VivaTech 2019 : analyse et retour du CES made in Europe

Quelques chiffres pour commencer

La 4e édition de VivaTech s’est tenue du 16 au 18 mai. Selon les organisateurs, elle a réuni 120 000 visiteurs contre 105 000 l’année précédente.

Le retentissement est mondial avec plus de 100 nationalités présentes.

Une partie du hall 2 a été ajoutée cette année pour réunir davantage de sociétés et accueillir un public plus nombreux. Les organisateurs communiquent également sur un nombre de start-up qui dépasse l’entendement : 13 000 ! A vue de nez, car elles ont des petits stands de moins d’1m2 souvent hébergés par des marques des pays ou des régions, il m’a semblé qu’il fallait enlever le 1 devant. En fait les organisateurs communiquent plutôt sur le nombre de start-up présentes, celles aussi n’ayant pas de stand et qui étaient présentes pour visiter, pitcher, trouver des partenaires. D’ailleurs pour les pass proposés à la vente pour les 3 jours existaient plusieurs formules dont « startup », « executive », « investor » et également « student » à un prix de 25 euros particulièrement attractif – il existe toujours un intérêt pour les entreprises d’avoir des stagiaires dans leurs équipes pour faire de la veille et pas que. Parmi les articles sur VivaTech notons qu’Olivier Ezratty revient sur ce fameux nombre de start-up présentes et qu’il en dénombre 2034, ce qui frôle plus une puissance de 2.

La dynamique numérique

Le monde numérique est coupé en deux, entre d’une part des acteurs qui ont compris les enjeux de la transformation digitale et depuis 5 ans, les progrès en ce domaine sont considérables pour des entreprises qui bâtissent pour certaines des stratégies et des start-up qui se lancent tous azimuts avec, une des clés du succès, la coopération réussie entre grands groupes et start-up comme illustré dans la nouvelle édition du baromètre de la relation entre start-up et grands groupes. D’autre part des sociétés qui sont dans des attitudes plutôt attentistes ou impressionnistes avec aussi des start-up positionnées sur des niches de niches avec des business models peu lisibles que dans la véritable transformation digitale. Quoi qu’il en soit, on s’oriente plus à la manière des Etats-Unis dans le fait que la technologie n’est pas une fin en soi mais un moyen avec des entreprises davantage pragmatiques et tournées vers les usages, l’omnicanalité, l’expérience client, etc.

La dynamique numérique en France est en voie d’accélération depuis une dizaine d’années. Plus récemment, pour les 4 premiers mois de l’année 2019, 1,43 milliard d’euros ont été levés par les start-up françaises. C’est en net progrès mais reste à des années lumières de la Californie et de la Chine. Un fort contraste demeure en effet entre les investissements consentis par l’Europe et les deux géants du numérique, les Etats-Unis et la Chine.

Investissement de l'Europe dans le numérique

Les acteurs de VivaTech

Globalement, nous assistons à une plus grande maturité du salon qui réunit grands groupes, entreprises technologiques et start-up mais aussi le monde politique qui est là pour être vu et donner une image de modernité même s’il n’a, pour beaucoup, pas pondu une ligne de code et/ou a une vision quant à la digitalisation de la société. Des commissaires européens étaient présents comme l’influente Margrethe Vestager qui veut faire payer l’optimisation fiscale abusive des GAFAM et Pierre Moscovici pour qui Cédric O, notre secrétaire d’Etat en charge du numérique, avait travaillé dans une vie antérieure.

Des pavillons d’une vingtaine de pays étaient présents comme la Chine, la Corée du Sud, de nombreux pays d’Afrique, le Rwanda étant le plus impressionnant d’entre eux. Il est en passe de réussir sa transformation digitale et de devenir un hub pour l’Afrique (formation, connectivité, croissance, vols vers et depuis Kigali) avec la future Kigali Innovation City. L’Afrique avec des solutions comme CinetPay en Côte d’Ivoire pour le paiement et le transfert d’argent, Drone Africa Service au Niger, Sahitna pour améliorer la qualité des soins au Tchad étaient présentées dans le cadre de la francophonie numérique. Mais aussi le Royaume-Uni, la nation qui a compris au début du millénaire l’avantage concurrentiel apporté par le numérique, l’Italie du Sud qui veut montrer qu’elle est en phase de rattrapage, l’Allemagne, la Suisse certes moins disruptive que l’année précédente mais toujours innovante, l’Israël (la vraie « start-up nation » avec non loin de là les frères Dan qui y organisent des learning expeditions). Le stand du Québec était là pour tenter d’attirer des talents français (https://www.montrealinternational.com/ ou http://unbelavenir.gouv.qc.ca/fr/) sachant que Montréal est un fief du jeu vidéo avec comme fer de lance Ubisoft qui emploie 3 500 personnes là-bas.

