Avec l’arrivée de TikTok, nous nous sommes rendus compte que rien n’était écrit. TikTok a redonné de la place aux petites entreprises, aux small business. Elles peuvent sortir du lot sans un investissement considérable, en proposant un contenu authentique et surtout beaucoup de proximité avec leur client.
Ainsi Meltit (@meltit.fr), une marque de bougie parfumée en cire de colza, sélectionne ses matières, a un processus de fabrication spécifique, teste des modèles, prépare ses commandes, fait écho des salons auxquels ils participent. Les internautes voient leurs engagements dans les associations… Ils partagent tout grâce à des vidéos courtes, simples qui présentent l’entreprise et qui font jusqu’à 392 K de vues.
On pourrait aussi citer l’exemple de la marque @My_Bibi.co, les tapis de sport. Elle a développé sa marque sur TikTok du jour au lendemain. Après avoir persisté, elle a fait le buzz avec une vidéo. Cela leur a permis d’augmenter immédiatement le trafic sur leur site et de déclencher des ventes mais aussi d’ouvrir des opportunités de collaboration.
Instagram a réagi et nous a proposé de nouvelles options. Cela reste aujourd’hui l’une des plateformes les plus complètes en termes de format d’expression et de fonctionnalités pour les acteurs du retail.
L’après-Covid, quant à lui, a accéléré la transformation des comportements et des usages des consommateurs. Ces évolutions ont provoqué la redéfinition de l’expérience client (Direct-to-Consumer, B2B2C…) et ont mis en lumière la nécessité d’une complémentarité entre le commerce traditionnel, l’e-commerce, les réseaux sociaux et une adaptation des magasins physiques pour s’adapter aux besoins des clients.
Le consommateur navigue entre off line et on line. Aujourd’hui, il découvre un produit sur un compte Instagram, il poursuit l’échange en DM (message privé) avec la marque ou un influenceur, il consulte les avis sur Google, puis se rend en boutique pour vivre une expérience, toucher le produit, bénéficier des conseils de l’équipe de vente, réaliser son achat et il partage son expérience en story, le fameux UGC (User Generated Content). Oui, nous sommes bien dans la complémentarité et ce parcours type (web-to-store) est un parfait exemple des habitudes prises par les consommateurs.
2. En tant que secrétaire générale de la Confédération des Arts de la Table, comment jugez-vous la transformation digitale du secteur, de plus en plus liée au luxe avec une montée en gamme et au Made in France, tant depuis les processus de fabrication et l’industrie 4.0 qu’au niveau du marketing digital des enseignes ?
Si nous parlons de luxe en effet, il a fortement été influencé par les nouvelles tendances du web, métavers, NFT… Le luxe, grâce aux moyens dont il dispose, a toujours été avant-gardiste sur ces sujets. Il teste, essuie les plâtres. Néanmoins, n’oublions pas que ce n’est pas le cas de la majorité des entreprises dans notre secteur. Encore beaucoup de TPE et de PME, pour diverses raisons (coût, manque de personnel, manque de compétences…) ne maîtrisent pas le marketing des réseaux sociaux, voire ne sont pas présentes sur le web.
Il y a encore clairement des besoins de vulgarisation, d’accompagnement et de montée en compétence pour que ces entreprises soient pleinement autonomes.
En ce qui concerne l’industrie 4.0, cela reste un enjeu pour les années à venir. Toutefois, beaucoup d’entreprises de nos filières sont déjà à la pointe en matière d’outils de production, et investissent notamment pour satisfaire des enjeux de développement durable ou de RSE. Elles cherchent à améliorer la qualité de vie au travail de leurs collaborateurs, préserver les ressources et produire de manière plus responsable.
Au-delà de la transformation digitale, que cela soit dans le secteur des arts de la table ou dans d’autres secteurs qui ont des savoirs faire artisanaux, les entreprises peinent à trouver du personnel. Dans les métiers du luxe, c’est plus de 20 000 postes qui sont à pourvoir [Source Comité Colbert].
