J’ai été interviewé par Vincent Mongaillard pour Le Parisien/Aujourd’hui à propos de la restauration du Christ de Borja et du buzz sur les médias sociaux qui a suivi.
VM : Pourquoi l’affaire du Christ défiguré a-t-elle eu un tel écho planétaire ?
DF : Quand on allume un feu, si le foyer est bien alimenté dès le départ, celui s’embrase très vite. C’est ce qui arrivé avec cette histoire de l’Ecce Homo. Le directeur du centre culturel local s’est d’abord offusqué sur son blog sans avoir conscience de l’impact de son indignation et tout s’est emballé. Sur la Toile, une fois que le coup est parti, c’est très difficile à rattraper. Les traces numériques sont, en effet, impossibles à effacer. L’incendie a très bien pris en Espagne car on a touché-là à l’émotion, au sacré, à une icône dans un pays marqué par l’Inquisition et 8 siècles d’occupation par les Maures, où tout ce qui vise le religieux est sensible et pousse immédiatement à la réaction. Le starter était donc très puissant. La religion catholique étant universelle, l’information a pu ensuite prendre une dimension planétaire, aboutissant à des dizaines de milliers d’occurrences sur Google. Comme elle était crédible et qu’en plus, elle avait un caractère provoquant et drôle, elle s’est très vite propagée. Si elle avait été sans saveur, trop feutrée, la transmission n’aurait pas eu lieu. Ce sont les réseaux sociaux qui ont été les acteurs du buzz.
VM : Quels rôles ont joué les multiples parodies de l’œuvre ?
DF : Elles ont renforcé ce que l’on appelle la « viralité », elles ont boosté l’audimat de leurs concepteurs. Elles sont aujourd’hui très faciles à réaliser. En quelques minutes, avec un logiciel graphique de type Photoshop, chacun peut détourner une œuvre et connaître ainsi son heure de gloire. Au départ, l’octogénaire a été la cible de critiques sévères de la part d’internautes criant à la profanation avant d’être élevée au rang de star.
VM : Comment expliquer ce retournement ?
DF : La Toile est d’humeur changeante. L’opinion publique des réseaux sociaux peut basculer rapidement. Il y a l’évènement à proprement dit, et après, on refait le match. Il suffit qu’une poignée d’internautes très influents en parlent en bien ou en mal pour faire pencher la balance. Dans ce duel entre le clan des contre et le clan des pour, c’est le second qui l’a emporté car c’est celui qui a été le plus actif pour susciter de l’empathie à l’égard de la vieille dame.
VM : La mèche du buzz peut-elle être rallumée ?
DF : Une information qui a fait le buzz n’est jamais vraiment enterrée. Un stade peut être le théâtre de quatre ou cinq tours consécutifs de « olas » et soudain, tout ça s’arrête brutalement. En matière de buzz, c’est la même chose, ça peut se stopper net et repartir pour plusieurs tours dès qu’un fait nouveau resurgit.
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