1. Quelles différences faites-vous entre le Web 2.0 pour les particuliers et au sein des entreprises ? Quid des usages et des sites usuels dans les 2 sphères ?
C’est vrai que pour l’instant les applications phares (Myspace, YouTube…) du web 2.0, sont plutôt orientées vers le grand public. On parle d’ailleurs de ‘User Generated Content’ et le modèle économique est basé sur la publicité comme pour les médias traditionnels.
Mais à côté apparaissent des services orientés vers l’entreprise. Les suites bureautiques en ligne comme celle de Google fournissent une alternative économique aux suites logicielles classiques. Les outils d’agenda et de travail collaboratif sont eux aussi nombreux et répondent aux demandes des entreprises.
Côté réseaux sociaux, Viadeo ou Lindekin sont des moyens efficaces pour trouver des nouveaux collaborateurs, construire des partenariats ou démarcher de nouveaux clients. Enfin il ne faut pas négliger l’aspect marketing, avec la tendance du marketing viral qui s’appuie beaucoup sur les sites de partage de vidéos et ou sur les blogs. Toujours au niveau du marketing, le web 2.0 est le lieu privilégié pour observer les comportements des consommateurs par rapport à sa marque, même si parfois l’entreprise à l’impression qu’une partie de sa communication lui échappe notamment dans les parodies vidéos ou les critiques sur les blogs. D’ailleurs les blogs sont un moyen pour l’entreprise de se rapprocher des consommateurs ou de ses fournisseurs (blog B to B), en dehors d’une relation strictement marchande.
Les outils et les services sont donc les mêmes, ce sont surtout les usages et les stratégies mises en place qui diffèrent.
2. Avec la primauté de l’image, comment jugez-vous les sites YouTube et Dailymotion ? Que pensez-vous de la banque d’images qu’est en train de constituer l’INA ? Exhaustivité, réponses par rapport aux attentes des internautes ?
Je ne suis pas sûr que l’on ait encore pris toute la mesure du phénomène YouTube et j’y inclus bien évidemment les autres sites comme Dailymotion, Revver ou Metacafe. Phénomène d’abord au niveau des chiffres, plus de 100 millions de vidéos vues par jour, plus de 2 millions de fois pour les plus vues. L’identité du propriétaire de YouTube, Google qui l’a acquis pour 1,67 milliard de dollars participe, elle aussi à l’effervescence autour des User Generated Video. Les questions du modèle économique, ou celle de la gestion des droits ne sont pas encore complètement résolues. La véritable nouveauté concerne l’appropriation rapide de ces sites par les utilisateurs, qui privilégient de nouveaux usages de consommation de la vidéo.
Au niveau économique, l’enjeu est de générer est de valoriser le trafic par des recettes publicitaires. Le rachat de Double Click par Google le confirme. Côté juridique, à côté des poursuites légales aux montants eux aussi spectaculaires, la mise en place annoncée de la technologie « Claim You Content » devrait les réduire.
Avec YouTube, Google a le potentiel d’élargir son activité dans le monde de l’audiovisuel. Pour preuve sa participation remarquée au plus grand salon audiovisuel, le NAB, qui s’est tenu à Las Vegas le mois dernier. Au niveau de son cœur de métier, Google profite des vidéos sur YouTube pour affiner ses méthodes de recherches sur les vidéos. Le moteur indexait jusqu’à présent principalement du texte. Etre capable de retrouver facilement une vidéo, alors qu’elles sont indexées par les utilisateurs eux-mêmes sur le principe de la folksonomie, devient une nécessité. Une autre piste est de mixer la dimension réseau sociaux et « user generated video », le « Laboratoire » de YouTube (http://www.youtube.com/testtube) propose des pistes dans ce sens.
C’est un peu une banalité de le dire, mais la vidéo est l’une des révolutions du web 2.0. Tous les contenus audiovisuels en bénéficient, ceux créés aujourd’hui par les utilisateurs mais aussi les archives audiovisuelles. Le site de l’INA sur le Festival de Cannes est en une parfaite illustration, les archives côtoient des vidéos de Google Vidéo.
3. Que pensez-vous du projet collaboratif Wikipédia ? Enfin, quels sites wikis utilisez-vous et pouquoi ?
Wikipédia est un pionner du web 2.0, c’est l’illustration parfaite de ce qu’on appelle l’intelligence collaborative. Plus le site est populaire, plus les internautes collaborent et éventuellement plus les critiques sont nombreuses, c’est la rançon de la gloire ! La première critique, c’est la justesse des contenus. Il y a bien sûr des erreurs mais elles sont corrigées par d’autres internautes. Une étude mettait en avant qu’il n’y a avait pas plus d’erreur dans Wikipédia que dans des encyclopédies classiques. Quand à d’éventuelles tentatives de falsifications des contenus, je conseille la lecture du dernier roman d’Antoine Bello « Les falsificateurs », la tâche n’est pas aisée… La seconde réserve vient des milieux académiques, les profs sont lassés des étudiants qui font référence à Wikipédia dans leurs devoirs ou mémoires. Une université américaine veut même bannir l’usage des références à Wikipédia. En même temps je me sers souvent de Wikipédia comme une passerelle vers d’autres sites ou références, c’est un plus par rapport à une encyclopédie papier de découvrir de nouveaux liens. Car comme dans toute encyclopédie, le niveau d’information demande à être approfondie en confrontant l’information à d’autres sources.
J’utilise aussi de manière ponctuelle des wikis sur des logiciels spécifiques pour obtenir des réponses pointues.
Enfin je souhaite ajouter, que même si ce n’est pas à proprement parler des wikis, les commentaires sur des sites comme Amazon ou dans les blogs sont aussi de l’intelligence collaborative et souvent sources de nombreuses informations pertinentes.
18 mai 2007
Doctorant en médias numériques à la Sorbonne, Jean-François Gervais est responsable de la filière Multimédia à la Direction de la Formation de l’INA. Il est l’auteur de « Web 2.0 : les internautes au pouvoir », Dunod 2007 et co-auteur de « Gestion des médias numériques », Dunod 2006.
Commentaires récents