La table ronde Les réseaux sociaux et l’entreprise : une communication 2.0 s’impose ! s’est tenue le 26 mai à Télécom ParisTech. Une synthèse rédigée par Philippe Hilsz, co-président du club DSI-Web suit.
Cette table ronde était animée par David Fayon, co-auteur de l’ouvrage « Facebook, Twitter et les autres… ». Et réunissait Yann Gourvennec, co-fondateur de Media Aces, Directeur Web, médias sociaux et numériques chez Orange, Guillaume Larronde, Directeur commercial LinkedIn France, Luc Bretones, Directeur de Business Unit chez Orange, Président d’Orange Solidarité Numérique, Co-organisateur de l’événement du G9+, L’entreprise face aux réseaux sociaux et Emilie Ogez, responsable Marketing & Communication chez XWiki SAS
Les réseaux sociaux sur Internet deviennent incontournables et même stratégiques dans l’entreprise. Ceci tant via les réseaux sociaux grand public accessibles par tous (Facebook, Twitter…) qu’avec des réseaux sociaux privés internes à l’entreprise développés pour des besoins précis. Ils correspondent à une évolution des intranets de l’entreprise associée aux blogs et wikis. Une nouvelle façon de communiquer en découle, les rapports à l’information évoluent et le métier de Community Manager émerge.
Pour David Fayon, les réseaux sociaux (2010’) constituent la troisième révolution des télécoms dans l’entreprise après le téléphone (1970’) et la messagerie électronique (1990’). Et il ne s’agit pas d’un phénomène de mode mais d’un commencement.
Les salariés ont-ils accès aux réseaux sociaux dans vos entreprises ?
Les usages sont de moins en moins contrôlables avec les terminaux personnels.
LinkedIn essaie de copier Facebook pour l’entreprise. L’usage est corrélé à la productivité, comme le web en général pour trouver l’information. Il vaut mieux libérer que restreindre.
Pour Émilie Ogez, il n’y a pas de mal à y accéder au travail, comme toute pause, café ou autre. Elle parle de la pause Web.
Orange privilégie le management humain, assurer confiance et pédagogie, être ambassadeur, de la marque pas esclave.
Orange a développé un forum sur sa page Facebook, qui a un fort trafic, 20 animateurs à temps plein, une amélioration et un complément au contact téléphonique.
On a peur du nouveau. Yann Gourvennec indique qu’il ne faut diaboliser les réseaux sociaux, ils déclenchent de nouveaux usages à l’exemple de Twitter. Le raisonnable s’installe de lui-même. La performance n’est pas le contrôle de présence, c’est le résultat en regard d’objectifs. Yann Gourvennec fait part de son expérience d’Intranet à Unisys UK dans les années 1990. Et de la même façon, chacun doit maîtriser, savoir gérer son temps passé sur les réseaux, tout comme sur Internet et le mél.
Quels outils internes utilisez-vous ?
Orange a développé Plazza, un réseau social interne qui marche vraiment bien, avec plusieurs dizaines de milliers d’abonnés, en France et dans le monde, une forte partie sont seniors, et on dénombre plusieurs centaines de communautés. Les contenus sont très variés : liens associatifs, cours gratuits, agendas, partage des supports,… sans contrôle, c’est très efficace.
Luc Bretones partage quelques chiffres anticipant une question de David Fayon : plus de 18 000 collaborateurs ont rejoint Plazza dont 15 000 en France et 3 000 à l’étranger. Ils viennent de tous les secteurs d’activité (informatique et réseaux, vente, fonctions supports et autres fonctions). Ils sont de tout âge, 44 % des membres plazza ont plus de 45 ans.
Plazza, c’est aujourd’hui près de 700 communautés spontanées, dont 200 en anglais. Certaines sont liées à des passions, à des expertises, à des métiers, ou à de l’entraide.
Guillaume Larronde indique que LinkedIn a un réseau social interne en plus de son réseau public. L’objectif est de diffuser les bonnes pratiques, des informations, assister le recrutement, en 2011, LinkedIn est passé de 1 000 à 1 400 collaborateurs dans le monde.
Quels sont les liens entre réseau social et wiki ?
Chez XWiki, outre la transparence de l’édition partagée, la mise à disposition à tout le personnel et en temps réel, le Wiki sert de mémoire pour capitaliser le savoir, avec un tableau de bord. L’Intranet comme Skype assure la communication permanente qui sert à signaler les nouveautés dans les Wikis.
