1. Comment évaluez-vous le retard français dans les technologies numériques par rapport à des pays comme l’Estonie, la Scandinavie ou même l’Allemagne et le Royaume-Uni ? Et que préconisez-vous pour accélérer le rattrapage ? Et quelles seront les actions de Renaissance numérique en 2010 ?
La France a pris du retard face aux pays étrangers car il n’y a pas eu, jusqu’à très récemment, de réelle volonté politique de développer fortement le numérique en France. Je rappelle que voici à peine 3 ans, 45 % des foyers français étaient équipés d’un ordinateur, nous étions alors très en retard par rapport à nos voisins comme l’Allemagne et le Royaume Uni, ou encore la Lituanie !
En Suède, dès les années 1990, le gouvernement suédois a mis en place la « Home PC reform », réduction d’impôt lors de l’achat d’un matériel informatique, puis les « loan PCS », permettant à des employeurs de prêter des PC neufs à leurs salariés. Cette réforme a permis à des centaines de milliers d’employés suédois d’équiper leur domicile en matériel informatique.
Aujourd’hui en France, 64 % des foyers sont connectés à Internet, ce qui traduit une évolution positive mais encore insuffisante. De grandes fractures numériques existent toujours, en particulier chez les foyers défavorisés, qui ne peuvent accéder à un équipement informatique beaucoup trop cher encore pour eux. Pour trouver des solutions sur cette cible, nous avons été au sein de Renaissance Numérique membre fondateur du label ordi 2.0, et défendons la filière du reconditionnement des ordinateurs pour équiper les foyers défavorisés. Le fonctionnement est le suivant : les grandes entreprises généralement changent leur parc informatique au bout de 2 ou 3 ans. Au lieu de donner ces ordinateurs à des brokers qui les envoient à l’étranger, l’idée est de donner ces ordinateurs à des reconditionneurs, qui font travailler des personnes en réinsertion sociale, qui vont vider l’ordinateur de ses données et le remettre sur le marché, au coût environ de 100 euros. Cette filière du reconditionnement a ainsi un triple avantage : le respect de l’environnement avec le respect de la loi DEEE, le développement d’emplois de réinsertion sociale, l’accès à un matériel peu cher pour les foyers défavorisés. La deuxième cible touchée en France par la fracture numérique est constituée des seniors. 14 % des plus de 70 ans sont connectés à Internet en France. Sur cette cible les enjeux sont différents. Il s’agit de développer des ergonomies adaptées, de promouvoir et faciliter la formation et l’accompagnement, ainsi que des usages adaptés. Nous avons au sein de Renaissance Numérique écrit un livre blanc intitulé « l’Internet n’a pas d’âge », que j’ai remis à Nora Berra, Secrétaire d’Etat aux aînés, et dans lequel nous détaillons des mesures de sensibilisation des seniors à l’utilisation du numérique. L’une des propositions est simple : créer des programmes TV, comme c’est le cas en Italie et en Angleterre, expliquant les bénéfices et les usages d’Internet auprès des seniors, leur permettant ainsi d’avoir confiance en ces technologies qui peuvent leur apporter beaucoup, notamment le lien social avec leur famille ou des services médicaux ou à domicile.
En 2010, Renaissance Numérique a lancé plusieurs groupes de réflexion, tous accès sur le développement du numérique dans une optique citoyenne. Le premier porte sur le développement d’Ordi 2.0 en Ile de France, suite à un appel à projet que l’association a gagné. Le deuxième groupe de travail s’appelle Banlieue 2.0, c’est un groupe de réflexion avec le Ministère de la Ville et de nombreux autres partenaires sur la manière dont les TIC peuvent développer l’emploi des jeunes en banlieue. Un troisième groupe porte sur TIC et innovation sociale, et nous avons enfin une collaboration avec le secrétariat d’Etat aux aînés sur les problématiques de TIC et e-santé. Enfin, nous avons signé une convention de collaboration avec la Délégation aux Usages de l’Internet pour travailler sur le développement des usages grâce à l’ergonomie.
