Vers l’enseignement d’une discipline « Informatique et sciences du numérique » dans les programmes du lycée… Et au-delà !

Le 19 novembre dernier, la nouvelle est tombée. Dans le cadre de la réforme du lycée, une option « Informatique et sciences du numérique » est créée pour la seule Terminale S (mathématiques, sciences physiques et sciences de la vie et de la Terre) en 2012. C’est une avancée qui va dans le sens de l’histoire. Notons par ailleurs que les autres sections (ES, L, techniques et professionnelles) en sont privées. Ce changement est consécutif aux travaux de la Commission Fourgous qui planchait sur l’éventualité d’un tel enseignement. Il paraît crucial qu’il puisse s’étendre à l’ensemble du lycée car il correspond à un réel besoin du pays, des savoirs que les jeunes auront besoin dans leur vie active.

Dans le même temps, le Collège de France en s’associant avec l’INRIA a créé une chaire informatique, élevant selon 01 Informatique « l’informatique au rang de science » [1]. Pour autant, la science informatique existe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. D’ailleurs les Américains possèdent deux mots pour traduire informatique : « computer science » d’une part et « data processing » de l’autre. De même nous pouvons établir une distinction entre les techniques auxquelles l’informatique fait appel et ses usages et il est crucial de maîtriser ses concepts tout en l’utilisant au quotidien pour ne pas être démuni face à la machine et aux outils.

La révolution informationnelle se traduit par la primauté du numérique dans notre société et c’est dans ce secteur que se créent les emplois de demain. Or le fossé s’accroît entre la révolution numérique qui se joue dans l’ensemble des secteurs d’activité économique et les besoins grandissants sur le marché du travail d’une part et l’enseignement d’autre part qui tarde à faire sa révolution. Faut-il rappeler que contrairement à beaucoup de disciplines, il n’existe pas de CAPES ou d’agrégation d’informatique et de sciences numériques au sens large qui reste le parent pauvre de l’enseignement.

À ce jour, plusieurs associations militent en faveur de cette introduction d’une discipline à part entière, c’est le cas notamment de l’EPI, du Groupe ITIC de l’ASTI, d’APRIL, de la Société française de l’Internet et même de Renaissance numérique qui a une Commission qui planche sur la question de l’enseignement des TIC ou encore d’enseignants tels Gilles Dowek, professeur d’Informatique à l’École polytechnique [2]. Loin de tout lobbying, c’est avant tout l’intérêt supérieur d’une classe d’âge qui va faire son entrée sur le marché du travail dans les prochaines années.

Manipuler les consoles de jeux Wii et Xbox est une chose maîtrisée par la jeune génération très à l’aise avec une souris. Pour autant la compréhension des concepts manipulés (notions d’algorithmique, logiciel libre vs logiciel propriétaire, langage compilé vs langage interprété, téléchargement, droit d’Internet et les enjeux qui en découlent) constituent des principes fondamentaux pas toujours maîtrisés par cette même génération. Aussi il est indispensable de disposer des savoirs pour bien appréhender les évolutions de notre société qui se dessinent : enjeux d’HADOPI par exemple, question de l’identité numérique notamment avec la profusion des réseaux sociaux et les opportunités et les risques pour les citoyens, notion de droit à l’oubli, différences législatives existantes entre l’Europe et les États-Unis, etc.).

Ne pas disposer d’éducation à l’informatique et aux sciences du numérique serait un mauvais calcul et constituerait un déni de droit à la formation fondamentale. Alors même que nous vivons la révolution numérique et que la valeur ajoutée réside pour les salariés et les citoyens dans la capacité à rechercher, analyser et retraiter l’information avec un regard critique et pertinent, comment ne pas être interpellé jusqu’alors par ce manque d’intérêt d’une discipline incontournable pour la société de demain.

Une véritable discipline permettrait en outre de susciter des vocations alors même que l’innovation et les acteurs principaux de l’économie numérique sont tous Américains : Microsoft, Google, Yahoo, Amazon, eBay, Facebook mais aussi Apple, Cisco, IBM, HP, Compaq et la liste est longue. Faut-il rappeler que le seul État de Californie dépasse la France entière dans bien des domaines.

Toute évolution de l’enseignement suscite bien évidemment des craintes et une résistance au changement sans compter la capacité à former le corps professoral. Aussi une phase transitoire pourrait être envisagée notamment en plaçant l’enseignement de cette discipline pour tous dès la classe de Seconde. J’ai déjà évoqué des pistes dans la réflexion dans un article « Pour un Grenelle de l’enseignement des TIC » [3].

Oui à une option « Informatique et sciences du numérique » pour tous dès la seconde. Oui également à une formation continuée permettant l’obtention d’un « passeport numérique » tout au long de la vie professionnelle (et allant au-delà des B2I et C2I). Celle-ci est en effet plus longue et davantage marquée par des changements d’orientation et des évolutions en matière d’outils numériques.

NOTES

[1] Cf. L’informatique élevée au rang de Science, 01 Informatique, 26 novembre 2009. Le professeur Gérard Berry, père du langage de programmation Esterel est devenu le premier titulaire et la leçon inaugurale a été donnée le 19 novembre.

[2] À propos de l’enseignement de l’informatique, podcast de l’entretien de Gilles Dowek avec Joanna Jongwane sur )i(Interstices.

[3] Pour un Grenelle de l’enseignement des TIC, David Fayon, EpiNet n° 96 de novembre 2007.

df-) 15 janvier 2010

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