1. Pourriez-vous nous présenter les grandes étapes de StartingDot, les noms de domaines que vous gérez (.ski, .archi, .bio) et votre modèle économique ?
Il y a aujourd’hui plus de 230 millions de noms de domaine actifs sur Internet. Ce marché est une des niches les plus anciennes d’Internet et pèse plus de 3 milliards d’euros. Depuis fin 2013, il est dynamisé par l’arrivée de nouvelles extensions, appelées « nouveaux gTLDs » (gTLD pour « generic top-level domain »), qui complètent les extensions existantes comme .com et .org.
StartingDot a été créé fin 2011 et se positionne comme un opérateur de nouveaux gTLD « premium », c’est-à-dire dont le prix d’enregistrement annuel est supérieur à quatre fois celui d’un .com. Après une longue phase de candidature et de délégation technique, StartingDot a réussi à acquérir trois licences décennales de nouvelles extensions auprès de l’ICANN, l’organisation qui contrôle les noms de domaine : .archi (pour les architectes), .bio (agriculture biologique, biologie et biographie) et .ski.
Les extensions .archi et .bio ont été ouvertes mi-2014 et sont commercialisées par un réseau de 50 revendeurs comme Gandi et OVH en France ou GoDaddy aux Etats-Unis.
Plus de 13.000 noms de domaine ont déjà été enregistrés dans plus de 70 pays, tirés par l’extension .bio, qui figure dans le top 5 des extensions « premium » et marche fort en Italie, Allemagne et France. L’extension .ski sera quant à elle ouverte en septembre 2015.
StartingDot sera rentable après le lancement de .ski et nos opérations se concentreront sur le développement de la notoriété de nos marques-extensions et la croissance de notre parc clients.
2. En quoi selon vous certaines entreprises et organisations ont intérêt à opter pour un nom de domaine de ce type par rapport notamment aux spams, au référencement, à la communication et à d’autres critères de qualité ?
Nos extensions intéresseront en priorité les entreprises en création ne trouvant pas de domaines disponibles en .com compatibles avec leur raison sociale, des entreprises renouvelant leur site web et souhaitant rationaliser leur nom de domaine et enfin des entreprises souhaitant simplement protéger leur(s) marque(s).
Il faut réaliser que les nouveaux domaines comme .bio ou .ski sont des espaces totalement vierges à l’ouverture, permettant aux utilisateurs d’utiliser des noms de domaines signifiants, courts et cohérents. Nous constatons ainsi que de nombreux architectes enregistrent des noms de 3 ou 4 lettres avec l’acronyme de leur agence, laissant tomber des domaines du type ‘abcd-architectes.com’ au profit de ‘abcd.archi’.
Ces noms de domaine dans les nouvelles extensions sont plus efficaces car le nom de domaine et l’extension ont un sens, comme par exemple ‘meteo.ski’ ou ‘produits.bio’.
Les utilisateurs semblent plutôt contents de l’impact SEO de ces nouveaux domaines. Google n’a jamais confirmé ou infirmé leur accorder un traitement privilégié mais on peut faire deux constats qui nous encourage à penser que les nouveaux domaines sont positifs pour le SEO : primo, la régulation des nouvelles extensions est très stricte donc ce sont des espaces où les pratiques illicites d’Internet n’existent pas, ce qui favorise le « quality score » des sites ; deuzio, Google est impliqué dans les nouveaux domaines, avec près de cent candidatures nouveaux gTLD : Google a d’ailleurs récemment racheté les concurrents candidats à l’extension .app pour 25 millions de dollars, ce qui prouve l’attention portée par cette entreprise aux nouveaux gTLDs !
Le fait pour les opérateurs d’extension d’avoir une maîtrise technique totale des adresses permet d’envisager un niveau de sécurité maximum : c’est ce qui motive par exemple les promoteurs des extensions .bank et .barclays, qui offriront aux internautes un niveau de sécurité extrême lorsqu’ils navigueront sur des sites dans ces extensions.
3. Comment voyez-vous évoluer la gouvernance d’Internet, notamment le rôle de l’ICANN et qu’attendez-vous de la 2e édition du forum de la gouvernance d’Internet IGF France qui se tiendra le 2 juin prochain ?
Le sujet brûlant de la gouvernance d’Internet, c’est la transition en cours de la fonction IANA, dont le gouvernement des Etats-Unis doit abandonner la tutelle dans les mois à venir. C’est un test pour l’ensemble des Etats, notamment les pays émergents, sur la capacité des Etats-Unis à accepter une véritable mondialisation de la gouvernance de l’Internet. Ce processus de transition est en retard et risque d’être impacté par la prochaine élection présidentielle américaine : dans tous les cas, la transition a peu de chance d’intervenir d’ici fin 2015 comme cela était prévue. Mais rien ne permet à ce stade de dire que le processus lui-même soit menacé.
Cette transition est aussi une opportunité pour changer la gouvernance de l’ICANN et optimiser ses mécanismes de contrôle et de responsabilité. La vision européenne et française y sera d’autant plus influente que davantage d’individus et d’organisation s’y impliqueront et participeront.
Dans ce contexte, la voix de la France s’est fait entendre plus fortement depuis 2014. Le prochain FGI France sera l’occasion de clarifier la position française et de mieux comprendre comment la France conçoit le fonctionnement d’une gouvernance multipartite, puisque ce principe est affirmé avec force tant au niveau national qu’européen. Ce deuxième FGI France constituera par ailleurs une tribune pour rappeler que les sujets liés à la gouvernance « sur » Internet (et pas uniquement « de » Internet) sont importants et doivent être portés sur la place publique. Nous vivons un moment charnière où l’explosion des usages se heurte à l’obsolescence ou l’absence de cadre réglementaire et de règles du jeu claires.
Les acteurs clés de l’économie ont peur de se faire « uberiser » tandis que les gouvernements veulent légiférer, souvent dans l’urgence, mais ils sont le plus souvent en retard sur les acteurs du paysage numérique et décalés par rapport à une économie numérique intégrée et mondialisée. Nous avons besoin de concepts nouveaux pour réguler le numérique. Le FGI est un outil essentiel pour la confrontation des points de vue et des idées et pour réunir des acteurs qui ont peu d’opportunité de discuter.
Je me réjouis que le think-tank Renaissance Numérique soit l’un des organisateurs du FGI France. Lors de cette deuxième édition, nous animerons un atelier sur les enjeux sociaux-économiques de l’économie collaborative.
25 mai 2015
Godefroy Jordan, est Président-co-fondateur de StartingDot. Il est également co-président du think tank Renaissance numérique
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