1. Quel est le positionnement de l’agrégateur de réseaux sociaux Seesmic sur le marché ?
Seesmic n’est plus un réseau social comme à ses origines. Aujourd’hui, c’est une application pour partager sur les réseaux sociaux, soit des informations personnelles avec ses amis, soit des informations professionnelles avec des partenaires. Seesmic est aussi une application pour récupérer tous les commentaires existant sur les réseaux sociaux. On résout donc un problème très simple pour une marque ou un individu qui utilise différents réseaux sociaux : c’est généralement pénible d’aller partager des informations à différents endroits, puis de récupérer les commentaires circulant sur les différents réseaux sociaux. Seesmic a donc commencé à intégrer Twitter et Facebook, bientôt on intégrera LinkedIn. À date, on compte 2,5 millions de téléchargements de Seesmic Desktop depuis le monde entier, ce qui correspond à environ 10 000 par jour, chiffre très conséquent. On a lancé un site Web (Seesmic.com) qui permet de faire la même chose sans rien installer, notamment pour les entreprises dans lesquelles c’est parfois simplement impossible d’installer un logiciel.
Notre société est aussi sur le point de lancer une application iPhone et une Android. Toutes ces applications pourront se synchroniser. Sur son Mac ou PC au bureau, on aura tout ce que les gens disent sur sa marque, et retrouver cela sur son iPhone synchronisé, ceci répondant à une forte demande. L’idée de lancer Seesmic m’est venue de manière simple: je gère moi même mes trois marques sur Internet : Seesmic, ma conférence LeWeb 3, et ma propre marque qui est mon nom. En fait, je subis moi même ces problèmes en permanence, et je ne trouvais pas de solution adaptée, donc je me suis dis que j’allais le faire. Voilà, c’est tout simple !
2. Seesmic étant aujourd’hui téléchargé gratuitement, quel est votre modèle économique ?
On a deux modèles économiques. Le premier repose sur l’insertion de publicité: les annonceurs sont très friands et demandeurs de nos outils car d’après Comscore, 20 % des investissements publicitaires sur Internet sont aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Les annonceurs savent que les internautes passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux. Nous pensons obtenir donc de bons revenus publicitaires, y compris sur les mobiles. Le deuxième modèle repose sur une offre payante simple, du type 5 dollars par mois, accessible à tous, permettant d’avoir des services supplémentaires comme par exemple la synchronisation (PC et iPhone) et une offre entreprise plus haut de gamme. Des gens comme CBS News utilisent Seesmic, eBay, ou Hewlett Packard, pour de la gestion de marque. Ces sociétés adorent notre logiciel, car il leur permet de gagner un temps précieux, et la demande est réellement sur des outils plus sophistiqués que ceux de l’utilisateur standard, comme des statistiques sur les endroits où les gens ont cliqué, les sources. Par exemple beaucoup d’entreprises utilisent Seesmic pour faire du « customer service », comme Dell sur Internet. Dans ce cas, il faut avoir un outil collaboratif. Cela demande non seulement de traquer les réponses des gens, celles de l’entreprise aux clients, mais aussi d’avoir la notion de « je suis en ligne ou pas » (est-ce que c’est tel ou tel opérateur qui répond sur Twitter ou pas). Beaucoup de marques considèrent que cela devient très important. On le fait nous-mêmes. Une personne est à temps plein chez Seesmic pour gérer la marque. Si vous posez une question sur Seesmic, on va vous répondre dans la minute qui vient, et on est en train d’en recruter une deuxième basée en Europe pour qu’on puisse proposer du 24 h/24. Nous comprenons bien les besoins d’une marque, car nous sommes nous mêmes une marque. Nous pratiquons donc nous même le « customer service » nouvelle génération et allons lancer une suite plus élaborée pour répondre aux besoins des entreprises, au prix d’environ 100 dollars par mois en ciblant les grandes entreprises. Nous ne sommes donc pas inquiets, mais nous ne sommes pas non plus prêts à monétiser parce que notre modèle actuel est le gratuit. On ne fait pas de publicité, et pourtant on a 10 000 téléchargements par jour ! Le budget marketing, c’est d’être gratuit. On commencera à monétiser probablement début 2010, dès qu’on obtiendra un certain seuil d’utilisateurs.