Les pavillons des pays et des régions à VivaTech

La French Fab est représentée, avec de nombreuses start-up en région via le label French Tech avec par exemple Grand Est où était la solution de paiement EasyTransac, Hauts de France avec le dynamique EuraTechnologies, Ile de France et son large écosystème, Auvergne-Rhône-Alpes, Région Sud, etc.

Les laboratoires de recherche (CNRS, INRIA), de nombreux accélérateurs, des grandes écoles (dont Polytechnique) et des pôles comme Paris Saclay ou encore Bpifrance sont également de la partie.

Dans le gratin, signalons parmi les conférenciers Ginni Rometty, la CEO d’IBM, Jimmy Wales pour Wikipédia, Frédéric Mazzella, le P-DG de Blablacar, Usain Bolt dans le but de lancer des trottinettes électriques, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, Eric Léandri de Qwant et même Garry Kasparov pour une simultanée d’échecs contre plusieurs jours façon défi des Grandes Ecoles entre un GMI et plusieurs étudiants. Mais parmi les conférences, c’était surtout le charismatique Jack Ma, le CEO d’Alibaba qui va bientôt tirer sa révérence, qui s’est fait remarquer tant par ses mimiques exceptionnelles que ses phrases chocs comme « J’ai toujours travaillé à trouver des gens meilleurs que moi et à les aider à exprimer leur talent », le propre d’un manager 2.0, « La différence entre les hommes et l’IA, c’est que nous pouvons rêver. C’est le seul moyen d’exister » ou encore « Personne n’est expert du futur, les humains sont des experts du passé. Nous ne devons pas causer des problèmes à tout le monde à cause de problèmes particuliers. Je conseille aux gouvernements d’embrasser le futur. »

Jack Ma, le CEO d’Alibaba

Au gré des allées, le visiteur croise des groupes numérotés qui font des tours de découverte du salon qui sont des immersions pour typiquement des cadres en entreprise qui veulent mieux comprendre la révolution numérique. Il sillonne aussi des robots comme ANYmal ou des « Pepper like » avec lesquels il peut interagir.

Les robots, attractions des allées à VivaTech

Nous avons comme l’année dernière des gros stands (avec des grosses entreprises françaises qui tentent d’opérer leur transformation digitale comme Orange, La Poste avec cette année un stand plus aéré et les lancements de Platform58 et de Ma French Bank qui arrive dans 2 000 bureaux en juillet pour également concurrencer Orange Bank, la RATP, Accor, Valeo, BNP Paribas et ses fintech, Atos, SNCF mais aussi des acteurs comme AWS, Alibaba, Huawei, Cisco, SAP, IBM, Intel) avec pour l’automobile Renault et Citroën en force avec les véhicules électriques et même autonome avec un partenariat Renault-La Poste. LVMH ou L’Oréal montraient que le digital était utilisé pour améliorer leur offre et leur expérience utilisateur.

Les grandes entreprises à VivaTech

Les géants du numérique sont toujours présents à l’appel (Microsoft, Facebook toujours pas loin de Google, Amazon et surtout AWS, HPE, Saleforce, Samsung, Huawei sur fond de 5G qui plane dans les usages qui vont exploser). Google était dans la gamification avec des ateliers de formation.

Les femmes étaient à l’honneur avec la Girl Power conference sachant que plus on se rapproche des couches basses, plus on a un fort pourcentage d’hommes. La féminisation du numérique progresse mais davantage dans les couches applicatives. Signalons que Ginni Rometty est PDG d’IBM, Susan Wojcicki de YouTube au sein d’Alphabet ou encore Gwynne Shotwell présidente de SpaceX dans le « giron muskien ». Sans compter Fidji Simo, une française qui chapeaute l’application Facebook au sein du Groupe éponyme. Des progrès sont là et en France Xavier Niel s’est du reste environné de femmes dans son premier cercle en n’hésitant pas à leur confier des top responsabilités (Ecole 42, Station F).

Les tendances sont un peu tous azimuts avec par exemple le marketing comportemental avec analyse du visage et reconnaissance visuelle, les usages de la blockchain qui se développent avec des start-up à la clé, toujours une pincée de drones, la progression de l’open source, la réalité virtuelle qui a des applications opérationnelles et non plus exploratoires, une présence soutenue des fintech.

Ma petite sélection pour cette édition

Parmi les entreprises, quelques zooms suivent :

Qwant a annoncé un partenariat avec Microsoft. La firme de Redmond est de plus en plus dans l’open source dans une logique opportuniste comme en témoigne le rachat de GitHub. Qwant pour sa part tente de glaner des parts de marché à Google. Le partenariat passe aussi par le cloud Azure de Microsoft. La licorne OVH n’a pas été retenue car un enjeu politique prime et face à l’ogre Google, pas de cadeau semble-t-il. La nouvelle version de Masq a été annoncée pour reprendre le contrôle de ses données et de Qwant Maps basé sur OpenStreetMap pour être dans l’open source.