2. Quels sont les grands enjeux des réseaux sociaux pour les entreprises et les organisations ? Comment vaincre certaines résistances au changement et quels sont les leviers pour la réussite de l’intégration des réseaux sociaux dans une stratégie d’entreprise ?
Les réseaux sociaux représentent un enjeu majeur pour les entreprises aujourd’hui. Le premier repose sur l’idée selon laquelle les marchés sont devenus des conversations, et que les entreprises doivent aller sur les supports où ces conversations ont lieu, à savoir sur les blogs, les forums, mais surtout les réseaux sociaux. L’explosion des usages est en effet impressionnante. Facebook aujourd’hui regroupe plus de 350 millions de membres, il y a 50 millions de comptes Twitter, et les réseaux sociaux, ce sont aussi une multitude d’acteurs (YouTube, MySpace, Viadeo, LinkedIn, etc.). Les internautes sur ces réseaux propagent de l’information sur les marques, qui peut être positive ou négative. Les entreprises doivent donc aujourd’hui adapter leur stratégie en prenant une place claire sur les réseaux sociaux. Leur stratégie marketing en est impactée : il faut écouter les internautes, dans le cadre d’insatisfaction (les réseaux sociaux sont alors de formidables outils de gestion des plaintes), mais aussi de satisfaction, afin de diffuser au sein des réseaux sociaux ces commentaires positifs. C’est ce qu’on appelle le buzz. Les réseaux sociaux sont aussi des canaux de ventes potentielles, de recrutement de collaborateurs, d’experts. Enfin, une entreprise peut aussi créer son propre réseau social, dans ce cas dédié aux employés de l’entreprise, et nous détaillons dans l’ouvrage Facebook, Twitter et les autres… qui vient de paraître les différentes possibilités et le cadre technique.
L’intégration des réseaux sociaux dans sa stratégie d’entreprise induit généralement une forte résistance au changement, car cela remet en cause les processus mis en place traditionnellement depuis des années : elle suppose l’écoute du client, la prise en compte de ses commentaires, la co-production de valeur, la transparence des discours. Cela probablement prendra plusieurs années, mais les premiers à investir et à s’adapter seront probablement gagnants…
3. Enfin comment s’est passé le travail de rédaction de « Facebook, Twitter et les autres… » et votre collaboration avec le co-auteur, quels anecdotes auriez-vous à nous faire part ?
J’ai eu beaucoup de plaisir à écrire cet ouvrage en collaboration avec David Fayon, car nous étions très complémentaires dans l’approche de ce sujet. David, de formation ingénieur, a particulièrement approfondi les problématiques liées aux technologies des réseaux sociaux, son expérience en entreprise donne également des éclairages concrets. Je me suis intéressée de mon côté à l’apport de l’ensemble des recherches académiques sur les réseaux sociaux, afin de mieux comprendre ces phénomènes nouveaux. Mon expertise en marketing électronique m’a permis d’approfondir les stratégies d’entreprise sur cette partie que je connais bien et que j’enseigne régulièrement à mes étudiants.
David est un grand adepte de la course à pied et des raids, et il devait manager son entraînement et nos réunions sur le livre, mais du coup, il arrivait toujours en pleine forme ! Mais ceci nous a bien aidé, car créer et développer un réseau social, c’est un marathon, et pour que cela fonctionne, cela demande une construction de long terme et un véritable professionnalisme !
10 mars 2010
Christine Balagué, maître de conférence à l’Institut-Telecom-Telecom et Management, est co-présidente de Renaissance Numérique. Elle est co-auteur du livre Facebook, Twitter et les autres… et anime le site éponyme.
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[…] Dans la première, Christine Balagué, maître de conférence à l’Institut-Telecom-Telecom et Management, explique pourquoi la France est à la traîne dans ce domaine, quels sont les enjeux des réseaux et pourquoi il faut les intégrer dans la stratégie de l’entreprise. Pour lire l’article, cliquez ici […]