Yann Gourvennec : Quand un collaborateur quitte l’organisation, on efface toutes les données de son poste de travail, de sa messagerie. La mémorisation procurée par les wikis/Sharepoint/Lotus Notes et autres plates-formes de capitalisation est donc cruciale ; c’est la base du référentiel métier, le lieu focal du savoir de l’entreprise.
Émilie Ogez : Le mél reste omniprésent, comme identifiant signature, et pour les alertes. On envoie des liens (URL) vers l’information, là où elle se trouve.
Le zéro-mél est tout aussi illusoire que le zéro-papier.
Guillaume Larronde : On reçoit de plus en plus de méls. Les jeunes induisent de nouvelles pratiques.
Yann Gourvennec : Selon ‘The Hamster Revolution’ (Ken Blanchard), la part de temps passé à gérer ses méls au travail dépasse 40 % ! Un mois de travail est perdu par an. Le problème n’est pas l’outil, mais sa mauvaise utilisation. Peut-être que dans bien des cas, un mois de travail perdu est un euphémisme.
Chez ATOS, Thierry Breton a annoncé la suppression du mél. C’est un vœu pieux, Facebook détourne la communication, intra ou extranet. L’annonce est avant tout un coup de publicité, qui positionne Atos sur l’intégration des outils de réseau d’entreprise et pour mettre en avant la productivité d’Atos par rapport aux autres SSII. C’est aussi une géniale opération de marketing du bouche à oreille, d’économie en supprimant le mél interne au profit de Gmail par exemple.
Deloitte a organisé aussi des « No e-mail Friday », ils ne sont pas les seuls.
Plus que le mél, le SMS, les réseaux sociaux sont adaptés aux différences d’horaires à travers le monde, à l’exemple de Basecamp, service SaaS autour de groupware.
Quels sont les bons et les mauvais usages des réseaux sociaux en entreprise ?
Guillaume Larronde : Pour une entreprise, il ne suffit pas d’y être comme les autres. Cette présence est au service de la marque, de la personne, carrière, business, valeur. Comme dans la vie réelle, il faut se demander quelle finalité, intérêt, enjeu, risque ?
Pour Luc Bretones, un mauvais usage, c’est d’être ‘faux cul’, de tenter de se construire un profil artificiel. L’antithèse en est Versac, Nicolas Vanbremeersch, grand blogueur et homme de conviction. Les réseaux sociaux promeuvent le comportement authentique appelant la sympathie comme la canadienne Tara Hunt, la présidente d’HEC au Féminin, Sophie Reynal, Basecamp (fascicule Rework préfacé par Seth Godin), ne pas faire des réunions pour des réunions, 9 sur 10 sont inutiles. Les réseaux sociaux accélèrent la relation.
Émilie Ogez : Sur Facebook, on peut acheter ses amis, fans ou followers. Elle préfère le naturel quitte à mettre plus de temps pour développer un réseau. Le virtuel doit rejoindre le réel, la vraie vie, ne pas donner une image décevante.
Pour Yann Gourvennec, la qualité n’est pas dans le nombre de fans, il faut les impliquer – un site FanGager permet de le mesurer – c’est un bon fondement marketing. Voir aussi Andy Sernowitz, pape des médias sociaux et de leur éthique, esprit pionnier de socialmedia.org. On doit y aller, accepter les erreurs, les assumer, s’excuser, le dialogue part d’une critique, l’accepter, ne pas avoir peur d’y aller, de faire des erreurs.
Émilie Ogez en convient aussi : N’ayez pas peur, oser l’échec ou la critique !
Guillaume Larronde, le mécanisme est le même que dans la vie réelle, mais plus amplifié, plus rapide.
Les entreprises doivent embrasser les réseaux sociaux, comme le reste, c’est inéluctable.
Dans l’effet Whuffie, mesure du capital social, Tara Hunt a lancé un concours, reçu de nombreuses propositions, fait le buzz, créé une légende.
De même lorsqu’elle a lancé sa société Shwowp (contraction de Shop et de l’effet Waou) renommée buyosphere grâce aux propositions des internautes.
Pour Marc Zuckerberg (Facebook), le e-Commerce est mort, vive le Social Commerce !
David Fayon cite des campagnes publicitaires sur les réseaux sociaux. Tippex sur YouTube, où l’internaute a le choix de tuer l’ours ou pas. Oasis qui cible les jeunes, avec The Fruit of the Year, concours avec diffusion d’un clip TV à la clé, facile à viraliser.
