1. Les statistiques (30 millions d’internautes en France dont 90 % d’internautes équipés en haut débit) laissent croire que la France a rattrapé son retard. Or n’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt ? Quelles autres statistiques sont pertinentes et quels contrastes voyez-vous notamment par rapport aux autres pays européens ?
Le premier constat est que l’on est largement en deçà de la moyenne européenne. La France est même selon les classements le 16ème pays sur les 27 alors que nous sommes l’une des trois première puissance économique de l’Europe avec le Royaume-Uni et l’Allemagne. Notre taux de foyers équipés à Internet est de 20 % inférieur – ce qui est énorme – alors que la croissance de ce même taux est de 6 points par an. En projection, on serait au niveau de l’Allemagne d’aujourd’hui dans 4 ans. Il s’agit de l’indicateur le plus marquant.
Ce qu’il ne faut pas cacher toutefois, c’est le succès du haut débit avec 93 % de foyers équipés. La France est leader dans ce domaine et il ne faut pas le minimiser. Toutefois la réussite de l’ADSL brouille la communication et laisse à penser que la France est un pays très numérique, ce qui n’est pas le cas. Par ailleurs, la France a des spécificités. Presque 30 % des Français vivent en zone rurale contre 10 % en Allemagne et au Royaume-Uni. Cet état de fait ralentit le développement du numérique car pour couvrir l’ensemble du territoire, les derniers abonnés à conquérir coûtent cher.
2. Comment voyez-vous l’évolution des usages des internautes : utilisation de sites Web 2.0, temps passé à surfer, achats effectués sur le net ?
En ce qui concerne les achats effectués sur Internet, la tendance se confirme. Nous assistons à une croissance de 35 % cette année, celle-ci ralentit moins chaque année que nous pourrions le croire (avant la croissance était de 40 à 50 % par an) et la croissance est du même ordre qu’en 2006. Ce succès français vient de l’héritage du minitel et des habitudes qui en découlent.
En ce qui concerne le Web 2.0, les internautes vont continuer à fabriquer du contenu. Le Web 2.0 n’est pas le « tout culture » du Web. Ce qui est intéressant c’est un Web 2.0 organisé un peu comme Wikipédia avec des contributions des internautes classées, ordonnées, valorisées. Ce système de valorisation constitue la deuxième étape du web 2.0. Les appels à témoignages de sites tel que L’Internaute.com constituent un bon exemple avec des milliers de contributions collectées chaque mois. Pour comprendre les réactions des lecteurs sur un sujet donné les témoignages sont ordonnés, les plus constructifs et variés sont mis en avant.
Le temps passé à surfer va continuer à progresser. Il convient cependant d’être prudent avec les chiffres en faisant la différence entre le temps déclaratif et le temps observé qui est inférieur. Le temps était de 26 heures (hors application de type Messenger ; celui-ci ne concerne que les protocoles Web) par internaute pour le mois novembre 2007. Ce temps a progressé de 4 heures en un an soit 20 % de plus. Ceci fait 52 minutes par jour et par internaute soit 25 minutes par jour et par citoyen. On est loin des 3 heures 40 pour le temps consacré par chacun à être devant la télévision qui n’a pas varié. Ceci va évoluer avec les comportements des jeunes et le développement de la vidéo sur Internet.
3. Quel rôle entend jouer l’association Renaissance numérique ? Quels objectifs vous fixez-vous d’ici 2010 et de quels relais avez-vous besoin pour contribuer à réduire la fracture numérique ?
Notre objectif est simple : développer le numérique en France à travers des mesures concrètes. Ceci revient à développer l’équipement, la connexion, la formation et l’information. Le premier pas a été de faire passer un amendement à la loi de Finances 2008 permettant la donation par les entreprises d’ordinateurs à leurs salariés. L’association travaille aussi sur le reconditionnement des PC, l’objectif étant d’augmenter le taux d’équipement des PC connectés à Internet. En 2010, nous voulons 80 % de foyers équipés à Internet.
Nous avons également d’autres priorités comme le dividende numérique pour faciliter le développement du haut et du très haut débit sur l’ensemble du territoire national. Une partie de la bande des fréquences hertziennes va être réallouée avec la suppression de l’analogique.. Par ailleurs, dans la lettre vidéo envoyée au Président de la République, nous avons demandé la sortie du décret d’application sur la loi de 2005 relative au handicap pour développer l’accès au numérique pour tous. Nous avons également réussi à supprimer la « taxe internet » sur les sites comprenant de la vidéo. Enfin le reconditionnement des PC peut également être un vecteur pour l’équipement des écoles. Nous avons des actions dans ce sens.
20 décembre 2007
François Xavier-Hussherr est Président de Renaissance numérique (une think tank dans le domaine d’Internet qui regroupe des experts du monde professionnel et du monde universitaire) et Directeur associé du BenchmarkGroup qui diffuse les sites lintenaute.com et journaldunet.com. Il est co-auteur de « Le nouveau pouvoir des internautes » et de « 10 ans d’aventure Internet, une révolution à venir« .
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