En vue de la présidentielle 2022, la fédération InfraNum, qui comprend 222 entreprises sur l’ensemble de l’écosystème des infrastructures numériques en territoire (opérateurs télécoms, équipementiers, constructeurs, formateurs), vient de publier en ce mois de mars 2022 un guide 30 propositions [dont un nième Grenelle, la #8, Grenelle de la résilience et de la souveraineté] pour une France connectée et durable. Nous avons eu plusieurs initiatives comme le Plan France Très Haut Débit en 2012, la loi pour une République Numérique mais de façon égrenée et sans cohérence d’ensemble. Reprenant le souhait d’un ministère du numérique de plein exercice que j’avais formulé, Infranum a bâti des propositions (de la fibre optique dans les campagnes pour la cohésion territoriale, l’impact du télétravail et la résilience induite par la crise de la Covid) avec la convergence des transitions numériques et environnementales, la nécessaire souveraineté numérique et le développement.
Notons que la généralisation de la fibre optique d’ici 2025 sur tout le territoire signifie aussi les territoires d’outre-mer où l’inclusivité est souvent plus délicate à assurer du fait de la topologie et de la singularité des insularités. Le guide est structuré en 4 parties :
- le caractère essentiel du réseau numérique pour assurer cohésion et résilience des infrastructures (avec le raccordement à la fibre des habitations et des immeubles en particulier, le FTTH et la fibre optique notamment, la question des raccordements complexes, la transition de l’ADSL vers la FTTH avec depuis fin 2021 un point d’inflexion avec plus d’abonnés depuis lors à la fibre optique qu’à l’ADSL [et par ailleurs une qualité de service parfois dégradée sur l’ADSL par des investissements réalloués au profit de la fibre et des maintenances sur les réseaux historiques moins ou plus assurées], les infrastructures au service de la souveraineté comme la 5G, l’industrie spatiale et l’hébergement des données dans un cloud européen) ;
- le numérique au service des territoires avec les défis environnementaux, sociaux et démocratiques (avec les questions de mobilité, de gestion des déchets et de l’énergie et aussi les contractualisations entre l’Etat et les collectivités locales et tout l’enjeu des territoires connectés) ;
- le numérique levier de compétitivité nationale (la France n’est classée que 15e à l’indice européen en matière d’économie et de société numériques, aide de 2 000 € pour l’accès à la fibre pour les TPE/PME si difficulté de raccordement pour les territoires les plus isolés, kits de survie avec dispositif de cybersécurité et de visibilité en ligne souverains [attention, la visibilité en ligne est une opération qui s’inscrit dans la durée pour être visible de Google en particulier], co-développement avec transition numérique pour l’Afrique) ;
- la consolidation et la valorisation des expériences professionnelles (140 000 emplois seraient concernés dans le secteur, cartographier les besoins en compétence de la filière, féminiser le secteur du numérique qui en a besoin).
Ont été auditionnés publiquement un candidat et des représentants pour le numérique de 6 autres. L’extrême gauche (Poutou, Arthaud, Roussel) hormis Mélenchon et l’extrême-droite (Le Pen, Zemmour) étaient absents.
Nicolas Dupon Aignan a ouvert le bal. Il a souligné que la somme de 5 milliards d’euros pour accélérer la mise en place d’un réseau numérique égalitaire était à mettre en regard des 30 milliards consacrés au seul Grand Paris, jouant sur la nécessaire ruralité. Il veut un montage financier pour bâtir un réseau unique nationalisé qui serait loué par les opérateurs télécoms. Il plaide pour un vrai ministère de l’aménagement du territoire avec une composante numérique et souhaite la fibre optique sur l’ensemble du territoire en pointant un mouvement de retour à la ruralité lié à l’usure du modèle métropolitain avec pour détonateur la crise de la covid. Il reprend à son compte un vieux slogan du PCF « vivre et travailler au pays » en réponse à l’abandon des territoires. Pour la sûreté des réseaux et le cloud, il cite le retard par rapport à la Suisse.
Eric Bothorel, député LREM, représentait Emmanuel Macron. Il a indiqué que 87 % des logements seraient raccordables à la fibre fin 2022. C’est un satisfecit alors qu’il convient néanmoins de souligner que ce sont les opérateurs télécoms qui ont fait le travail. La généralisation de la fibre serait bien au rendez-vous en 2025, peut-être même un peu avant avec néanmoins les questions posées relativement aux raccordements complexes. La fiscalité pour les datacenters sera réalignée par rapport à l’Allemagne. Outre le rappel de l’accès essentiel à Internet, Eric est revenu sur la formation (apprentissage du code, réforme des lycées professionnels, formation continue), la cybercriminalité et le fait évident que le numérique était un levier fondamental par rapport à la transition énergétique et environnementale.
Nelly Garnier qui représentait Valérie Pécresse a décliné plusieurs sujets allant du dépôt de plainte cyber, la sécurité numérique, la souveraineté à la résilience des infrastructures. Elle a pointé le fait qu’une crise cyber et climatique pourraient toucher un territoire dans sa globalité et non un établissement, ce qui était un risque d’une ampleur jusqu’ici inégalée et qu’il fallait s’y préparer avec l’Etat qui doit avoir le rôle d’anticipation. Pour la formation, elle a souligné la montée en compétence, le manque de diversité du numérique, en particulier féminiser les métiers d’ingénieurs avec un test du potentiel numérique des élèves en Seconde. Mais aussi la reconversion des chômeurs, l’accompagnement de la transformation du monde économique avec la formation de hauts fonctionnaires via une Ecole nationale du numérique pour disposer des experts au plus haut niveau de l’Etat. Les enjeux de régulation notamment des GAFAM, la contribution à l’impôt équilibré sont d’autres thèmes évoqués tout comme le RGPD qui finalement a contraint les petits et non les gros. Le numérique est à mettre au service de la simplification tout en renforçant la couverture du très haut débit et des objectifs de couverture en très haut débit sur le territoire avant fin 2024 et non 2025 avec plus de zone blanche. Enfin repenser les services avec le citoyen au centre.
