1. Comment est née l’idée de créer VMK pour concevoir des smarthones et des tablettes pour l’Afrique, le Congo et la Côte d’Ivoire en particulier ? Comment se positionnent vos produits qui au départ étaient assemblés à Shenzen avant d’être relocalisés et comment s’est effectuée cette étape ? Et quelles sont les perspectives de développement de l’entreprise en Afrique et au-delà ?
Au moment de la création de VMK, je réfléchissais plutôt sur le projet de conception d’un ordinateur portable. Concevoir les tablettes n’était donc pas notre idée de départ. Ce n’est qu’après le lancement de l’iPad – période au cours de laquelle mes équipes et moi étions en phase de recherche et développement – que nous avons transformé le projet d’ordinateur pour en faire celui d’une tablette. Cela nous semblait plus « réaliste » à mettre en oeuvre tant sur le plan technologique que financier et nous avons visé juste.
Depuis sa création jusqu’à ce jour, VMK a toujours misé sur l’accessibilité et la qualité. Nos réalisations nous ont permis d’être placés au rang de pionner de l’industrie technologique en Afrique. La qualité de nos produits est reconnue par tous et cela nous a motivé à nous engager pour relever un défi : combattre la fracture numérique en Afrique en mettant à la disposition des Africains des produits technologiques de qualité à moindres coûts. Et c’est ce que nous nous efforçons de faire.
Par exemple, nous avons rapatrié, au Congo, une partie de la production de nos produits. Cela a eu pour conséquence de réduire sensiblement nos coûts de production : ce qui a eu pour effet d’entraîner une baisse considérable des prix de nos produits.
Quoiqu’elle ne soit pas encore effective, cette relocalisation nous a permis de faire des économies d’échelle. La conjoncture défavorable qui prévaut au Congo semble nous tirer en arrière mais nous avons foi que nous relèverons notre défi ; notre combat étant juste et noble.
D’ailleurs, nous prévoyons d’étendre nos activités au-delà des deux pays où nous sommes cantonnés en vue de tonifier notre combat pour l’accessibilité de la technologie partout à travers le continent.
2. Quelles sont les actions que vous menez pour participer au développement numérique de l’Afrique auprès des jeunes générations avec les instituts de formation, les pouvoirs publics, les investisseurs ?
Comment voyez-vous le co-développement avec les grandes puissances numériques aux Etats-Unis, en Asie et en Europe ? Quel pourrait-être le rôle de la France ?
Avec VMK, nous travaillons d’arrache-pied pour permettre au plus grand nombre, et notamment les plus jeunes, de rentrer dans le monde du numérique avec les outils adéquats. Car pour beaucoup d’Africains, c’est en utilisant un produit VMK qu’ils ont découvert des plateformes comme Android, à titre d’exemple. Et nous en sommes très fiers !
Aussi, il y a la Fondation BantuHub, que je préside, qui est une organisation à but non lucratif qui œuvre pour la promotion des TIC et de l’entrepreneuriat juvénile en République du Congo à travers l’accompagnement des porteurs de projets innovants dans le processus de création d’entreprise.
A titre personnel, j’anime un blog où je partage des contenus enrichissants destinés aux jeunes intéressés par l’entrepreneuriat. Certains de mes articles ont pour objectif d’inciter les jeunes à se lancer dans le secteur du numérique.
Dans le même sens, j’ai rejoints récemment la plateforme mentorat.club : un site qui facilite l’interaction et le partage de connaissances entre mentors et fondateurs de start-up. J’y assiste des jeunes qui font leurs premiers pas dans le monde de l’entrepreneuriat.
Le co-développement avec les grandes puissances numériques existe déjà sous quelques formes et ces géants sont de réelles sources d’inspiration pour les entreprises africaines.
