1. Pourriez-vous nous présenter l’Observatoire International des Métiers de l’Internet ? Quel est le décalage constaté entre les besoins des entreprises et les formations et comment y remédier ? Quelles sont ses réalisations, les études menées ?
L’Observatoire International des Métiers de l’Internet a été créé voici 7 ans lors d’un projet européen ayant pour objectif d’analyser les métiers de l’Internet, les compétences demandées par les entreprises.
Par la suite le groupe s’est élargi. Il est actuellement composé d’Universités publiques, de hautes écoles publiques et privées, d’associations professionnelles de l’Informatique, des TIC et d’Internet régionales et nationales, d’organismes accompagnant les jeunes diplômés et demandeurs d’emploi. Une quinzaine de pays sont représentés au sein de l’Observatoire et travaillent soit au travers de projets européens soit en fonction de leurs ressources. L’Observatoire est ouvert à tout organisme en Europe et dans les autres continents (des coopérations démarrent avec l’Amérique du Sud, et des discussions sont en cours avec l’Afrique).
La gestion de l’Observatoire est effectuée par la Fédération Européenne de l’Economie Digitale EMF Forum e-Excellence. L’Observatoire est basé à la fois à Rochester (UK), Bruxelles et Bordeaux. Le site est principalement en Anglais, pour pouvoir être compris dans la majorité des pays membres mais les documents les plus importants comme les profils de fonction et les recommandations pour organismes de formation sont disponibles dans plusieurs langues européennes (Français, Anglais, Allemand, Espagnol, Hongrois).
L’Observatoire effectue une étude tout au long de l’année où les entreprises déclarent, lors d’un recrutement d’un professionnel d’Internet, les compétences qui sont importantes et aussi celles qui sont décisives pour elles. Ces données sont ensuite analysées par les partenaires, ainsi que les changements dans l’approche des différentes fonctions. De cette étude sont tirés des profils de fonction qui sont ensuite soumis à révision par les professionnels et les organisations représentatives. De même des « Recommandations pour les Organismes de Formation aux métiers de l’Internet » sont émises. Ces recommandations s’appuient sur les écarts constatés par les entreprises entre les compétences qu’elles recherchent et celles présentées par les jeunes diplômés qu’elles reçoivent. Ces recommandations sont ensuite soumises pour révision aux professionnels et formateurs. Elles sont ensuite publiées officiellement.
Les dernières études publiées cet été montrent que dans la majorité des cas, la formation correspond plutôt correctement aux besoins sur le plan technique, par contre les compétences transversales et comportementales sont peu enseignées alors que la décision finale d’embauche se fait souvent sur ces compétences. Pour résumer, on peut dire qu’un premier tri d’élimination des candidatures est effectué sur les critères techniques, et que le choix final s’effectue sur ces critères non techniques.
2. Comment ont évolué les besoins en formation et quelles différences constate-t-on dans la formation professionnelle en matière d’Internet (création de site, webmarketing, community management, etc.) et quelles sont les bonnes pratiques qui seraient utiles de mettre en œuvre ?
Tout d’abord quelques particularités relatives aux métiers de l’Internet sont à prendre en compte :
Internet est jeune… L’ouverture au public s’est effectuée grâce à la création du Navigateur (Netscape en 1992) puis l’ouverture des connexions au public suite à la création d’accès à Internet à un coût de connexion local en 1994. Le développement de l’usage collectif et notamment commercial a amené à la création des premières formations dans les années 1998-2000.
Un étudiant en médecine est formé par des enseignants qui ont suivi les mêmes études, il en va de même pour la majorité des enseignements, mais pour les métiers de l’Internet les premiers enseignants ayant suivi ces cursus commencent à arriver… Principalement les enseignants des métiers de l’Internet sont des professeurs d’informatique !
Les métiers de l’Internet tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui sont des métiers de communication, utilisant des outils techniques. Les enseignants sont focalisés sur la technique, les compétences de communication sont parfois oubliées.
Les références pour l’enseignement sont souvent empruntées à des modèles de grandes entreprises : IBM, Cisco, Microsoft… Or depuis 3 ou 4 ans on remarque que la majorité des métiers Internet sont exercés dans des entreprises de petite taille et souvent hors du secteur informatique/télécoms, ou Internet. Ce sont des petites entreprises (souvent moins de 20 employés) de tous secteurs d’activité dans lesquelles le secteur Internet est assumé par une personne ou une petite équipe. Dans ce cas une grande transversalité est nécessaire alors que les étudiants sont plutôt formés sur des profils verticaux. La formation d’un webdesigner est différente de celle d’un webmestre, d’un webmarketeur, ou d’un Community Manager. Dans la « vraie vie » des PME, une personne est souvent recrutée (ou une mission est confiée) pour créer un site Internet, il est donc recruté en tant que webdesigner, mais on lui demande d’assurer le suivi et la mise à jour du site, il devient donc un webmestre. Pour assumer cette fonction de webmestre, il doit exercer des compétences de webmarketer et de community manager… Chaque entreprise fait un agrégat différent de diverses fonctions en fonction de ses besoins ! Il est donc nécessaire que le professionnel ait un vaste panel de compétences. C’est un des points où un gros décalage existe entre les formations et les besoins des entreprises.
