1. Pouvez-vous décrire les objectifs de votre site www.alain-bensoussan.com ? Quelles activités ont le plus progressé au sein de votre cabinet (contrats, conseils, litiges) et pourquoi ?
Créé en 1996, notre site présente les différentes activités du cabinet mais ce n’est pas pour autant un site « plaquette ». Il offre des informations juridiques relatives au droit des technologies avancées. Chaque domaine juridique fait l’objet en effet d’un espace qui lui est dédié et actualisé à l’aide d’articles, de supports de conférences, de textes législatifs et réglementaires ainsi que de jurisprudence par l’avocat directeur de ce domaine. Le contenu informationnel offre l’actualité la plus récente en droit des technologies avancées notamment à l’aide d’une page d’accueil mise à jour chaque semaine (pour la partie centrale) et chaque mois (pour l’édito et l’interview). À titre d’exemple, la base « Informatique et libertés » est un espace d’information original structuré en trois parties :
– la loi Informatique et libertés commentée, article par article, accessible à partir d’un tableau ;
– une trentaine de thématiques tenant compte de la diversité sectorielle et de la complexité de la matière (depuis la biométrie, la géolocalisation, en passant par l’hébergement des données de santé ou encore le secteur bancaire….) ;
– la jurisprudence depuis 1981, également accessible à partir d’un tableau.
Quant à l’activité du cabinet qui a le plus progressé ces derniers temps, elle est sans doute liée à la percée d’internet en 2006 qui a fait exploser le Web « communautaire » ou Web 2.0, secouant l’entreprise dans sa communication, son organisation, son informatique et sa sécurité. Sur ce point, nombreuses sont les entreprises qui s’interrogent sur l’effet « Web 2.0 » et le social Networking. Les problématiques posées par les espaces collaboratifs, les wikis ou les blogs professionnels sont autant de sujets sur lesquels de nombreuses questions se posent, en particulier la responsabilité.
2. Que pensez-vous de l’OEB et de la question de la brevetabilité des logiciels ? Quelles conséquences juridiques emporte l’utilisation de logiciels libres ?
Le projet de directive sur la brevetabilité des logiciels a été massivement rejeté en 2005 par le Parlement européen faute d’avoir trouvé un accord sur la définition du champ de cette brevetabilité. Il n’y a donc pas en théorie de brevet pour les logiciels. Mais l’abandon du projet de directive ne changera pas fondamentalement la situation car depuis plus de 10 ans l’OEB délivre des brevets dits « de produits programmes » qui correspondent à la mise en oeuvre d’une suite de traitements automatisés par un ordinateur et ayant un effet technique. Les offices nationaux et en particulier l’Office européen des brevets (OEB) vont continuer d’apprécier, au cas par cas, ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas, sans qu’il y ait besoin d’une directive d’harmonisation.
En ce qui concerne les logiciels libres, ils sont aujourd’hui nombreux à avoir atteint un niveau de maturité tel qu’ils constituent une réalité du marché incontournable. Pour autant, sur un plan juridique il n’existe pas de catégorie ou de sous-ensemble juridique autonome leur correspondant, comme cela existe pour les progiciels. De fait, la réelle singularité juridique du logiciel libre est que les conditions juridiques de son exploitation stipulées dans la licence qui lui est associé constituent une composante essentielle de son existence même. Il n’y a donc pas de logiciel libre sans licence « libre » et il y a presque autant de licences que de produits. L’intégration de la licence au produit, la qualification, la traçabilité et la compatibilité de celle-ci devient donc un paramètre à prendre en compte dans l’urbanisation des systèmes d’information au même titre que la gestion des composants. L’examen attentif de la licence s’impose avant de l’insérer dans un projet, afin d’identifier le dispositif contractuel de type « copyleft » (sans restriction) ou « non copyleft » (avec restriction) et de déterminer les contraintes d’exploitation et la conformité du contrat aux libertés fondamentales des licences de type GPL ou compatibles.
3. La transposition des directives communautaires est un processus long où nous avons souvent pris du retard ; les lois informatique et libertés ou DADVSI ont suscité des débats parlementaires qui divisaient les partis. Quels seront selon vous les dossiers en matière de lois informatique et Internet sur lesquels devra plancher le prochain Gouvernement ?