Ce sont des métiers qui nécessitent une transmission, car ce sont des gestes qui ne s’apprennent pas à l’école, mais bien dans l’entreprise, aux contacts d’autres artisans. Il faut parfois 10 ans pour maîtriser parfaitement un geste. Aujourd’hui, ces maisons recrutent sans diplôme et certains métiers pourraient finir par disparaître si la transmission n’est pas assurée.
Du côté des consommateurs, la Covid a eu une influence majeure en changeant les intentions d’achat. Ils ont désormais la volonté d’acheter des produits fabriqués en France (dans la mesure du possible) et le plus proche de chez eux. En tout cas, c’est ce qu’ils annoncent.
Entre l’intention et l’acte d’achat, tout dépend des revenus des ménages et je ne suis pas sûre que tout le monde puisse se le permettre. Mais la volonté de changer ses habitudes est bien là : consommer moins mais consommer mieux. Ainsi 81 % des Français affirment qu’ils pourraient acheter moins de produits en quantité pour acheter un produit fabriqué en France. Pourtant il existe bien des consommateurs du Made in France, c’est ce que précisent les entreprises interrogées. D’autre part, 69 % des entreprises interrogées voient une accélération de leur chiffre d’affaires liée au Made in France [source Étude Made in France,Opinion Way/ Agence-Insign 2021].
S’agissant de faire connaître les marques, le projet collectif “Ensemble à Table” (EàT), porté par la Confédération des Arts de la table et Francéclat a vu le jour, et cela bien avant la crise sanitaire. EàT est un site web-to-store qui propose aux internautes des marques fabriquées en France (Arts de la table, ustensiles de cuisine, textile de table et décoration de table). Les consommateurs sélectionnent les produits directement sur le site web, puis se rendent dans une boutique partenaire pour acheter les articles et bénéficier des conseils du point de vente. Ils peuvent également acheter en ligne sur le site de la marque.
3. Quels conseils donneriez-vous aux marques pour booster l’impact de leur communication (visibilité, susciter le buzz et animer des communautés, transformation en achat) ? Quel peut être le rôle des influenceurs dans ce processus ?
C’est peut être un cliché, mais pour commencer il convient de définir sa stratégie.
Si chaque plateforme dispose de son algorithme qui lui est spécifique, elles ont quand même tendance à se copier.
Avec l’augmentation de l’IA nous risquons de voir de plus en plus des contenus lisses et identiques… qui vont essayer de plaire aux algorithmes au lieu de se focaliser sur les intérêts des internautes. Alors mon conseil sera simple : osez, mettez de votre personnalité !
- Apprenez à connaître les plateformes et leurs codes
- Testez de nouveaux messages et variez les formats
- Soyez créatif
- Personnalisez au maximum vos messages
- Analysez la portée mais également les retours de vos communautés
- Et surtout : soyez régulier dans vos publications.
Arrêtons de vouloir faire le buzz ou chercher à avoir des milliers d’abonnés. Le buzz est éphémère.
Certes le buzz est un accélérateur, en positif comme en négatif d’ailleurs. Mais avant de vouloir faire du buzz, cherchons vraiment ce que l’on peut apporter à notre communauté, comment créer de la confiance, comment engager de la conversation : « La conversation mène à la conversion ».
Sur TikTok, le nombre d’abonnés n’est pas gage de succès puisque l’algorithme ne prend pas en compte les mêmes informations et ça, « ça change le game ! »
En ce qui concerne les influenceurs, ils peuvent également jouer un rôle important en aidant les marques à atteindre leur public cible et cela sans avoir des milliers d’abonnés, les fameux nano-influenceurs.
Lors des deux dernières années et avec les enjeux climatiques, les modes de consommation ont évolué et ce n’est qu’un début. Le véritable enjeu de demain pour les marques consistera à intégrer leurs engagements dans la communication et à être alignées avec ceux-ci.
Céline Beckrich de disCéline, consultante en stratégie réseaux sociaux, formatrice, créatrice de contenu.
Après 13 ans dans le retail, Céline aide aujourd’hui les entreprises à transformer leur communication sur les médias sociaux de manière enthousiaste. Elle est également secrétaire générale de la confédération des arts de la table et Membre du collectif B to B La Brigade du Web.
1 Commentaire
Merci David pour ta sollicitation et cette mise en avant