1. Comment est née l’idée des frogans ? Pourriez-vous présenter les concepts et en quoi cette couche au-dessus d’Internet est-elle différente du Web et qu’apporte-t-elle de plus ?
Mon associé, Amaury Grimbert, et moi-même avons toujours été fascinés par les possibilités offertes par le World Wide Web. Dans le même temps, nous avons toujours été étonnés de voir que depuis l’invention du Web à la fin des années 1980, aucun autre médium ne soit apparu pour publier des contenus et des services sur Internet. Or, comme nous avons coutume de dire : « quand il n’y a pas de choix, il n’y a pas de liberté ». C’est ce qui nous a donné envie de créer un autre médium, qui propose aux internautes une expérience de navigation différente, plus intuitive et qui fasse davantage appel à nos sens.
Concrètement, Frogans permet de publier des contenus et des services sur Internet sous la forme de sites Frogans, qui sont une nouvelle génération de sites Internet proposant des possibilités créatives inédites. Par exemple, un site Frogans peut avoir n’importe quelle forme, il n’est pas emprisonné dans une fenêtre rectangulaire. Sa taille réduite, sa grande maniabilité, sa persistance au-dessus des autres fenêtres de l’écran et sa capacité à changer d’aspect au fur et à mesure de la navigation de l’internaute lui confèrent une présence incroyable sur l’écran, presque magique, la technologie n’étant plus apparente aux yeux des internautes. Pour les éditeurs de contenus, Frogans est aussi très intéressant, car les sites Frogans « flottent » en permanence sur l’écran quel que soit le support (PC, smartphone, tablette), sans être intrusifs pour autant, ce qui permet de maintenir une relation constante avec les internautes.
Pour avoir un aperçu de cette présence des sites Frogans sur un écran, je vous invite à regarder cette vidéo.
Au-delà de ces aspects visuels, l’expérience utilisateur bénéficie également d’une réduction importante de la consommation énergétique et d’une protection de la vie privée des internautes, qui sont désormais des enjeux incontournables pour le développement durable.
2. Pourriez-vous nous en dire plus sur les développements prévus de Frogans, les levées de fonds et le lancement effectif en 2022, les développements à l’international avec les États-Unis et la Chine ? Quels sont les liens entre la technologie développée et les autres instances de gouvernance d’Internet, notamment l’IETF, l’ICANN, l’ISOC et s’agissant du Web, le W3C ?
La technologie Frogans est développée sous la responsabilité d’une organisation à but non lucratif indépendante créée à Paris en 2012, l’OP3FT. L’OP3FT est une organisation de standardisation dédiée à la Promotion, à la Protection et au Progrès de la Technologie Frogans, d’où son nom. Elle poursuit cette mission en étant au service de l’intérêt général, ce qui se traduit par la diffusion de la technologie Frogans sous la forme d’un standard ouvert d’Internet, disponible gratuitement pour tous. Elle est épaulée par des antennes locales, dont une créée à Pékin en 2019, OP3FT China, et une autre en cours de création aux Etats-Unis à Washington D.C.
L’OP3FT travaille bien sûr en relation avec d’autres organisations de standardisation et de régulation d’Internet. Par exemple, en 2014, l’ICANN, autorité chargée notamment de l’attribution des noms de domaine, a délégué à l’OP3FT la délégation d’un nom de domaine de premier niveau, le .frogans, afin de garantir la sécurité et la stabilité de Frogans ; en 2019, l’IETF, qui définit les standards techniques d’Internet, a publié un RFC (request for comment, spécification technique d’Internet) sur le schéma d’URI « leaptofrogans » qui permet d’accéder aux sites Frogans depuis les autres couches d’Internet comme le Web ou la messagerie électronique ; depuis 2020, OP3FT China, est membre de l’Internet Society (ISOC) of China.
En haut, Khaled Koubaa (ancien membre du Conseil d’administration de l’ICANN, ex Google et à présent Facebook pour la politique publique en Afrique du Nord), Amaury Grimbert (F2R2) et Vinton Cerf (co-inventeur du protocole TCP/IP d’Internet)
En bas, Alexis Tamas (F2R2) et Steve Crocker (inventeur des RFC, pionnier d’Internet)
Le financement de Frogans est assuré par une société chargée, par délégation de l’OP3FT, de distribuer les adresses Frogans permettant d’accéder aux sites Frogans. Ce modèle économique robuste est directement inspiré de celui des opérateurs de registre comme Verisign dans le monde du Web. Enfin, j’ajouterais que pour prolonger la logique d’ouverture du projet Frogans, cette société, F2R2 (Frogans Friends Relay Registry), a lancé une opération d’offres de titres ouverte au public dans le cadre des dispositions réglementaires de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers). Avant une possible extension du financement à des investisseurs étrangers, cette offre diffusée en France est l’occasion pour chacun de pouvoir investir de façon privilégiée dans un grand projet technologique et industriel français. Il est possible d’y participer directement en ligne sur le site Web F2R2.
3. Auriez-vous des préconisations pour concilier le développement d’Internet avec une meilleure prise en compte de l’environnement (optimisation de la transmission de la vidéo consommatrice de bande passante, bon usage de la 5G, etc.) et comment voyez-vous Internet dans le futur ?
Les développements récents d’Internet ont permis des usages très pratiques, que l’on pense au développement de la diffusion de contenus en flux (streaming) ou au stockage en nuage (cloud). Mais ces développements se sont fait comme si les ressources de notre planète étaient illimitées. Les évolutions qui s’annoncent avec les métavers ne vont faire qu’accentuer cette tendance. Je pense que, sans renoncer aux avantages des progrès d’Internet, il va falloir privilégier des solutions frugales et plus légères. La technologie Frogans, par exemple, respecte l’environnement grâce à une conception technique nativement économe en ressources : les sites Frogans sont composés de pages légères (appelés « slides »), et tous les contenus affichés doivent être stockés sur un serveur unique, ce qui limite les transferts de données. Concrètement, nous estimons que la navigation sur un site Frogans consomme en moyenne 10 fois moins de données que la navigation sur un site Web, ce qui réduit considérablement le coût énergétique de la navigation, tant du côté du terminal de l’utilisateur que du côté des réseaux et du serveur.
Pour qu’Internet de demain soit plus responsable, y compris au-delà du seul plan environnemental, il est important qu’il soit mis au service de l’intérêt général. Pour cela, je pense qu’il faut renforcer le rôle des organismes internationaux de standardisation, car ils ont l’avantage de pouvoir considérer le temps long, et donc de contribuer à l’avènement de solutions pérennes. C’est dans cet esprit que la technologie Frogans est placée sous la responsabilité d’une organisation à but non lucratif indépendante, dédiée à 100 % au développement de Frogans, l’OP3FT (Organisation pour la Promotion, la Protection et le Progrès de la Technologie Frogans).
Pour mieux comprendre comment Frogans veut innover sur Internet de manière éthique et responsable, je renvoie les lecteurs de votre site Web à la table ronde de l’Institut G9+ et de l’association Télécom Paris Alumni, que vous aviez animée en décembre 2021.
Alexis Tamas est le co-inventeur de la technologie Frogans. Ingénieur de Télécom Paris, il possède une expertise avancée en matière d’innovation sur Internet avec les dimensions technologiques, économiques, juridiques et politiques.
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