Par ailleurs si les compétences techniques sont plutôt bien enseignées, on assiste à un décalage sur les compétences personnelles : Le sens du travail en équipe, l’attention aux détails et à la précision, la capacité de communication (dans l’entreprise et sur le net), l’orientation client : c’est au système de s’adapter aux besoins des clients et non aux clients de s’adapter à la philosophie des professionnels ! De même la capacité à écrire correctement (orthographe et grammaire) est capitale : un site Internet comportant des fautes d’orthographe ou de grammaire voit son chiffre d’affaires baisser de 50 % (selon une étude BBC). Or très peu d’organismes de formation enseignent ou sélectionnent sur l’orthographe, pourtant aucune entreprise ne confiera la responsabilité d’écrire à un professionnel ne maîtrisant pas ce point !
On voit vraiment peu de différences d’un pays à un autre en Europe, les problèmes sont les mêmes (formation grandes entreprises, compétences transversales…..).
3. Enfin quels sont les liens entre l’Observatoire International des Métiers de l’Internet et le Portail des Métiers de l’Internet de la Délégation aux Usages de l’Internet ?
L’Observatoire est Européen et totalement indépendant pour assurer une veille sur les changements et l’amélioration des processus de formation. Bien évidemment nous sommes en relation avec la DUI, qui reprend souvent nos informations et les diffuse. Nous sommes également en relation avec Techno-compétences, l’équivalent québécois, et diverses autres organisations en Europe.
6 août 2012
François Adoue est Directeur de l’Observatoire International des Métiers de l’internet. Il a créé l’un des premiers buzz sur Internet en 1996 avec le premier serveur emploi grand public médiatisé, Le Concept Hypertexte Internet Rassemblant les Acteurs de l’Internet contre le Chômage ce qui fut l’acronyme du serveur CHIRAC.org.
2 Commentaires
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Je suis tout a fait d’accord avec les remarques de Conseil en Stratégie Digitale ! Habituellement dans une PME; ou une TPE le chef d’entreprise est capable de tenir (plus ou moins bien ) l’ensemble des postes dans son entreprise, depuis la comptabilité, le commercial, les relations publiques, la fabrication, ou tous les autres emplois dans son entreprise.
Lorsque, et c’est le cas le plus courant aujourd’hui, il embauche ou confie une mission internet à un professionnel, il confie quelque chose qu’il ne sait pas faire lui même, souvent même il a toutes les difficultés à évaluer quelles sont les compétences nécessaires ! D’ou l’importance capitale pour le candidat, de montrer (et de prouver) ce qu’il sait faire, de savoir écouter et montrer qu’avec les informations qu’il a reçues il sera capable de participer au développement de l’entreprise. Si le candidat adopte un langage de geek, il ne pourra pas donner confiance !
Encore plus dans ce cas les compétences transversales : esprit d’équipe, attention aux détails, savoir analyser…(telles que décrites dans les lignes directrices pour organismes de formation) sont décisives lors d’un entretien de recrutement ! Tout le savoir faire réside dans le fait de savoir expliquer et démontrer sans apparaître comme « supérieur »… mais donner confiance et mettre ses compétences au service de l’entreprise ! Créativité et imagination, en accord avec la stratégie de l’entreprise !
Il est clair que ce que tu as appelé la bi-évangélisation des recruteurs et des recrutés est nécessaire, mais c’est bien le chef d’entreprise qui décide d’embaucher ou non ! il est donc nécessaire que le candidat soit suffisamment « fin » psychologiquement pour s’inscrire dans cette démarche qui prend du temps.
Pour ce qui est de l’orthographe, effectivement « faire des fautes » stratégiquement pour optimiser le SEO peut être une stratégie payante, mais pour « faire des fautes exprès » et choisir ses fautes, cela nécessite une parfaite maîtrise de la langue ! Cela démontre encore plus, si besoin était, l’importance de la maîtrise de la langue ! Bien souvent non traitée par les organismes de formation !
A propos des attentes des entreprises concernant les candidats :
Souvent, le pb n’est-il pas aussi que les entreprises, ne connaissant pas ou très peu ces nouveaux métiers (le community management par ex.), n’ont PAS d’attentes spécifiques, car elles ne savent pas vraiment de quoi il est question ? Le recruté est souvent précurseur, et c’est lui qui va mettre en place son métier dans l’entreprise. Se pose alors le pb de la confiance : comment l’évaluer lorsque personne ne comprend ce qu’il fait ? On comprend les hésitations étant donné les enjeux…
On en revient à la problématique d’une nécessaire « bi-évangélisation » des recruteurs (de quoi est-il question) et des recrutés (comment fonctionne une entreprise, quelle est sa logique)…
A propos orthographe, on touche un point complexe, car coincé entre deux logiques opposées bien qu’ayant un objectif commun : le SEO et la longue traîne (de ce point de vue, le rédacteur peut être considéré comme un bon lorsqu’il fait des fautes stratégiques) / le bon sens humain et la logique commerciale… Et il y a aussi de nombreux(ses) analphabètes + difficiles à embaucher 😉
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