Huit mois après le vote de la loi sur le droit d’auteur (DADVSI), le Gouvernement vient d’installer la très attendue Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT). Elle aura la tâche redoutable de concilier les mesures de protection avec d’une part, l’exercice des exceptions dont bénéficient les usagers ou certaines catégories d’entre eux, notamment l’exception de copie privée, et d’autre part, les exigences de l’interopérabilité, dont les principes sont également énoncés par la loi.
Les questions soumises à la compétence de cette nouvelle autorité seront les nouveaux chantiers de demain. En ce qui concerne l’interopérabilité, son intervention sera très discrète si les opérateurs parviennent à s’arranger entre eux comme cela semble être le cas des majors de l’édition musicale qui concluent des accords avec les plates-formes de diffusion en ligne (comme l’accord EMI/Apple), établissant de fait, l’interopérabilité du format numérique sur les différents systèmes de lecture. En revanche, tel ne sera peut être pas le cas, si les opérateurs ne parviennent pas à s’entendre…
Par ailleurs, pour parachever la loi DADVSI, il reste encore un décret à venir, après celui instituant des sanctions pénales pour réprimer les atteintes portées aux mesures techniques de protection ou d’information (DRM) (déc. 2006) et la circulaire mettant en place une répression graduée (janv. 2007). Ce décret aura pour but d’obtenir des fournisseurs d’accès à internet l’envoi de messages d’avertissement aux internautes contre le téléchargement illégal. Cette problématique revêt une actualité particulière dans le contexte de la décision récemment rendue par le Tribunal correctionnel de Bobigny (14 décembre 2006), qui a annulé, pour défaut d’autorisation préalable de la CNIL, un procès-verbal réalisé par un agent assermenté de la SACEM et constatant des infractions au droits d’auteur commises sur un réseau peer-to-peer.
La loi pour la confiance dans l’économie numérique de juin 2004 n’a pas encore la totalité de ses décrets d’application. Le projet de décret que prépare le Gouvernement sur la détention et la conservation des données d’identification des éditeurs de contenus en ligne doit encore recueillir les avis consultatifs de la CNIL et de l’ARCEP, avant d’être adopté en Conseil d’État mais on connaît déjà son contenu. Il impose aux FAI et aux hébergeurs de détenir et de conserver les données de nature à permettre l’identification de leurs clients ou utilisateurs durant un an, sans que rien ne soit prévu pour les dépenses d’investissement, que les FAI et hébergeurs devront supporter pour faire face à ces « nouvelles » exigences…
En outre, le Gouvernement devra nécessairement s’intéresser à une « LCEN 2.0 » car, entre le développement du Web 2.0, la révision programmée de la directive commerce électronique et le fait que de nombreuses questions ne trouvent aucune réponse dans l’actuelle loi (blog, affiliation, moteur de recherche, etc.), une refonte de la loi est peut être à prévoir… La loi Informatique et libertés modifiée en août 2004 est quant à elle totalement opérationnelle puisque le décret sur la nouvelle organisation de la CNIL et le dispositif du correspondant informatique et libertés a été pris en octobre 2005 et modifié en mars 2007 pour tenir compte notamment de l’accroissement considérable de l’activité de la CNIL résultant des nouveaux régimes de formalités préalables et de la loi du 23 janvier 2006 contre le terrorisme.
22 mai 2007
Alain Bensoussan est avocat et fondateur du cabinet éponyme. Dès 1978, Alain Bensoussan, avocat à la Cour d’appel de Paris, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle – droit de l’informatique – ainsi qu’en droit des relations internationales, a fondé un cabinet dédié au droit des technologies avancées.
Il a rédigé et publié en 1985, aux éditions Berger-Levrault, le premier traité de droit de l’informatique. Le cabinet qu’il dirige est divisé en départements opérationnels centrés sur un secteur d’activités technologiques.
Alain Bensoussan participe à de nombreux groupes de réflexion sur le droit des technologies avancées et a notamment été membre de la Commission Pierre Louisot, relative à la « Protection intellectuelle des résultats des recherches sur le génome humain et des banques de cellules et données sur l’ADN ». Il est arbitre auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et enseigne le droit de l’informatique à l’Ecole Centrale de Paris et le droit des contrats informatiques dans le Master Professionnel Droit et pratique du commerce électronique à l’Université de Paris V, René Descartes. Il est également Président de l’Association française de l’informatique et de la télécommunication (AFDIT).
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