Un Tweet qui parle, qui suscite de l’émotion, a plus de chance d’être ‘retweeté’ qu’un autre sans saveur et convenu.
Pensez-vous que la géolocalisation, comme Foursquare, soit l’avenir des réseaux sociaux ?
Pour Émilie Ogez, la géolocalisation présente des côtés positifs et des négatifs, tel que le site anglais Please Rob Me (cambriolez-moi).
Yann Gourvennec : On peut se faire localiser autrement, en tweetant, ou par l’intermédiaire des autres qui signalent votre localisation ou votre présence.
Pour Guillaume Larronde, une grosse application est le marketing. On a encore peu vu de valeur ajoutée, sauf avec Foursquare, le Push quand on passe à côté d’un magasin.
Émilie Ogez cite des exemples. Donner la visibilité de là où on est, en synchronisant Twitter avec Foursquare, par exemple je suis à Télécom ParisTech. Comme Starbucks aux Etats-Unis ou Leonidas, se localiser par des Check-ins rapporte des points, des réductions. Comme une marque de croquettes pour chien, où le check-in déclenche une rasade au pied de l’affiche. Comme les chasses au trésor Foursquare-Twitter, ou pour optimiser ses courses, ou des rencontres de voisins à intérêts commun. Scoville permet de voter pour les lieux qu’on a aimés.
Luc Bretones n’est pas inquiet sur les problèmes de sécurité posés et de menaces sur la vie privée, chacun est libre et responsable. Il est intéressé par mieux connaître ses amis, le capital sympathie de gens plus ouverts, le gain de temps, plus les affinités, les intérêts communs.
David Fayon donne l’exemple d’un Check-in de Fabrice Landois (responsable marketing réseaux sociaux de l’APEC), qui lui a permis de trouver une compétence complémentaire, de pouvoir répondre ainsi et remporter un appel d’offres.
Comment voyez-vous l’avenir des réseaux sociaux ?
Luc Bretones, Président d’Orange Solidarité Numérique, considère que c’est un devoir civique d’aider à réduire la fracture numérique (un objectif de l’association Renaissance Numérique), permettre que chacun puisse prendre part aux conversations. Beaucoup sont écartés pour diverses raisons, quel que soit l’âge, de plus l’écrit demande de savoir lire plus que la vidéo. Les réseaux sociaux vont développer l’initiative, la confiance, l’implication, l’attachement.
De nouvelles formes de travail dites ‘agiles’ (méthode Scrum) vont se développer, sans hiérarchie, les collaborateurs à fond dedans grâce aux outils du Web 2.0, plus entraînant encore que la hiérarchie (cf. Rework cité ci-avant), en interne mais aussi en externe.
Pour Émilie Ogez, les RH ont de plus en plus un rôle à jouer dans la mise en place des réseaux sociaux au sein des entreprises, au même titre que la DSI, le marketing, le commercial…
Guillaume Larronde : Les réseaux sociaux offrent des opportunités d’emploi grâce aux recommandations.
Pour Yann Gourvennec, les réseaux sociaux sont à maturité après 5 ans de pratique, par l’entreprise et par le personnel. La problématique immédiate est maintenant la montée en charge, la modération des échanges, les processus. La phase « cow-boy » va s’arrêter, on rentre dans une phase d’industrialisation. L’innovation suivante n’est pas évidente. La réalité augmentée ? Elle n’est pas encore là. On assiste à un retour du fantasme de l’immersion, à la Second Life. Lors de l’événement Orange Business Live à Amsterdam en 2011, une démonstration de téléprésence 3D holographique a été faite, avec un tel degré de réalisme que c’était bluffant. Ceci coûte cependant encore cher, environ 10 k€ à chaque démonstration, mais l’expérience immersive va revenir à la mode.
Concernant l’aspect marché, il y aura des consolidations, peut-être autour de Xing, Viadeo (qui a lui-même acheté Unyk, Plaxo), et des risques de bulle boursière si on n’y prend pas garde ; on en sent déjà les symptômes, avec les IPO, les fonds d’investissement (JP Morgan), la valorisation excessive de LinkedIn comme cela a été souligné par le Wall Street Journal.
Questions/Réponses ?
Face à la motivation, la peur de fuite sur les réseaux sociaux, n’a-t-on pas raison de s’inquiéter ?
