L’été peut être l’occasion de se plonger dans des livres pour se mettre à la page des tendances high-tech par exemple. Voici la sélection de l’été.
Le transhumanisme, sous-titré faut-il avoir peur de l’avenir ?, est un ouvrage très didactique de Béatrice Jousset-Couturier. Il explique l’histoire, les courants de pensée du mouvement transhumaniste, les croyances associées et revient sur la loi de la singularité, moment à partir duquel l’intelligence des machines aura dépassé celle des hommes. Certaines perspectives peuvent faire froid dans le dos mais mieux vaut en avoir conscience pour prendre des décisions en connaissance de cause même si dans notre société le principe de précaution cristallise parfois et empêche de prendre des risques. Pour autant l’extrême inverse peut générer des conséquences irrémédiables. On peut le voir avec les cultures transgéniques où l’homme joue à l’apprenti sorcier, les gaz de schistes et beaucoup d’autres exemples. La pensée transhumaniste et les réflexions philosophiques depuis le siècle des Lumières sont analysées de même que les oppositions au mouvement de façon éclairante pour le lecteur. Ainsi il pourra savoir où il positionnera le curseur en connaissance de cause. Un autre aspect est largement développé, celui du rapport entre transhumanisme et religion qui est un aspect à ne pas occulter pour les croyants avec la question centrale : être transhumaniste est-il compatible avec la croyance religieuse ? Les aspects sociétaux, politiques, éthiques sont évoqués en conclusion.
La 2e édition de Marketing RH de Franck La Pinta et Vincent Berthelot est un incontournable pour la transformation digitale des ressources humaines. 2 années après la 1ère édition, la mise à jour lui permet de conserver tout son intérêt. Les exemples pertinents abondent et donnent des éléments de réflexion pour tout acteur des RH et/ou du numérique dans l’entreprise.
Numérique : de la révolution au naufrage ? est un essai qui commence par une fiction d’un futurible en 2024 avec les progrès de la technologie. Les questions du droit à l’oubli numérique sont examinées en s’appuyant sur des affaires passées (par exemple affaire Wegrzynowskl c/ Pologne ou Costeja Gonzalez), les problèmes générés par les « données immédiates », le big data et les algorithmes qui par essence n’ont pas de cœur avec son corollaire le risque lié à des analyses prédictives dans la prise de décision. L’analyse est faite selon le droit associé au numérique et en particulier aux données.
Agronumericus, sous-titré Internet est dans le pré, est un ouvrage d’un agriculteur, Hervé Pillaud, particulièrement actif dans le numérique et qui est aussi un personnage. Avec un design et des pictogrammes en jaune et noir très bien travaillés, les grandes mutations de l’agriculture grâce au numérique sont dressées : big data, données et connaissances avec nécessaire partage, traçabilité, très haut débit. L’aspect humain est évoqué car l’agriculteur est souvent seul et a besoin de se connecter au monde et d’interagir. Les objets connectés, les drones, tout est passé au crible. Hervé Pillaud donne une vision de ce que pourrait devenir l’agriculture 2.0. Bon nombre d’éléments qui impactent la transformation digitale de l’agriculture sont évoqués comme les impacts du crowdfunding, du crowdsourcing. Mais aussi en collant à la problématique agricole avec les cas de Monsento, les questions d’ordres génétiques et éthiques, des exemples comme La ruche qui dit oui pour aboutir en 3e partie à l’agriculture augmentée. Hervé connaît les concepts numériques qu’il essaye d’instancier à la sauce agricole. Au travers la lecture, la mayonnaise prend même si c’est un peu décousu largement compensé par la facilité de lecture. Un livre à recommander pour les professionnels du secteur et aussi à tous les Français qui ont conscience que nous sommes le grenier à blé et agricole de l’Europe.
(E)réputation – médiation, calcul, émotion est l’ouvrage de Camille Alloing qui avait déjà co-écrit un livre à mes côtés et qui résulte de ses travaux dans le cadre de sa thèse et des publications nourries de son blog. Il s’appuie abondamment sur des travaux de recherche pour illustrer son propos au travers des 7 chapitres. Pour la définition web 2.0 toutefois l’accent sur le rapport aux données qui est primordial au-delà de l’aspect collaboratif n’est peut-être pas assez pointé. Les références à Serge Tisseron, Dominique Cardon, Antonio Casilli, Louise Merzeau, Bernard Stiegler, Julien Pierre sont légion. Le chapitre 3 traite de la réputation des organisations. Les bad buzz comme celui historique de Kryptonite et ses cadenas défectueux sont rappelés. L’ouvrage est riche pour la culture web qui est indispensable pour les étudiants et tout acteur de la e-réputation en entreprise. Les 4 prismes ou aspects d’analyse de l’e-réputation sont clairement décrits : managérial, cognitif, documentaire, système. On appréciera le modèle théorique de gestion de l’e-réputation en SIC qui est disséqué étape par étape. Le concept d’agents-facilitateurs, introduit dans la thèse de Camille, est bien illustré. En revanche pour les outils pratiques, il sera nécessaire de consulter l’ouvrage complémentaire Développer sa présence sur Internet.