Le fait est que ces entreprises leaders américaines ou eurasiennes évoluent toutes dans des environnements favorisant leur développement. On ne peut pas vraiment dire la même chose de l’Afrique, donc ce n’est pas évident que les résultats soient aussi importants Mais ce qui est intéressant c’est que ces mastodontes du numérique ont réussi à faire éclore un ecosytème qui crée de l’emploi en Afrique et permet à de nombreuses start-up de croître.
C’est le cas de Google, Facebook ou encore Microsoft qui sont très impliqués dans la formation des jeunes africains pour les métiers du numérique mais le plus souvent c’est l’Afrique anglophone qui en tire pleinement profit.
La France peut ainsi jouer le rôle de passerelle, notamment pour les pays francophones. C’est une terre de compétences qui a hérité de certaines connaissances du monde anglophone. Elle peut donc effectuer un transfert de compétences avec les pays d’Afrique francophones car les pays anglophones y ont déjà accès dans la mesure où aucune barrière linguistique ne s’impose pour eux quand il s’agit d’apprendre des géants du web dont quasiment tous sont anglophones.
3. Enfin certains de vous disent que vous seriez le « Steve Jobs de l’Afrique » ? Que pensez-vous de cette comparaison et quelles autres grandes entreprises en Afrique (hors Afrique du Sud) pourriez-vous mentionner comme prometteuses ?
Je trouve cela très flatteur que l’on fasse référence à Steve Jobs en parlant de Vérone Mankou car je n’ai jamais caché mon admiration pour ce grand homme. Mais je pense que cette étiquette de « Steve Jobs africain » m’a collé à la peau parce qu’à l’époque où nous nous sommes lancés, il fallait trouver une formule pour bien expliquer aux gens ce que nous faisons et à mon avis, la référence à Steve Jobs était sans doute utilisée par les journalistes pour mettre les choses dans leur contexte.
Steve Jobs est quelqu’un qui m’a beaucoup inspiré dans sa façon de faire. Mais cela n’est pas une raison valable pour me comparer à lui. Je trouve cette comparaison démesurée car ses oeuvres ne sont pas assimilables aux miens en termes de portée. Il a accompli de grandes choses alors que moi, je suis encore sur le chemin de la réussite…
Et quand j’aurais enfin réussi, j’aimerais que l’histoire retienne le nom Vérone Mankou car peu importe les similitudes de nos réalisations, cela ne justifie pas le fait que l’on me fasse porter le nom de quelqu’un d’autre. D’ailleurs, on a jamais dit de Steve Jobs qu’il était le Graham Bell américain (quoique ce dernier avait fini par obtenir cette nationalité). Je pourrais également ajouter que Eto’o n’est pas considéré comme le Pelé africain, ou que Cristiano Ronaldo n’est pas non plus le Maradona portugais. Chacun marque son temps à sa manière et nous devons savoir apprécier cette diversité.
Je connais beaucoup d’entreprises africaines prometteuses évoluant dans le secteur du numérique. Mais je ne pense pas connaître de « grandes » tech-entreprises prometteuses basées « hors Afrique du Sud ». Ces deux filtres suffisent pour rendre le listing compliqué puisque les modèles de réussite sont quasiment tous en Afrique du Sud, terre de Ubuntu.
Parmi les start-up prometteuses en Afrique (qui ne sont pas forcément grandes) que je connais, je pourrais citer Andela qui est à cheval entre les Etats-Unis et le Nigéria. BRCK est aussi un projet qui a de l’avenir au Kenya. La seule grande entreprise qui me vient en tête c’est Jumia dont le quartier général est situé au Nigéria.
24 avril 2017
Vérone Mankou est co-fondateur de VMK, entreprise qui produit des tablettes et des smartphones destinés à l’Afrique pour réduire la fracture numérique. Basés sur Android, les produits sont de qualité et à faible coût. Il est également fondateur de Vox Médias et de la fondation BantuHub pour la promotion des technologies numériques au sein des jeunes de la République du Congo.
Commentaires récents