3. Quelles sont les 3 ou 4 recommandations que vous donneriez aux entreprises qui ont peur d’utiliser les réseaux sociaux aujourd’hui ?
De commencer d’abord par le plus facile : écouter. La meilleure manière de le faire est d’aller sur search.twitter.com, et de taper sa marque, d’aller sur Google box search, et Facebook va lancer bientôt son moteur de recherche. C’est la base, mais finalement il y a assez peu de marques qui le font. Sur Seesmic, on a organisé ces recherches sur plusieurs colonnes, et on peut configurer ces différentes colonnes, ce qui permet de tout surveiller en même temps. Les entreprises ont en effet généralement plusieurs marques et plusieurs termes qu’elles veulent suivre.
Ensuite, de répondre quand notamment les gens sont mécontents, critiques. Cela n’a l’air de rien, mais c’est très difficile et très peu de marques le font, parce qu’elles ne sont pas du tout habituées car c’est public. En général, la réponse des marques est complètement déconnectée de la demande croissante des utilisateurs pour avoir une réponse publique de ces marques. Leur argument est que les seules personnes habilitées à s’exprimer en public sont les responsables presse ou le marketing. En fait, c’est une catastrophe car on laisse un bouche à oreille négatif se propager. Il faut donc répondre. Cela pose problème car les marques réalisent qu’elles ont besoin de ressources qu’elles n’ont pas. Nous, toute petite entreprise (20 personnes), une personne est dédiée à plein temps à cette tâche. Pour moi, c’est beaucoup plus important que n’importe quelle autre type de marketing qu’on pourrait faire, car à chaque fois, les utilisateurs sont contents parce qu’on leur répond, parce qu’on les aide. Ils vont en parler à d’autres et ainsi de suite. Pour moi, cela vaut cent fois une page de pub dans le New York Times.
La troisième recommandation est évidemment, quand on répond, de le faire de manière transparente, de ne pas cacher les problèmes, de les reconnaître.
La quatrième action à mener, uniquement lorsqu’on a réalisé les trois premières, c’est de partager tous les jours, quotidiennement, sur ces réseaux eux-mêmes, c’est à dire qu’il faut avoir une présence de la marque, surtout pas de manière « corporate marketing », à savoir pénible et peu intéressante pour les utilisateurs. Ce que veulent les gens, ce sont des marques accessibles, sympathiques, ouvertes, et qu’on sente qu’il y ait des gens derrière. Servir toute la journée des informations produits, cela ne suffit pas.
Ces quatre points là vont prendre cinq à dix ans pour que les marques en comprennent l’intérêt, l’importance et y attribuent des ressources. Les marques aujourd’hui investissent des fortunes en marketing, en publicité, sans se rendre compte qu’elles ignorent complètement leurs fans, leurs utilisateurs. Le temps que cela prend pour intégrer ce constat m’étonne énormément ! Aux États-Unis, les marques qui sont toujours citées pour leur stratégie sur les réseaux sociaux sont Wholefoods, qui a une quinzaine de comptes Twitter, Dell, BestBuy, et les compagnies aériennes, comme Southwest et Jet blue, qui sont les deux low costs qui répondent de manière incroyable : si vous râlez parce que votre avion est en retard, vous posez une question et ils vous répondent immédiatement sur Twitter. Cela surprend les gens très positivement ! Air France commence à répondre aussi.
13 avril 2010, propos recueillis par Christine Balagué
Loïc le Meur, top blogueur, est P-DG fondateur de Seesmic, créateur de la conférence LeWeb3, rendez-vous international des blogueurs, qui se tient chaque année en France début décembre.
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