Petit à petit Qwant fait son nid. 5 % de parts de marché de la recherche en France

Hewlett Packard Enterprise était l’un des stands où j’ai retenu trois applications :

– La démonstration de l’exploitation des données de simulation en Formule 1. HPE est partenaire de l’écurie leader. La simulation et la prévision des positions des pilotes sont établies au fil du grand prix en établissant des projections. 300 types de données sont captées et analysées. L’enjeu est d’améliorer le set up avec par exemple les données des essais libres du samedi matin en vue du Grand Prix le dimanche.

– Un casque de réalité augmentée vendu à plusieurs entreprises avec des développements logiciels effectués par HPE. La solution est proposée en mode SaaS avec un client léger facile à installer. Cela permet de l’expertise à distance par casque (avec des échanges entre n experts et 1 opérateur) basé sur du chiffrement et une exploitation des données analytiques. L’avantage réside dans le faible coût et le choix de la solution matérielle qui vient épouser la solution développée.

– Un système de refroidissement par liquide d’un serveur particulièrement intéressant. Cela pourrait hypothéquer l’installation des serveurs dans les zones septentrionales si les coûts pour l’heure élevés se démocratisaient.

Les innovations sur le stand HPE

Quelques start-up et associations sélectionnées :

Plastic Odyssey, hébergé sur le stand de la Matmut, avec son dirigeant Simon Bernard, ingénieur de la marine marchande, a pour but de trouver des solutions pour que le plastique ne se retrouve pas dans l’océan. 19 tonnes par minute de plastique sont en effet déversées dans les océans avec les microparticules qui contaminent les poissons que l’homme consomme. Il insiste sur l’importance du facteur humain dans l’adoption d’une technologie et du besoin de faire connaître les technologies là où on en a besoin. Une des solutions consiste à transformer les déchets en ressources sur un bateau équipés en effectuant des escales. Le cycle du recyclage du plastique consiste à trier, laver, broyer, transformer. L’objectif avec l’expérience menée par exemple au Burkina Faso (où des déchets plastiques sont transformés en sacs, vêtements) est de résoudre la pollution et la pauvreté. Des low tech open source pour les machines développées permettent d’accélérer l’innovation. L’outil pour le tri des plastiques (spectromètre à infrarouge) est coûteux. Avec de l’innovation frugale, l’objectif est de le faire passer de 15 k€ à 100 € ! Ceci rejoint la vision de Navi Radjou. En dernier ressort, quand on ne peut plus rien faire avec le plastique, la pyrolyse permet de produire de l’énergie.

SkyVisor est une petite start-up mais avec déjà une vision. Elle se positionne sur l’inspection et la maintenance par drone des éoliennes. Les résultats sont meilleurs que par jumelle ou téléobjectif s’agissant du contrôle. Ce marché représente 7 millions d’euros mais il est en forte croissance. En France, le parc va passer de 7 000 éoliennes à 22 000 en 2023. Chacune a une durée de vie de 20 ans, ce qui ouvre des perspectives.

SafeCharge permet la gestion de son identité numérique avec le KYC pour faciliter l’expérience utilisateur en tentant de concilier sécurité et ergonomie.

Pollen Robotics, basé à Bordeaux, développe des solutions mixant IA/machine learning et robotique. Ils avaient sur le stand un Tic Tac Toe car le côté démo visuel assure toujours le buzz.

Démo d’un robot avec une solution de machine learning

Capsix, start-up de Lyon, a développé un robot de massage du dos avec un capteur en 3D adossé à un robot de façon à modéliser la personne et de livrer un massage plus efficace sur mesure. Il s’inscrit dans le cadre des programmes de relaxation des cadres des entreprises.

Terminons par Startup for Kids pour les 6 à 15 ans qui prépare des ateliers d’initiation au code et avec le programme Demain commence aujourd’hui, des hackathons, des conférences pour les 12-15 ans et les 16-20 ans sont proposés.

Et quelques photos insolites pour les nostalgeeks, une tenue mire de télévision (grille) et la vision en temps réel des stocks des rayons d’un magasin.

Petit à petit Qwant fait son nid. 5 % de parts de marché de la recherche en France

VivaTech est aussi l’opportunité de rencontrer des personnes de son univers professionnel et écosystème numérique, start-up et innovation pour des projets communs, PoC et partenariats. Ainsi ai-je pu échanger avec des personnes pas vues depuis plusieurs mois ou années. C’est peut-être aussi votre cas.

A l’année prochaine pour une 5e édition Citius, Altius, Fortius.

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