Depuis 5 ans, les réseaux sociaux se sont développés tout azimut. Une kyrielle d’acteurs ont vu le jour, souvent de nouveaux entrants : LinkedIn, MySpace, Bebo, Facebook, Viadéo, Plaxo, Twitter, Orkut, etc. De nouveaux acteurs apparaissent tous les mois.
L’identité de l’internaute avec son carnet d’adresses constitue le pivot d’un réseau social avec les fonctions de messagerie et de forum de discussion. Chaque réseau social ajoute une série de fonctionnalités comme les « news feed » sur les actions des membres de son réseau. Les réseaux sociaux peuvent être spécialisés (par ex. LinkedIn et Viadéo dans le domaine professionnel qui permettent aux recruteurs ou aux partenaires la recherche de profils par mots clés) ou généralistes. Selon Techncruch, le réseau social généraliste a pour première vocation de rester en contact, le réseau social spécialisé repose sur un intérêt commun.
Les réseaux sociaux vont devenir omnipotents. Déjà, certains internautes délaissent leur blog au profit de Facebook. Pour quelqu’un qui publie peu de billets, il peut en effet être plus intéressant en matière de visibilité sur Internet d’opter pour un réseau social.
En matière de viabilité économique, la question centrale est celle des usages présents et à venir et du financement associé. Les usages séduisent indéniablement, la force d’un réseau étant les usages qui en découlent. Facebook l’a montré avec sa multitude d’API développées et a pris de l’avance dans ce domaine en fédérant une communauté de développeurs. Open Social, plate-forme de développement d’applications compatibles avec des nombreux réseaux sociaux constitue une réponse intéressante qu’il conviendra de suivre. Au-delà des usages, la question pour la pérennité d’un réseau social est de savoir si les internautes sont prêts à payer. Le modèle économique des réseaux sociaux et de leur écosystème reste globalement à inventer. Le « business model » devra refléter la valeur créée par les réseaux sociaux des membres. Des sites comme LinkedIn ou Viadéo proposent la gratuité pour des services basiques et des services Premium payants. D’autres réseaux sociaux souhaitent monnayer les données personnelles pour trouver un équilibre. Le paradoxe est que chacun alimente les réseaux sociaux de données personnelles (parfois sensibles au sens de la CNIL : opinions politiques, religion, orientation sexuelle, etc.) et qu’en même temps il souhaite la protection desdites données. Facebook avec son système Beacon a dû récemment faire machine arrière du fait du tollé provoqué chez les internautes. Pourtant les données permettent des ciblages très précis qui donneraient des taux de retour intéressants pour les annonceurs. Un délicat équilibre est semble-t-il à trouver entre annonceurs et membres du réseau dans le respect de chacun. Une cession de données à des tiers malveillants pourrait être vite dangereuse voire liberticide. Aussi la charte du réseau social est à lire attentivement et une prudence s’impose. La question de la propriété des données postées est à examiner (par exemple photos personnelles déposées sur le site). Les réseaux sociaux devront définir plus précisément le cadre de protection et d’exploitation des données personnelles.
Dans ce contexte (difficulté à monétiser des membres hostiles à la publicité, possible effet de mode, multiplicité des acteurs), on peut se poser la question de la valorisation des réseaux sociaux et s’il n’existerait pas un risque de « bulle 2.0 ». Les rachats de Bebo par AOL et la prise de participation de 1,6 % de Facebook par Microsoft [1] laissent entrevoir une estimation de 20 à 150 dollars par membre du réseau. Le nombre d’utilisateurs inscrits est l’un des paramètres pour la valorisation d’un réseau social mais pas le seul. L’influence de chaque membre et les transactions sur Internet dont il est à l’origine importe.
Les facteurs clés de succès d’un réseau social sont les applications développées qui apportent une réelle valeur ajoutée à l’utilisateur (par ex. système de questions/réponses sur LinkedIn), son interface et la possibilité de personnalisation associée, l’interopérabilité et la migration des données d’un réseau social à un autre (« Data Portability ») car la mise à jour des données sur plusieurs outils est chronophage. Il est de surcroît difficile pour un internaute de gérer sa présence sur des multiples réseaux. Des réseaux comme Ziki unifient sa présence (identité numérique) sur Internet. La logique d’ouverture des réseaux sociaux vers d’autres applications pour le développement des usages est également un gage de réussite.
Les freins dans le développement des réseaux sociaux sur le long terme sont la persistance des données publiées (lesquelles peuvent devenir obsolètes ou porter préjudices), la capacité à être retrouvé (avec la difficulté liée aux homonymes par exemple ou aux faux profils pour les personnes célèbres), et la reproductibilité des informations dans un contexte différent qui dénaturent le message initial. Par ailleurs la sécurité des réseaux sociaux est cruciale par rapport aux risques de spams, de spywares, d’utilisation frauduleuse des données, etc.
De nouveaux acteurs sont certes apparus mais les majors d’Internet (GYM, Google Yahoo ! Microsoft) entrent progressivement dans la danse. Par exemple Google, qui peine à imposer Orkut, en s’appuyant sur Open Social couplé au mél (Gmail) et à la page personnalisable (iGoogle), disposera d’une offre clé en main où les usages principaux d’Internet seront réunis en un point d’accès unique. Le couteau suisse de Google (ou une offre packagée de Microsoft) pourrait être gagnant(e) pour celui qui ne souhaite pas entretenir une pléthore de réseaux sociaux.
Lors de la journée d’étude « Identité numérique et libertés individuelles à l’heure des réseaux sociaux et du Web 2.0 » du CREIS (Centre de coordination pour la Recherche et l’Enseignement en Informatique et Société) le 23 mai 2008 sur le campus de Jussieu à Paris, je présenterai « Les réseaux sociaux et le Web 2.0 : opportunités et menaces pour les internautes ».
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[1] pour 240 millions de dollars et environ 100 millions de membres aujourd’hui. Soit une évaluation de l’entreprise à 15 milliards de dollars !
df-) 17 mai 2008
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