Alexandre Schön représentait Jean-Luc Mélenchon. Avec une culture numérique forte qui était plutôt une bonne surprise, on pouvait observer un caractère néanmoins « Arlette Laguiller des télécoms » avec le réflexe pavlovien ou l’atavisme de la taxation. Il a rappelé avec une bonne maîtrise du dossier que l’on dénombrait 34 milliards d’équipements informatique dans le monde, qu’une poignée d’acteurs les GAFAM détenaient les richesses, que les nouveaux modèles économiques étaient non pertinents, que l’on entrait dans un capitalisme de surveillance avec l’agrégation, la revente de données à caractère marketing et que ce n’était ni éthique ni souhaitable. Il a renchérit avec le fait que les GAFAM créaient leur propre autonomie avec désormais les câbles sous-marin pour créer un Etat dans l’Etat et les cessions des activités d’Alcatel (Alcatel Submarine Networks) ou Orange Marine dans le domaine qu’il faudrait racheter. Il a indiqué que 14 millions de personnes étaient exclues du numérique en France, ce qui est un problème réel même si le chiffre est sur-évalué. Continuant avec les chiffres, il a noté 660 datacenters dans le monde. Il voit le numérique comme un commun et pense que le service universel doit comporter le très haut débit sans faire la distinction avec les raccordements complexes avec des prix uniformes sur l’ensemble du territoire pour une péréquation tarifaire. Il plaide pour la régulation des publicités en ligne, un audit citoyen pour la 5G en étant opposé au déploiement pour la grand public. A juste titre il a indiqué l’erreur de confier les données de santé à Microsoft et qu’il fallait donner l’asile politique à Julian Assange et à Edward Snowden (le veulent-ils ?). La libéralisation du secteur télécom était selon lui une erreur car l’aménagement du territoire doit rester régalien.
Sylvain Raifaud, avec plus d’abonnements que d’abonnés sur Twitter, représentait Yannick Jadot. Il a immédiatement embrayé avec le rapport du GIEC avec une trajectoire pour contenir les effets du changement climatique, la maîtrise des ressources, et le fait que le numérique intervenait entre 2 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre ainsi que l’épuisement des ressources minières. Il n’a pas évoqué la question de production de l’énergie électrique. Il a souligné la nécessaire égalité des citoyens face à la dématérialisation avec un renforcement des capacités d’accueil et la formation des aidants. Côté chiffres, il a indiqué que si numérique était un Etat, il serait le 5e en consommation d’énergie derrière l’Inde et la Russie. Il a mentionné que 92 % des données européennes étaient stockées aux Etats-Unis et que 70 % de l’offre cloud était proposée par les GAFAM. Il plaide pour une souveraineté numérique supra-nationale au niveau de l’Europe avec les GAFAM qui doivent respecter les lois (sans dire comment au-delà des constats car ils règlent 14 pts d’impôts de moins que les PME nationales). Il a évoqué le système de gestion des informations personnelles PIMS afin de les partager avec les personnes de son choix, le soutien à la création et l’exception culture française. Et les impôts ont fusé : pour taxer les actifs en cryptomonnaie, l’impôt sur la fortune climatique, l’écocontribution sur les équipements même si l’obsolescence programmée est réelle par ailleurs. Pour cela il souhaite une extension de la garantie des équipements à 5 ans (mais si les mises à jour logicielles font ramer le matériel, cela revient à une obsolescence programmée déguisée). Ont été évoqué le rôle de l’Etat pour un cloud souverain, la régulation des plateformes, des usages sobres et raisonnés du numérique, le Wi-Fi pour des territoires connectés et durables sans insister sur la sécurité.
Sébastien Vincini représentait Anne Hidalgo. Il a pointé l’excellence numérique pour la France, la transition numérique avec une collaboration entre l’Etat, les collectivités territoriales et le monde économique, le besoin en travailleurs détachés faute de formation des gens pour « tirer du câble » et qu’il fallait consacrer 3 % du PIB pour former les créateurs de demain à l’évolution du numérique sans préciser plus avant. Par ailleurs qu’il fallait construire une gouvernance autonome via un ministère indépendant du ministère de la cohésion du territoire. Avec une balance commerciale déficitaire, il faut accompagner des start-up en soutenant des solutions technologiques souveraines et un soutien à la commande publique (sans chiffre toutefois), avec un cloud français et du pilotage ainsi que des schémas régionaux du numérique, des données pouvant être stratégiques sur le plan local (données sociales, de l’énergie, etc.). Il prône une stratégie de datacenters français, une transparence des algorithmes avec aussi un enjeu social, 3 % du territoire est une zone blanche avec la difficulté des derniers km de raccordement.
Enfin Frédéric Lefebvre-Naré était le représentant de Jean Lassalle pour les territoires ruraux qui sont souvent les laissés-pour-compte dans la couverture des infrastructures numériques. Il terminait en représentant la vision du candidat.
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