Luc Bretones rappelle le scandale récent de la fuite via un réseau de la stratégie Cloud d’HP. Cette stratégie devait être dévoilée seulement cet été en août. Et le scandale des salariés d’Alten licenciés suite à des propos critiques échangés sur le mur de Facebook.
Il cite le concept du Startup Weekend, des idées de création d’entreprise qui peuvent être interceptées. L’intelligence économique est un véritable business.
Si on travaille sur des sujets sensibles, il faut être très rigoureux, autant sur les réseaux sociaux que sur papier, pour éviter l’espionnage.
Yann Gourvennec : La collaboration intervient quand il y a entraide, intérêt et bénéfice mutuels. Si le réseau ne sert qu’à surveiller, le bénéfice en est perdu. Pour attirer, il faut amorcer, susciter la passion. Pour le bénéfice mutuel, il faut se mettre à la place des utilisateurs, rassurer, l’afficher et alors plus de monde viendra de cette façon.
Retour sur l’e-Mail Friday, avec plusieurs pays ?
Pour Luc Bretones, la frontière entre professionnel et privé disparaît, on peut mettre des règles du jeu. Des opérations sur le Web sont nécessaires pendant les heures de travail, telles que des réservations. Ceci ne doit plus poser de problème, c’est comme travailler chez soi sur un dossier chaud. Les gens adultes peuvent gérer ça. Il convient de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’abus.
Pour Yann Gourvennec, il faut prévenir les addictions, faire des coupures, faire autre chose, comme ne pas toucher à Internet le week-end. Pour échanger, il y aussi les outils à la fois archaïques et modernes, que sont la messagerie instantanée, Skype.
Laura Peytavin de Sendmail : Informations sur les communications intergénérationnelles ? Appropriation par tranche de générations ?
Xavier Vaucois : Quels sont secteurs les plus réceptifs ? Actuellement sur les réseaux sociaux on voit beaucoup plus de représentants d’Orange que de Veolia ou ERDF.
Guillaume Larronde : En recherche d’emploi, on va sur un réseau professionnel, y créer une identité, une visibilité. Mais en fait la recherche d’emploi n’est que la 4ème raison. Le secteur importe peu, c’est une question d’engagement et de maturité. On en trouve beaucoup du monde de la Finance, Marketing, Télécoms.
Luc Bretones : Comme au début d’Internet, ces milieux sont sur-représentés, c’est normal ce sont les évangélisateurs. Question de maturité, ces secteurs seront dépassés au bout d’un moment.
LinkedIn est très High Tech, c’est là que ça se passe.
Aux Etats-Unis, dans socialmedia.org, US Navy et US Army sont les plus beaux exemples de Social Media Guidelines. Si c’est bon pour US Army, ce doit être bon pour tous.
Concernant la question intergénérationnelle, Wikipedia définit la génération Y comme les citoyens nés entre 1980 et 2000, c’est très large, ça ne veut pas dire grand chose, la génération Y a contaminé la génération X née avant.
Chez Orange Labs, voir les présentations Slideshare de Benjamin Chaminade, Laurent Laforge, etc.
Les jeunes sont meilleurs en cyber-babillage… « lol, réponse : mort de rire… » (en boucle)
Transféré des Skyblog vers MSN, effet de halo, on retrouve sur Facebook beaucoup de cyber-babillage.
Mais plus les sujets deviennent sérieux, plus on voit alors les « professionnels » du blog.
La vulgate, c’est de croire que quand les jeunes (la génération Y) arriveront en entreprise, ce sera comme une bande de Huns qui va tout brûler sur son passage, et que la hiérarchie va voler en éclat. Ceci n’est pas soutenu par les faits.
Orange Labs a étudié ceci, notamment Anca Boboc avec quelques autres collègues sociologues d’Orange Lab.
Au bout d’un moment, les jeunes deviennent vieux, le marché du travail est difficile, laborieux, on arrive tard à 25-26 ans enfin à une situation. D’ailleurs, Yann Gourvennec a remarqué que ses étudiants de l’université Paris Dauphine, en Master 2 ont tous fermé leur compte Facebook, comme les moins jeunes. Il arrive par contre que des étudiants s’exposent sans le vouloir en invitant des recruteurs à rejoindre leur réseau, sans se rendre compte que la transparence de leur profil est ainsi établie.
Les plus âgés peuvent apprendre quelque chose aux jeunes et vice versa. Les générations sont faites pour travailler ensemble. Et l’iPad par exemple est un moyen formidable pour impliquer les seniors.
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