Les quatre vies de Steve Jobs, préfacé par Michel Serres qui a professé à Stanford et a pu croiser Steve Jobs, se lit comme un roman très documenté. La lecture de ce livre de Daniel Ichbiah est passionnante. On y apprend des choses indispensables pour comprendre sa vie, depuis sa naissance, la rencontre magique avec le, pardonnez-moi l’expression « geek préhistorique » Steve Wozniak, l’entrée au Reed College en Oregon, son travail en 1974 pour Atari lors de l’époque du jeu Pong, l’arrivée de l’Altair et la création d’Apple sur leurs deniers (et sans entrée dans le capital d’Atari ou d’HP) en 1976 avec le choix du nom de la marque (en référence à un verger de l’Oregon, Etat situé juste au nord de la Californie), la première commande de 50 exemplaires de l’Apple I par Byte Shop, l’arrivée de Mke Markkula et le lancement de l’Apple ][ en couleur avec peu après le premier tableur VisiCalc, le Lisa qui porte le nom de sa fille et qui a préfiguré le Mac en pompant les concepts développés par Xerox pour l’interface homme-machine et les aspects humains et tensions au sein de l’entreprise et l’arrivée de John Sculley en provenance de Pepsi-Cola pour épauler la direction, le départ d’Apple en 1985 et la création de NeXT et son échec et le rebond avec Toy Story et Pixar, le retour chez Apple avec par ailleurs en 1996 le rachat de NeXTSTEP et le lancement de l’iMac en 1998 symbole de la renaissance d’Apple suivi de l’iPod avec iTunes, de l’Iphone (avec entretemps le rachat de la société FingerWorks pour sa technologie d’écran tactile) et le jailbreakage possible pour l’utiliser avec d’autres opérateurs de télécoms et les combats entre hackers et les dirigeants d’Apple partisans d’un monde et d’un OS fermé pour mieux le contrôler. Et enfin l’iPad. Toutes ces étapes sont relatées avec pleins d’anecdotes croustillantes. Bravo Daniel qui a été ému voici bientôt 5 ans (déjà) par ce personnage clé de l’histoire de l’informatique. Petite suggestion pour Daniel, un livre sur Elon Musk…
De la gouvernance à la régulation de l’Internet est une thèse de doctorat de Luca Belli. C’est un sujet que je connais bien pour avoir écrit Géopolitique d’Internet : qui gouverne le monde ? Elle met l’accent sur des organisations telles que le FGI, l’IETF ou l’ICANN pour la gestion des noms de domaine qui est un sujet visible et qui cristallise beaucoup d’énergie. Elle comprend un gros travail. Cependant, la partie gouvernance d’Internet par les entreprises elle-même est occultée. Or les GAFA jouent un rôle essentiel et c’est plutôt les conflits de pouvoir entre les entreprises, les organisations, les Etats et les internautes eux-mêmes qui font la gouvernance d’Internet (et non de l’internet). Par ailleurs, le travail colossal se focalise plus sur la dimension juridique alors même qu’Internet est par essence transverse à l’ensemble des connaissances, pas seulement juridiques, mais aussi sociologiques, techniques, humaines, etc. Comme le souligne Louis Pouzin qui a préfacé l’ouvrage, celui-ci est riche de plus de 2 000 notes de bas de page et constituera une mine précieuse d’information, plus côté ICANN et organisations de régulation – qui ne font pas tout car ce sont bien les Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – du moins pour l’Occident – qui dictent les usages et les standards de fait. Il reste à consulter néanmoins.
Le tournant numérique – et après est un livre intéressant pour le rapport entre le numérique et les sciences sociales. Il comprend des chapitres rédigés par des auteurs comme Dominique Boulier, Henri Desbois, Pierre Mounier, Bernard Stiegler, etc. mais aussi des entretiens. Sont analysés les impacts sociétaux de sujets comme le big data, les algorithmes et en fin d’ouvrage des questions par rapport aux inégalités, discriminations. Au global un ouvrage avec des contributions inégales et qui dépend des informations recherchées.
La blockchain décryptée – les clefs d’une révolution est l’un des tout premiers ouvrages en langue française consacré au sujet qui fait le buzz en cette année 2016. L’ouvrage est un recueil de témoignages pour évoquer la révolution apportée par cette technologie et les enjeux sociaux, politiques, éthiques, sécuritaires qu’elle emporte. Le livre qui n’est pas d’approche technique est édité par la start-up Blockchain France.
Enfin, Transformation digitale est l’ouvrage de référence pour ce sujet incontournable pour la mutation darwinienne de toutes les entreprises et organisations. Le modèle de maturité qui permet de se jauger à un instant t et d’alimenter sa stratégie de transformation numérique par rapport à ses forces et faiblesses est vivant. Mes recherches portent désormais sur son application au domaine bancaire par rapport à ce que sera la banque du futur. Le pouvoir était jadis aux mains des Etats. Désormais, ce sont les marchés financiers et les banques qui règnent. Si celles-ci sont disruptées ou ubérisées par de nouveaux entrants (fintechs, acteurs du crowdfunding, start-up s’appuyant sur les technologies à la blockchain avec les crypto-monnaies), il est nécessaire de s’interroger comment les banques pourront évoluer et se repositionner pour être compatibles avec la société 3.0. Tout retour de cas est le bienvenue.
Bonne lecture.
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